[Critique] MANIAC (2012)
L’Étrange Festival 2012
Titre original : Maniac
Rating: 
(moyenne)
Origines : France/États-Unis
Réalisateur : Franck Khalfoun
Distribution : Elijah Wood, America Olivo, Nora Arnezeder, Morgane Slemp, Sammi Rotibi, Sal Landi, Akbar Kurtha, Megan Duffy…
Genre : Horreur
Date de sortie : 26 décembre 2012
Le Pitch :
Un serial killer brutal, à l’apparence inoffensive, sème la terreur à Los Angeles, en massacrant et en scalpant des femmes semblant être choisies au hasard. Propriétaire d’un magasin de restauration de mannequins, le sinistre meurtrier voit un jour une superbe artiste française venir frapper à sa porte…
La Critique (Pamalach) Rating: :
“Il y a des classiques auquel on ne devrait jamais toucher“. Si vous avez vu la première version de Maniac, il est fort probable que vous vous soyez fait cette réflexion. Nauséabond, méphitique et déliquescent, le premier opus réalisé par William Lustig a scandalisé le public de l’époque (en 1980), assez peu habitué à des ambiances aussi poisseuses et à une brutalité aussi extrême.
Ancien réalisateur de films pornos, le joyeux Lustig avait jeté son dévolu sur le sympathique Mister Joe Spinell pour incarner le fameux maniaque. Pourvu d’un physique solide et d’une gueule à ne pas prêter un sou, Spinell incarnait avec brio la rencontre parfaite entre la sauvagerie psychotique et la barbarie urbaine.
Quand on regarde aujourd’hui le chef-d’œuvre de 1980, on s’aperçoit que tout était combiné pour faire un carton. La musique, oscillant entre le disco et les prémices d’un industriel baveux et inquiétant, était la bande-son parfaite pour cette sombre histoire.
La mise en scène, offrait un contraste saisissant entre les ombres et la lumière, de la lueur aveuglante des appartements New Yorkais, à la nébuleuse opaque inquiétante des bas-fonds de la ville.
L’histoire, pour finir, venait jouer sur la paranoïa urbaine d’une société avec une multitude de problèmes à régler autant au niveau de la sexualité déviante (la prostitution), qu’au niveau de son histoire, sanglante et violente (le scalp, référence évidente à l’histoire du génocide des indiens d’Amérique).
Maniac, premier du nom, appartient donc à ce tout petit club des classiques du cinéma de genre… arrivant à se hisser au niveau des classiques tout court, sans peut-être le faire exprès. Disséquer le succès d’un film pas loin de trente ans après sa naissance n’est pas très compliqué. En tout cas pas aussi compliqué que d’en faire un remake. C’est pourtant le pari qu’a relevé Alexandre Aja (ici à la production), le réalisateur Franck Khalfoun et l’acteur Elijah Wood (???). Pari risqué, mais pari gagné…
Car oui, Maniac version 2012 est une réussite. Un film, qui à mon goût, n’arrive pas à être aussi dérangeant que son ainé, mais qui gagne la partie en jouant avec ses armes et en évitant certains pièges.
Tout d’abord, la nouvelle version évite de trop coller à sa grande sœur. Des points d’ancrage et des marqueurs stylistiques demeurent, mais de nombreuses libertés sont prises au niveau de l’histoire. Les amateurs verront de quelles libertés je veux parler. Je l’ai déjà dit, jene suis pas ce genre de mec qui gâche les films en en racontant trop !
Très mise en avant, la musique est vraiment de très bonne facture. Mélangeant comme l’original les styles les plus maintream aux expérimentations les plus extrêmes, le son sublime les images par la pertinence de ses interventions. Aujourd’hui plus populaire qu’en 1980, la musique minimaliste et noise se voit particulièrement soignée par des effets sonores maitrisés et travaillés, qui sont un véritable plus, notamment lors des scènes les plus gerbantes.
En optant pour une mise en scène en caméra subjective, le réalisateur nous invite à être au plus proche de la réalité du tueur. En donnant un réalisme très cru aux scènes de meurtres ainsi qu’aux scènes de la vie quotidienne, Khalfoun réussit à nous immerger totalement dans la vision du tueur.
En plus d’être une bonne idée, c’est aussi parfaitement maitrisé et particulièrement judicieux quand on sait que le tueur est interprété par Elijah Wood. Un acteur qui à pas franchement un visage effrayant.
Plus le film avance et plus on réalise que cette astuce stylistique est en réalité beaucoup plus fine qu’elle n’y parait au départ, car on est témoin des atrocités que commet le tueur. Mais sans jamais voir son visage, qu’on ne perçoit finalement qu’à des moments clés, où son angélisme et son innocence apportent un caractère déstabilisant et inquiétant.
Et oui, tous les fous n’ont pas des têtes de tueurs, tous les individus dangereux ne font pas 130 kilos et tous les maniaques n’ont pas écrit « psychopathes » sur leur front; et c’est jouant sur cette nouvelle paranoïa relayée par les tchats sans visages d’internet que le film fait mouche. Et cloue le bec à tout le monde !
Elijah Wood réussit donc avec brio cette échappée dans le monde des affreux et fera à coup sur taire les mauvaises langues persuadées qu’il allait se gaufrer. Le talent, c’est de savoir se surpasser certes, mais c’est aussi et surtout de savoir où se situent ses forces. Wood l’a compris et je crois que maintenant, toutes les portes lui sont ouvertes.
