[Critique] SABOTAGE
Titre original : Sabotage
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : David Ayer
Distribution : Arnold Schwarzenegger, Sam Worthington, Olivia Williams, Terrence Howard, Joe Manganiello, Mireille Enos, Harold Perrineau, Josh Holloway, Max Martini, Ralf Moeller…
Genre : Action/Thriller
Date de sortie : 7 mai 2014
Le Pitch :
Le discrédit est jeté sur une équipe de choc de la DEA, quand 10 millions de dollars disparaissent suite à une opération spéciale. Mis à pied, Breacher et ses hommes ne cessent de clamer leur innocence quant à ce vol, en restant aussi soudés que possible. Mais alors qu’ils tentent de reprendre leur travail, les agents sont pris pour cible. Les uns après les autres, ils se font tuer sauvagement. Breacher tente alors de reprendre le contrôle des événements, aidé par un agent du FBI…
La Critique :
C’est précédé d’une bande-annonce ultra badass et rentre-dedans que débarque chez nous Sabotage, le nouveau film de David Ayer, avec Arnold Schwarzenegger. Ayer qui pour rappel, s’est largement fait remarquer par le passé, en écrivant notamment Training Day et en livrant en tant que réalisateur quelques brûlots aussi aboutis que pour la plupart relativement marquants, à savoir End of Watch, Bad Times, ou encore Au Bout de la Nuit.
Aujourd’hui, Ayer quitte donc les bas-fonds de Los Angeles qu’il connait si bien, pour s’aventurer dans les terres et ainsi coller aux basques d’un groupe de flics durs à cuire spécialisés dans la lutte musclée contre les cartels.
Pour ce faire, Ayer s’est adjoint les services d’Arnold Schwarzenegger, qui cherche encore LE film qui saura marquer définitivement son retour aux affaires, et le faire renouer avec les cimes du box-office, après les scores en demi-teinte (pour ne pas dire décevants) du Dernier Rempart et d’Évasion. Malheureusement pour lui, Sabotage a fait un four aux États-Unis.
Cela dit, on le sait, ce n’est en rien le succès d’un film qui détermine sa valeur. Cela veut-il dire pour autant que Sabotage est un chef-d’œuvre du film d’action ? Pas vraiment, car malgré toutes les qualités de ce trip tendu en immersion, il convient néanmoins de parler de petite déception.
Une déception qui désigne d’office un seul responsable : Skip Woods. Pas besoin d’être un fin limier pour savoir que (presque) tout ce qui cloche dans Sabotage, c’est à lui que nous le devons. Que l’on parle de certains dialogues, aussi creux que parfois carrément aux fraises, de ces vannes qui tombent à plat ou encore, de ce désintérêt pour certains personnages superbement ignorés, et plus globalement, de ce scénario à tiroirs, qui prend soin de ne pas aller droit au but pour tourner autour du pot, en diluant l’action, au point d’imposer un rythme en dent de scie franchement regrettable. Quand on sait que le film s’inspire des 10 petits nègres d’Agatha Christie, c’est le comble…
Heureusement, David Ayer a mis son grain de sel dans le script et ça se voit. Pas besoin d’avoir assisté aux séances d’écriture pour savoir qui a fait quoi. Quand on a vu de quoi Woods est capable, on reconnaît tout de suite sa patte. Grâce à lui, le titre du film d’Ayer prend un double sens tragique. Le saboteur, c’est Woods, qui après avoir ruiné partiellement (mais surement) Die Hard 5, G.I. Joe : Conspiration et X-Men Origins : Wolverine, plombe ce thriller d’action en tentant encore et toujours d’imiter l’attitude cool d’un Shane Black (le scénariste derrière Le Dernier Samaritain, Last Action Hero…). Sauf que Skip Woods n’est pas cool. Il est même carrément lourdingue. Prétentieux aussi, tant son récit s’encombre de détails plombant le réalisme que s’efforcent tant d’instaurer le réalisateur et les acteurs. Sans compter que le gars fait preuve d’un machisme à toute épreuve en sabordant littéralement les deux seuls personnages féminins. Un travail de sape qui heureusement ne gâche pas tout, mais qui affecte suffisamment Sabotage, pour l’empêcher d’être le grand film d’action tant espéré par les amateurs.
Et tant qu’on y est, Mireille Enos aussi casse l’ambiance. En roue libre, l’actrice sur-joue en permanence, à grand renfort de grimaces ridicules et d’une attitude insupportable. Manque de bol, elle est au centre de l’intrigue. Comme Olivia Williams d’ailleurs, elle qui essuie les plâtres d’un personnage remarquablement mal croqué…
Voilà pour les défauts. Des défauts qui tirent Sabotage vers le bas, mais qui heureusement, ne suffisent pas à le mettre à terre. La bête a de la réserve. Oh yeah !
Parmi les bonnes surprises, on notera cette ambiance, à mi-chemin entre le thriller à la Se7en et le film guerrier, qui prouve entre autres choses l’aptitude de David Ayer pour nuancer son propos et sortir de sa zone de confort, quitte à truffer sa mise en scène d’expérimentations étranges. De quoi pardonner cette violence trop complaisante, parfois carrément gratuite, comme peuvent en témoigner ces quelques scènes inutiles riches en hémoglobine.
Il y a aussi cette escouade de gueules burinées. Sam Worthington et le colossal Joe Manganiello en imposent et contribuent à donner au film son identité bourrine.
Arnold quant à lui, est en pleine forme, dans la peau d’un personnage plus ambigu qu’à l’accoutumée. À l’aise dans les pompes d’un vétéran, Schwarzenegger fait le job avec une intensité contagieuse. Il est à fois convainquant dans l’action, et dans les scènes plus posées, voire carrément impressionnant dans sa capacité à incarner les traumatismes de son personnage. De quoi regretter encore plus le côté foutraque d’un scénario décidément handicapant, en forme d’écrin clairement pas à la hauteur de la prestation d’Arnold. Méritant, investi, il garde la tête haute et prouve de quoi il est capable dans un registre relativement nouveau. Il se donne à fond. Il y croit, c’est évident et c’est d’ailleurs grâce à lui qu’on pardonne les passages à vide qui viennent diluer une action explosive majoritairement visible dans les différents trailers.
Difficile également de ne pas évoquer ce dénouement. Cette conclusion qui donne l’impression qu’un second film se dessine. Un film qui apparaît étrangement plus stimulant que celui qu’on vient de voir. Maladroite, cette fin permet pourtant à Sabotage de s’achever dans un chaos brut de décoffrage. Dans la violence, le sang et les larmes. Comme si tout ce qui avait précédé n’avait pour but que d’offrir au spectateur cette séquence jusqu’au-boutiste et crépusculaire, dont l’effet secondaire est aussi de souligner l’aspect brouillon d’un long-métrage certes efficace, bourrin et par bien des aspects percutant, mais également assez frustrant.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Metropolitan FilmExport France