[Critique] ROBOCOP (2014)
Titre original : RoboCop
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : José Padilha
Distribution : Joel Kinnaman, Gary Oldman, Michael Keaton, Abbie Cornish, Jackie Earle Haley, Michael K. Williams, Jennifer Ehle, Jay Baruchel, Samuel L. Jackson, Aimee Garcia, Marianne Jean-Baptiste, John Paul Ruttan…
Genre : Fantastique/Action/Remake/Science-Fiction
Date de sortie : 5 février 2014
Le Pitch :
Policier émérite, Alex Murphy est victime d’un attentat à la voiture piégée qui le laisse quasiment mort. Candidat idéal au projet d’Omnicorp qui souhaite donner naissance à un policier mi-machine mi-humain, Murphy devient RoboCop. Performant et puissant, il reste cependant humain sur bien des points et doit composer avec des sentiments incompatibles avec sa nouvelle condition de justicier impitoyable destiné à ramener l’ordre dans les rues de Detroit infestées par le crime…
La Critique :
Lorsque déboulent sur la toile les premières images du remake de RoboCop, il y a quelques mois, les fans prennent peur. Des fans déjà échaudés par l’annonce d’un remake d’un long-métrage absolument culte et remarquablement visionnaire, encore plus de 25 ans après sa sortie.
Car le RoboCop de Paul Verhoeven est un classique (critique ici). De ceux que l’on oublie pas. Un film qui a mis une méchante claque à tous ceux qui l’ont découvert à sa sortie ou dans les années qui ont suivi. Une baffe tellement violente que ces mêmes spectateurs n’ont pas compris pourquoi Hollywood cherchait à recommencer à zéro. Qui serait assez fou pour jeter la Joconde aux orties et la remplacer par une nouvelle version, en espérant que les visiteurs du Louvre en redemanderaient ? Oui carrément, on compare la Joconde à RoboCop ! Pour les amateurs de science-fiction, RoboCop est un chef-d’œuvre inoxydable. Comme Total Recall, qui a déjà été piétiné bien méchamment et inutilement par d’autres producteurs bien putassiers (qui se sont ramassés au box-office, soit dit en passant, ce qui prouve que quelque-part, il y a une justice). En soi, ce remake de RoboCop ne prouve qu’une seule chose : aujourd’hui, on cherche la facilité. L’argent facile. On hésite à donner sa chance aux nouvelles idées pour aller piocher dans un patrimoine respecté en tentant de faire passer une pilule grosse comme un œuf et souvent bien dégueulasse.
Bien sûr, parfois, les remakes s’imposent plus facilement. Quand ils sont motivés par une vraie vision passionnée et respectueuse. On pense notamment à La Colline a des yeux d’Alexandre Aja, qui est mieux que l’original de Wes Craven, ou encore aux Infiltrés de Martin Scorsese, qui propose quelque chose de différent qu’Infernal Affairs d’Alan Mak.
Le nouveau RoboCop ne s’impose pas facilement. Il passe en force et échoue au contrôle technique. Sous la carrosserie flambant neuve et toute la batterie d’options high-tech se cache un moteur tout pourrave, gavé d’idées à la ramasse et mué par des intentions louches. Un moteur qui cale trop souvent et qui péniblement, se traine jusqu’à la ligne d’arrivée, sans aucune flamboyance.
On pourrait jouer au jeu des 7 différences entre l’ancien RoboCop et le nouveau. Mais ce ne serait pas très drôle. Déjà, il faudrait changer le nom du jeu, car des différences, il y en a largement plus de sept. Sans s’étendre donc, on pourra signaler, parmi les changements les plus flagrants, que le nouveau RoboCop est humain dès le départ, contrairement à l’ancien qui n’avait pas conscience de sa part d’humanité. Le nouveau sait qui il est et se rappelle de tout. Ensuite vient le lavage de cerveau qui fait de lui une machine, mais ça ne dure pas, car le cœur a ses raisons que la raison ignore et ce genre de trucs qui n’ont pas leur place sous la carcasse du héros.
Toute la dynamique du personnage tel qu’il a été imaginé à la base part aux chiottes avec une désinvolture qui force l’animosité envers tout le projet. Et quand, à la fin, le film semble vouloir rentrer dans le rang pour se rapprocher de son modèle, c’est trop tard, le mal est fait. On s’ennuie déjà depuis trop longtemps pour pardonner.
On ne pardonnera donc pas l’absence de second degré. Bye bye l’ironie aussi. Le RoboCop de Verhoeven était souvent drôle et pertinent. Celui de Padilha n’est pas drôle et se prend trop au sérieux. On tente bien de nous dérider avec ces vignettes qui voient Samuel L. Jackson endosser le rôle d’un présentateur télé vindicatif, mais plutôt que d’imposer leur tonalité, elles ne font que nous faire regretter les savoureux flash info du premier film, et leurs spots de pubs si jubilatoires.
