[Critique] SAINT AMOUR

CRITIQUES | 4 mars 2016 | Aucun commentaire

Rating: ★★★★☆

Origines : France/Belgique
Réalisateurs : Benoît Delépine, Gustave Kervern
Distribution : Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste, Céline Sallette, Gustave Kervern, Solène Rigot, Ovidie, Chiara Mastroianni, Ana Girardot, Michel Houellebecq, Izïa Higelin…
Genre : Comédie/Drame
Date de sortie : 2 mars 2016

Le Pitch :
Jean et son fils Bruno sont agriculteurs. Jean aime son métier. Bruno, lui, aime boire. Quand Jean vient tous les ans au Salon de l’Agriculture à Paris. Bruno lui, profite de cette semaine de vacances pour faire le tour des stands de viticulteurs et ainsi faire sa Route des Vins sans sortir du Salon. Lassé de voir son fils se détruire à l’alcool et triste de le voir s’éloigner de lui et du métier d’agriculteur, Jean décide de se remettre à boire pour la bonne cause et embarque Bruno faire un tour de France des vignobles…

La Critique :
Atypique, c’est probablement l’adjectif qui définit le mieux le tandem Benoît Delépine et Gustave Kervern. Delépine et Kervern qui font partie de ses rares réalisateur à proposer un cinéma français différent, à l’instar d’Albert Dupontel ou de Jan Kounen. Les deux comparses, qui se connaissent depuis leur collaboration à l’occasion de Groland, en sont à leur septième film en duo. Après l’expérimental NearDeath Experience, ils retournent à la comédie dramatique, plus classique dans la forme cette fois.

Saint-Amour-Poelvoorde-Depardieu

Comme un symbole, ce classicisme se retrouve jusque dans le choix du véhicule qui les transporte (un taxi), moins original que les fauteuils roulant d’Aaltra, la moto de Mammuth ou le chariot élévateur du Grand Soir. Finis les expérimentations sur l’image ou sur les plans, fini les films conceptuels comme Avida. Saint Amour est en ce sens plus fédérateur, jusque dans son humour, un chouïa moins borderline. Aussi léger que le vin qui lui a donné son nom, c’est un feel good movie comme on en voit peu chez nous. Pourtant, hasard du calendrier, le film montre encore une fois la capacité du duo à s’imprégner de l’actualité. Après les patrons voyous qui font des délocalisations surprises (Louise-Michel), Saint Amour met en valeur un corps de métier dont la souffrance se fait entendre de plus en plus fort ces dernières années. Delépine & Kervern, au travers de leur humour grinçant, se font porte-paroles de catégories de population souvent oubliées : les personnes handicapées, la classe ouvrière, les punks (Le Grand Soir), les employés de centres d’appels victimes de burn out et maintenant les agriculteurs. Par le biais du personnage de Jean, c’est l’amour et le respect porté à un métier qui est montré à l’écran. L’amour de la terre, du travail bien fait, d’un travail honnête, qui tranche avec la vision qu’ont d’eux les visiteurs du Salon de l’Agriculture ou le personnage de Mike, parisien pur et dur. Un amour pour le terroir et les plaisirs de la vie connu chez les deux réalisateurs, également hors des plateaux. Avec une thématique (la Route des Vins comme voyage initiatique à deux) déjà illustré dans le merveilleux Sideways d’Alexander Payne, Saint-Amour est un hymne au cinéma hédoniste et libre comme le proposait Bertrand Blier dans les années 70.

Un film de rencontres avec des personnages barrés que les grolandais ont l’habitude de raconter dans leurs films, ce qui donne des seconds rôles savoureux. Céline Sallette (l’éducatrice spécialisée courageuse de Géronimo de Tony Gatlif), Solène Rigot en serveuse angoissée, Ana Girardot, Izïa Higelin, Chiara Mastroianni (méconnaissable en patronne de baraque à frites dans le gaillacois) et Ovidie (qui donnera à bien des hommes l’envie d’investir dans l’immobilier), ainsi que dessinateur Blutch et Gustave Kervern himself. Autant de personnages colorés qui participent activement de l’intérêt du film. Comme à l’accoutumée, chaque rôle est important. Fidèles au niveau des collaborations avec leurs acteurs, les deux réalisateurs ont offert les premiers rôles à Depardieu (qui jouait le rôle principal d’un gentil idiot dans Mammuth) et Poelvoorde (qui avait eu l’un de ses meilleurs rôles principaux, le punk à chien nihiliste de Le Grand Soir), le premier dans son meilleur rôle depuis celui cité plus haut pour les mêmes réalisateurs, le second complètement transformé pour le rôle, le visage rouge et bouffi, bourré de tics, pochtron de compétition et légèrement inquiétant quand il croise une femme. À leurs côtés, Vincent Lacoste se montre, encore une fois et à juste 22 ans, à la hauteur des espoirs placés en lui après Les Beaux Gosses de Riad Sattouf. Rôle principal de Near Death Experience, Michel Houellebecq fait une nouvelle apparition amicale et, loin de son personnage public aux idées assez douteuses, montre, quant à lui, un potentiel comique inattendu.

Léger et optimiste, Saint Amour est un feel good movie qui valorise un métier et ce, sans la démagogie ou le populisme d’un célèbre présentateur de JT de 13 heures. Face un cinéma français balisé, et scolaire à l’extrême, le film se pose en alternative heureuse. Un long-métrage simple au bon sens du terme, parcourant la France avec en bandoulière l’amour du vin et des femmes, parfois potache sans être beauf, avec un humour qui fait mouche à chaque coup. Cette simplicité apparente ne plaira peut-être pas à ceux qui ne sont adeptes que d’un cinéma aussi onaniste qu’une performance d’art contemporain, ce qui le rend encore plus jubilatoire. Généreux, ce n’est certes pas le plus grand cru classé de Delépine/Kervern mais une très bonne cuvée qui se déguste avec plaisir.

@ Nicolas Cambon

Saint-Amour  Crédits photos : Le Pacte

Par Nicolas Cambon le 4 mars 2016

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