[Critique] MUD – SUR LES RIVES DU MISSISSIPPI

CRITIQUES | 2 mai 2013 | 1 commentaire

Titre original : Mud

Rating: ★★★★★
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jeff Nichols
Distribution : Matthew McConaughey, Tye Sheridan, Jacob Lofland, Reese Witherspoon, Sarah Paulson, Ray McKinnon, Sam Shepard, Michael Shannon, Joe Don Baker, Paul Sparks…
Genre : Drame
Date de sortie : 1er mai 2013

Le Pitch :
Ellis et Neckbone,14 ans, rencontrent au cours de l’une de leurs pérégrinations sur le fleuve Mississippi, un homme un peu étrange se faisant appeler Mud. Vivant seul sur une île, dans un bateau perché dans les arbres, Mud sympathise rapidement avec les deux adolescents auxquels il demande de l’aider à reconquérir le cœur de Juniper, l’amour de sa vie…

La Critique :
Voguez en compagnie d’un casting quatre étoiles et de l’un des plus grands réalisateurs en activité, sur le fleuve Mississippi. Un voyage depuis longtemps planifié par Jeff Nichols, le chef d’orchestre de cette œuvre à la fois mélancolique et prenante. Un maître positivement impressionné par Les Aventures de Tom Sawyer, à qui Mud doit finalement beaucoup. Né dans l’imagination de Jeff Nichols, Mud synthétise une certaine idée poétique d’une Amérique sauvage, souvent fantasmée mais pourtant bien réelle. Partageant, depuis ses débuts, avec Terrence Malick de nombreuses affinités, Nichols aime le cinéma posé et contemplatif. Celui qui prend le temps de raconter une histoire et qui privilégie les non-dits, les regards et bien sûr son environnement ; sans pour autant se refuser des ruptures de rythme. Partant de la volonté de réaliser un film classique (dans le bon sens du terme), s’inscrivant dans la légende burinée américaine, le cinéaste déjà responsable de Shotgun Stories et de l’épatant Take Shelter prend ici le temps de donner de l’ampleur à une histoire aussi simple que dense.
Sublimé par des décors superbement mis en valeur par la photographie d’Adam Stone, le troisième film de Nichols s’avère très rapidement immersif. Conte initiatique à ranger aux côtés de Stand by Me et rappelant aussi pour son aspect communautaire appuyé le récent Les Bêtes du Sud Sauvage, Mud raconte certes l’Amérique, mais aborde aussi des thèmes puissants et fédérateurs comme l’amour -entre un homme et une femme, mais aussi entre un enfant et ses parents-, la fin de l’enfance, l’amitié et la notion d’apprentissage.

Au contact de Mud, ce vagabond au passé trouble, charismatique à souhait, les deux enfants, et plus spécifiquement Ellis, le véritable héros du film, font l’apprentissage de la vie d’adulte. La rencontre du jeune Ellis avec ce personnage solaire (et la relation qui se noue par la suite) intervient alors que son existence tout entière s’apprête à prendre un tournant décisif. Éprouvant pour Mud, ce père de substitution à l’aura quasi-surnaturelle, une admiration sans borne, Ellis pénètre dans un monde qui n’est pas le sien, avec tout ce que cela comprend de découvertes et de déconvenues.
Au final, Mud, qui propose la vision d’un adolescent en manque de repères, est l’un des grands longs-métrages sur l’enfance. De ceux qui restent et qui marquent. Quelque-part à la croisée des genres, Jeff Nichols trouve le bon dosage entre mélancolie donc, mais aussi aventure, comédie et polar. Car Nichols mélange en effet les genres. Il prend des risques et ouvre son champs des perspectives. Surtout si on compare Mud avec ses deux précédentes réalisations, davantage axées sur un nombre limité de personnages à l’horizon bien souvent bouché ou encore mis au ban de la société. Et si la notion de rébellion est bel et bien au centre du métrage, on retrouve, via les deux jeunes héros, un espoir qui semblait fuir Take Shelter par exemple. Moins sombre, présentant une galerie de personnages plus étendue et se baladant entre les figures de styles, Mud est un exemple flagrant de maîtrise parfaite d’un récit aux accents universels.

Incroyablement rythmé (les 2 heures et quelques passent comme une lettre à la poste), traversé de fulgurances scénaristiques et visuelles, le film s’inscrit d’emblée donc dans la légende de ces grands long-métrages mythiques comme on pouvait en voir jadis. Jeff Nichols va même jusqu’à convoquer les fantômes de ces rebelles mystiques du cinéma américain, via le personnage pivot de Mud, incarné avec une force évocatrice rare par un Matthew McConaughey décidément en état de grâce. Après le trio gagnant, Killer JoeMagic MikePaperboy (où il était excellent même si le film est loin de l’être), le comédien incarne avec un mimétisme et un naturel confondant une figure emblématique, comme a pu le faire Paul Newman (ou Brando) avec des films comme Luke la Main Froide. Charismatique comme c’est pas permis, mystérieux et attachant, le Mud de McConaughey fait partie de ces personnages dont le destin est de graver leur nom dans la pierre. Dévorant la pellicule à la moindre de ses apparitions, l’acteur est parfait. Nonchalant, grave et superbement cool, il est pour beaucoup dans la réussite de l’ensemble, même si le mérite en revient tout autant au casting dans son intégralité. Également porté par la performance ahurissante du jeune Jacob Lofland, qui arrive, en compagnie de Tye Sheridan (vu dans The Tree of Life) à tenir la dragée haute à McConaughey, le film jouit en effet d’une cohérence rare au niveau de sa distribution. Traversé de part et d’autre par de véritables gueules (dont Sam Shepard, toujours fréquentable), Mud laisse la part belle à ses acteurs, ne délaisse personne, et parvient à illustrer avec beaucoup de sensibilité la complexité des sentiments qui unissent ces différentes âmes, plus ou moins égarées. Reese Witherspoon est ainsi tout à fait à sa place, en princesse white trash, tout comme Michael Shannon, fidèle de Nichols, peut-être plus effacé, mais toujours impeccable et de plus assez comique.

Film sur les mentors, sur l’Amérique, sur la notion même de communauté, sur l’amour, l’amitié, le respect, l’apprentissage et la vengeance, Mud est la preuve ultime du talent d’un cinéaste ambitieux et tout à fait compétent quand il s’agit de donner vie à ses idées avec une grâce (trop) rare dans le paysage cinématographique actuel. Un très grand film ! À coup sûr l’un des meilleurs de l’année.

@ Gilles Rolland

mud-2013Crédits photos : Ad Vitam

Par Gilles Rolland le 2 mai 2013

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paulus
paulus
10 années il y a

il doit être magnifique ce film gilles merci pour tes commentaire