[Critique] THE GAMBLER
Titre original : The Gambler
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Rupert Wyatt
Distribution : Mark Wahlberg, Brie Larson, Jessica Lange, John Goodman, Michael K. Williams, Leland Orser, George Kennedy…
Genre : Drame/Thriller/Remake/Adaptation
Date de sortie : 2 juin 2015 (DTV)
Le Pitch :
Le jour, Jim est un professeur de littérature anti-conformiste et passionné. La nuit, il joue et dilapide un argent qu’il n’a plus. Au point de se braquer contre les gangsters auxquels il a eu le tort d’emprunter de grosses sommes. Dos au mur, Jim finit par dépasser largement les bornes…
La Critique :
Petit passage en revue des troupes :
Devant la caméra, Mark Wahlberg, Brie Larson, la révélation de States of Grace, John Goodman et Jessica Lange. Sacré gueule le casting ! Derrière l’objectif, on retrouve Rupert Wyatt, soit le mec qui a dirigé la flamboyante renaissance de La Planète des Singes, après le naufrage de la saga, perpétré par un Tim Burton à la ramasse. Autrement dit, un cinéaste doué, inspiré et sévèrement burné dans ses choix, comme en témoigne sa présence ici. Au scénario, The Gambler permet de vérifier que si William Monaham n’est pas toujours capable de faire un maximum d’étincelles, il sait aussi faire preuve d’audace et reste quoi qu’il en soit plus compétent que la masse de scribouillards qui se pressent aux portes de l’usine à rêves hollywoodienne, les poches pleines de copies à peine déguisées de hits du box office.
Six noms synonymes de qualité pour un film capable, rien que sur le papier, de susciter sinon beaucoup d’intérêt, au moins pas mal de curiosité. Pourtant, allez savoir pourquoi, The Gambler déboule directement en vidéo chez nous, alors qu’un nombre scandaleux de navets franchissent tous les ans les portes des cinémas. Mais rien ne sert de ressasser le sujet, nous en avons largement parlé ici et aujourd’hui plus que jamais, sortie en salle ne rime plus forcement, comme avant, avec bonne tenue d’un long-métrage. Les codes ont changé…
Difficile de ne pas penser au Joueurs, de John Dahl (avec Edward Norton, Matt Damon et John Malkovich), devant The Gambler, soit le remake du Flambeur (avec James Caan), lui-même adapté du livre, Le Joueur, de Dostoïevski. À vrai dire, on espère même que le film sera aussi bon, tant le sujet s’avère porteur, mais souvent prétexte à des scénarios bancals et/ou prétextes à autre chose. Étrange alors de constater que si le métrage embrasse bel et bien son sujet pour s’y focaliser tout du long et mettre en évidence des thématiques diverses et variées, il sait aussi proposer quelque chose de différent. De différent et de déconcertant d’ailleurs, tant The Gambler, malgré son côté un peu opaque, tente une approche alternative.
Tout vient du personnage central, incarné par le toujours très recommandable Mark Wahlberg. Très chevelu (on s’en fout mais quand même), l’ex New Kid On The Block incarne un joueur compulsif aux aspirations un peu incompréhensibles. Si étranges qu’on a carrément du mal à piger et du coup à s’attacher. Si il constitue à la fois l’atout majeur du film et sa garantie quant à une certaine originalité, cet anti-héros est aussi en partie responsable du côté un poil excluant de l’ensemble. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est qu’on ne voit pas toujours pourquoi Wahlberg agit comme il agit, ni où ces actes pourront bien le mener. Légitimement, certains spectateurs pourront choisir de s’en moquer, mais il serait dommage de ne pas accorder sa chance à ce parieur pas comme les autres. Héritier d’une famille fortunée, il joue et se met à dos plusieurs gangsters après plusieurs prêts à risque, sans se soucier de voir son fric partir avec l’eau du bain. La musique, très importante dans le cas présent, souligne parfois la condition du joueur. Tout spécialement quand Brie Larson écoute le tube de Pulp, Common People, dans lequel il est question d’une jeune fille riche souhaitant vivre comme une personne ordinaire et se servant pour cela d’un pauvre gus de la classe moyenne qu’elle « ensorcelle » pour arriver à ses fins, sans que celui-ci ne soit dupe. En dire plus dévoilerait le pourquoi du comment et ce serait regrettable, mais une chose est sûre : on ne pourra pas reprocher à The Gambler de jouer selon une partition classique et prévisible. Quitte à ressembler au final à l’illustration d’un fantasme beatnick ultime (cela dit, on ressent dans la morale la patte de Dostoïevski), le film trace sa route bille en tête et droit dans ses bottes.
Aux commandes, Rupert Wyatt montre qu’il sait aussi tirer son épingle du jeu sans fonds verts et autres effets-spéciaux, et s’attache aux personnages, tout en faisant preuve d’une jolie inventivité tout à fait à propos. Le casting, prestigieux donc, peut compter sur de grands noms, qui assurent les arrières de Mark Wahlberg, libre alors de faire évoluer un personnage intriguant, avec toute la force dont son jeu peut faire preuve quand on lui en donne l’occasion. Loin des rôles de gros bras, il fait le maximum pour tirer son épingle du jeu et si le script est parfois un peu brouillon, il y parvient toujours. Pour résumer, on ne sait pas forcement pourquoi il fait ce qu’il fait, mais l’envie de le suivre jusqu’au bout du chemin est là et bien là. Surtout si c’est pour tailler la route avec Brie Larson, l’une des jeunes actrices américaines les plus prometteuses de ces dernières années.
Avec son petit parfum vintage, son caractère frondeur, son rythme soutenu et ses gueules de cinéma, The Gambler remporte la mise à la fin de la partie. Pas sur un coup d’éclat. Non, lui, il est plutôt du genre à gagner sur la durée et tabler sur une roublardise parfois un peu surfaite, mais néanmoins efficace.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Paramount Home Entertainment