Les montées d’angoisses et les distorsions de la réalité ressenties par le tueur sont, elles aussi, particulièrement réussies. S’étant certainement largement documenté sur le sujet, le réalisateur arrive à capter ce qui avait été décrit par d’authentiques malades, en donnant aux moments de panique et aux délires du tueur une profondeur anxiogène servant à merveilles les errances psychiques insondables, incompréhensibles et du coup, véritablement flippantes des pulsions de l’assassin.
Aucun détails n’est négligé, rien n’est laissé au hasard et c’est au gré des clins d’œil et d’un respect que l’on sent véritable pour l’œuvre originale que ce Maniac 2012 se présentera à vous.
Radical, malsain et jusqu’au-boutiste, ce film en forme de poignard aiguisé n’est certainement pas à mettre devant n’importe quels yeux. Tout comme l’œuvre originale d’ailleurs. La boucle est bouclée chers maniaques. À voir absolument.
@ Pamalach
La Critique (Gilles) Rating: :
Pourquoi avoir voulu refaire un film comme Maniac ? William Lustig n’avait-il pas réalisé une œuvre assez définitive, assez hardcore et jusqu’au-boutiste ? Y-avait-il des choses à rajouter pour épaissir le propos ? Pouvait-on offrir une vision alternative des errances meurtrières de Frank Zito sans tomber dans la redite ? À la vue du remake chapeauté par Alexandre Aja et réalisé par Franck Khalfoun, la réponse est non. Du moins, les deux cinéastes ne sont pas parvenus, malgré toutes leurs bonnes intentions, à justifier entièrement leur démarche.
Alors oui, leur Maniac n’y va pas par quatre chemins et n’édulcore jamais son propos. Il ne verse pas de l’eau dans son vin et propose une violence frontale (ce qui est plutôt logique quand on parle d’un type qui scalpe ses victimes), en vue subjective. La vue subjective d’ailleurs est LA bonne idée du film puisqu’elle nous projette directement dans les angoisses psychotiques du tueur. C’est tout du moins l’effet souhaité, parce que dans les faits, ça ne change bizarrement pas grand chose si ce n’est que le métrage se repose ainsi sur une mise en scène inventive et du coup plus originale.
Elijah Wood, qui remplace le molosse Joe Spinell, arrive à rendre son personnage crédible, pas de soucis de ce côté là. Tout ce qui faisait du comédien un mec attendrissant et sage dans ses précédents films (le sourire angélique, les grands yeux bleus…), est ici détourné dans une démarche malsaine et le résultat est convaincant. Véritablement possédé par son personnage, Elijah Wood met du cœur à l’ouvrage, merci pour lui. Fait-il pour autant oublier le premier Maniac ? Non. Sa performance se calque sur celle de Joe Spinell. De manière convaincante certes, ce qui est déjà un exploit si on considère le peu de ressemblance entre les deux comédiens, mais à aucun moment, Elijah Wood n’arrive à se différencier de son modèle.
C’est d’ailleurs le problème général du film. Tenant plus de l’exercice de style studieux que du remake audacieux, Maniac version 2012 est un copycat. On salue le désir d’y aller comme un bourrin mais on note aussi le manque d’audace.
Contrairement aux remakes d’Aja (du moins les très réussis La Colline a des yeux et Piranhas), Khalfoun ne justifie jamais son film par rapport à son modèle, ce qui au final le rend un peu vain. Et les rares fois où il se permet des incartades, ça sonne faux, ou creux. Comme lors de cette séquence vraiment à la ramasse de l’accident de voiture, à la fin du film.
Trop désincarné pour vraiment susciter le malaise, la crainte ou le dégoût (en soi, tout ce qu’inspirait le Maniac de Lustig), Maniac de Franck Khalfoun jouit par contre d’un traitement visuel assez impressionnant. Filmé la plupart du temps en caméra subjective, il arrive à déjouer les pièges d’un tel exercice en traduisant de façon lisible l’action et en proposant une image racée, aux accents vintage assez chiadés. Idem pour la bande-son, très inspirée de celle des grands films d’horreur des années 70, à base de synthétiseur, qui pose une ambiance très particulière. La photographie a aussi de la gueule, arrivant à faire passer la pilule du changement de localisation (l’original se déroulait à New York, celui-là à Los Angeles).
Impossible de parler de ce nouveau Maniac sans le comparer à son modèle. Et c’est précisément là qu’est le problème. Il fallait s’y attendre c’est certain, même si il faut quand même saluer le courage de l’entreprise et sa bonne tenue d’ensemble. Surtout si on compare le film à tous les autres remakes bâtards et pour le coup dénués de quelconques qualités, qui déboulent régulièrement dans les multiplexes à longueurs d’année. Ici, au moins, Aja et Khalfoun y vont à fond. Ils gardent un profond respect pour leur aîné et ne cherchent jamais à le rabaisser en prétendant faire mieux. Cette humilité permet au nouveau Maniac de ne pas apparaître putassier. C’est déjà beaucoup et à lui seul, le fait de proposer une œuvre aussi hardcore dans les cinémas en 2013 vaut une salve d’applaudissements. Avec leur cojones muy grande, Aja et Khalfoun ont monté un film hommage, plus qu’un film tout court. Un peu comme Gus Van Sant quand il réalisait Psycho. Tout y est : le sang, la fureur, l’interprétation. Manque juste une raison d’être.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : P2 Productions
chouette commentaire j adore ce genre de film