Le caractère visionnaire, toujours valable d’ailleurs, du premier, est ici totalement absent. Ici, Padilha ne fait qu’exploiter des pistes plus réalistes (les drones et tout ça, qui existent déjà) sans inventer ni faire preuve d’audace. Il brode et mélange. On retrouve certains passages clés de l’original remixés à une sauce souvent indigeste et ça fait mal. Pas dans le bon sens cela va de soi…
C’est bien joli de vouloir refaire un classique, mais encore faut-il avoir quelque chose à proposer de nouveau. Sinon, on reste à la maison et on planche sur un truc inédit. RoboCop 2.0 n’a rien à proposer. Il surfe sur un héritage qu’il méprise en tentant de se le réapproprier. Il échoue aussi à dépeindre son environnement, ce qui est véritablement inexcusable tant RoboCop est avant tout une métaphore de notre société. En 1987, le premier film imaginait avec une grande finesse le futur de la ville de Detroit, ville ouvrière, marquée au fer rouge par la crise et aujourd’hui devenue quasiment une grande friche industrielle ravagée par la violence et le chômage entre autres fléaus modernes.
Le Detroit du remake n’apparait pas si craspec et craignos que ça. À vrai dire, la vie y a l’air plutôt sympa. La faute aussi à une photographie trop lumineuse, pas assez sombre et bien trop lisse. Le nouveau Detroit ne semble pas avoir besoin de RoboCop alors qu’avant, la cité était gangrenée par les pires salopards. Des types qui incendiaient, violaient, et n’hésitaient pas à tirer à l’arme lourde. Forcement, ces derniers finissaient criblés de balles quand RoboCop ramenait sa fraise. Là, RoboCop se contente d’électrocuter les bad guys qui ne sont pas si bad que ça. Le méchant en chef passe d’ailleurs pour un Castor Junior face au redoutable et ravagé Clarence Boddicker (un bon méchant fait un bon film disait Hitchcock). Oui, certes, il en flingue un ou deux, mais c’est juste histoire de faire bonne mesure. Le sang ne coule pas et ça ce n’est pas très franc du collier…
Quand il aborde l’épineuse question de la légitimité du film, l’acteur Joel Kinnaman, qui joue précisément Alex Murphy/RoboCop, insiste sur le fait que la vision de Padilha ne pouvait pas être aussi violente que celle de Verhoeven. Certes, mais à ce compte là, on ne refait pas RoboCop. Pas si c’est seulement pour tenter vainement de saisir une actualité brulante pour ne proposer aucune vision. À ce compte là, on fait Iron Man, qui lui, ne tue pas brutalement ses ennemis. Après tout, c’est pareil. RoboCop 2014 et Iron Man sont tous les deux des humains enfermés dans des armures qui leur confère leurs pouvoirs. Sauf que face à Iron Man, RoboCop 2014 ne fait pas le poids non plus. Déjà, il ne vole pas et il ne fait pas de vannes… Bref.
On sait que la production du film fut chaotique. Padilha lui-même a avoué sa détresse en plein tournage, dépassé par les événements, lui qui débarquait de son Brésil natal (après deux Troupes d’Elite puissants), pour se retrouver entouré de requins hollywoodiens castrateurs. Le film traduit cette détresse et souvent transparaissent les difficultés qui ont émaillé le tournage. Mais il n’y a pas que de mauvaises choses. On sent quelque-part une bonne volonté, même si celle-ci reste impuissante et visuellement, on trouve de belles choses (l’ouverture est plutôt réussie et les effets-spéciaux tiennent largement la route) et le désir de donner un rôle plus important à la famille de Murphy (que l’on ne voyait presque pas avant) traduit un côté plus consensuel, destiné à offrir plus d’émotion. Bien tenté mais cela ne suffit pas. Le casting aussi est assez cool, même si Joel Kinnaman n’a pas les épaules suffisantes pour supporter le poids de l’armure. Il manque de charisme. Comme le film qui rame en permanence.
Un film qui se perd, cherche à convaincre et peine à retomber sur ses pieds. Jamais il ne s’affranchit de son modèle. Jamais il ne trouve sa légitimité et n’encourage donc pas l’empathie. Voué à l’échec dès le départ, ce RoboCop ne créé pas la surprise. La catastrophe redoutée a bel et bien lieu. Même si on le prend pour ce qu’il est, sans forcement penser à sa condition de remake, le long-métrage reste trop long, mal écrit, laborieux, confus, et pas si spectaculaire que prévu. Paul Verhoeven doit bien rigoler. Il se marrera encore plus si le public ne répond pas présent en masse et si les 100 millions de dollars du budget de sont pas remboursés. L’avenir nous le dira, mais en attendant, sachez que RoboCop, le seul et l’unique, est disponible en blu-ray. Sa suite aussi, qui soit dit en passant est elle aussi bien supérieure à ce pauvre remake malade et consensuel.
Au fil des années, depuis sa sortie d’usine, le flic robotisé a subi de multiples outrages. Un troisième opus pas folichon et une série télé totalement dispensable notamment. Le remake en rajoute une couche. En affirmant voulant lui redonner ses lettres de noblesse et lui profiler un avenir clinquant, il ne fait qu’illustrer à nouveau la mécanique opportuniste de certains producteurs tout juste intéressés par le profit. Retour au S.A.V !
@ Gilles Rolland