[Carnet noir] Jean Rochefort a tiré sa révérence

NEWS | 9 octobre 2017 | Aucun commentaire

Né à Paris le 29 avril 1930, Jean Rochefort passe son enfance à Vichy durant la Seconde Guerre mondiale. L’horreur du conflit lui donne très jeune des envies d’évasion. Contrairement à son frère Pierre qui intègre Polytechnique (il deviendra plus tard inspecteur général de l’armement), Jean Rochefort est un élève rêveur et arrête l’école tôt. À 19 ans, contre l’avis de ses parents, il part à Paris suivre des cours à l’école de la rue Blanche, tout en effectuant des petits boulots. Il entre ensuite au Conservatoire national supérieur d’art dramatique aux côtés de Jean-Paul Belmondo, Claude Rich et Jean-Pierre Marielle mais apprend qu’il n’est pas admis à concourir. Après son service militaire, il travaille comme comédien avec la compagnie Grenier-Hussenot où il découvre des auteurs anglais comme Harold Pinter. Deux ans plus tard, il apparaît pour la première fois à l’écran dans Rencontre à Paris. S’ensuivent des films comme Capitaine Fracasse, Cartouche (où il connaît le succès), Le Masque de Fer, Les Pieds Nickelés, la trilogie Angélique, Les Tribulations d’un Chinois en Chine, Le Diable Par la Queue

Dans les années 70, parallèlement au diptyque du Grand Blond avec Pierre Richard, il connaît son premier grand rôle avec Les Feux de la Chandeleur. En 1973, son rôle dans L’Horloger de Saint Paul de Bertrand Tavernier change sa vie. Il se lie d’amitié avec Philippe Noiret et Tavernier lui apprend à se détendre face à la caméra. Deux ans plus tard, il joue pour la première fois pour Patrice Leconte dans Les Vécés Étaient Fermés de l’Intérieur. La même année, grâce à Que la Fête Commence de Tavernier, il obtient le premier César de l’Histoire, celui du meilleur acteur dans un second rôle. En 1976, Calmos de Bertrand Blier est fraîchement accueilli par la critique et le public. Rochefort comme Blier exprimeront plus tard en interview leurs regrets d’avoir fait ce film, devenu avec le temps culte auprès des fans. La même année, Jean Rochefort entre dans la mémoire du cinéma français dans le rôle d’Étienne Dorsay pour Un Éléphant, ça Trompe Énormément, puis sa suite Nous Irons Tous au Paradis d’Yves Robert, puis obtient le César du meilleur acteur pour Le Crabe-Tambour de Pierre Schoendoerffer. Le succès le fait apparaître dans un film américain, à savoir La Grande Cuisine de Ted Kotcheff (futur réalisateur de Rambo).

 Jean-Rochefort-Terry-Gilliam

Les années 80 le voient faire la navette entre les plateaux de tournage et les planches du théâtre (qu’il avait quitté en 1971) où il s’exerce aussi à la mise en scène. Durant la même période, il opère dans des projets à destination des enfants. En 1982, il est compositeur et interprète pour le livre-disque Rox et Rouky de Walt Disney Pictures. Entre 1985 et 1988, il présente Les Aventures de Winnie l’Ourson pour l’émission Le Disney Channel sur FR3. Au cinéma, on le retrouve dans Le Grand Frère de Francis Girod, Tandem de Patrice Leconte (où son rôle d’animateur radio ringard lui vaut une nomination aux Césars) ou Je Suis le Seigneur du Château de Régis Wargnier.
En 1990, on le retrouve à l’affiche de l’acclamé Le Mari de la Coiffeuse de Patrice Leconte, puis Le Château de ma Mère d’Yves Robert (qu’il retrouve, le temps d’un petit rôle, onze ans après Courage, Fuyons), cinéaste avec lequel il tourne une dernière fois un an plus tard dans Le Bal des Casse-Pieds. En 1993,il est tueur à gages dans la comédie noire Cible Émouvante de Pierre Salvadori (film qui connaîtra un remake avec Bill Nighy dans le rôle de Rochefort). L’année suivante, il figure au générique du satirique Prêt-à-Porter de Robert Altman. 1996, il fait coup double avec Patrice Leconte : il retrouve ses amis de longue date Marielle et Noiret pour Les Grands Ducs avant de marquer les foules dans Ridicule (un des rares rôles pour lequel il rase sa légendaire moustache). L’année d’après, son rôle flippant de voisin psychopathe dans Barracuda de Philippe Haïm permet à un certain Guillaume Canet de se révéler (Canet lui renverra l’ascenseur en lui donnant un petit rôle dans Ne Le Dis à Personne). En 1999, il reçoit un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.

2001 lui donne l’occasion de réaliser l’un de ses plus vieux rêves, à savoir jouer Don Quichotte. Mais l’aventure du film de Terry Gilliam s’arrête brutalement à cause d’une double hernie (et de diverses déconvenues). Ce tournage apocalyptique, qui ne débouchera sur aucun film fit par ailleurs l’objet de l’excellent documentaire Lost in la Mancha. Ce sera l’un de ses plus grands regrets. Il tourne ensuite une dernière fois avec Leconte dans L’Homme du Train puis enchaîne par des apparitions dans plusieurs films, comme RRRrrr d’Alain Chabat, Les Vacances de Mr. Bean, J’ai Toujours Rêvé d’être un Gangster, L’Artiste et son Modèle (qui lui vaut une nomination au Goya du meilleur acteur). Il apparaît une dernière fois dans Floride de Philippe le Guay. Connu pour sa voix chaude, il participe à des albums comme La Mécanique du Cœur du groupe Dionysos (il figure également au casting voix de l’adaptation en film d’animation). Avec l’envie qui le caractérise de multiplier des projets à l’attention notamment de la jeunesse, il intervient dans le programme Les Boloss des Belles Lettres où il raconte dans un langage jeune et décalé des classiques de la littérature. Son amour pour les chevaux, hérité de son grand-père cocher et éleveur hippiques lui vaut d’être consultant pour France Télévisions lors d’épreuves équestres prestigieuse.

Jean Rochefort fut l’incarnation d’une classe et d’un flegme uniques. Son humour parfois décalé, son élégance, son éloquence, son amour des bons mots et sa façon de raconter les anecdotes rendaient chaque interview passionnante et très drôle. C’est avec une infinie tristesse que nous avons appris que Jean Rochefort avait tiré sa révérence ce lundi 9 octobre 2017, à l’âge de 87 ans.
On a tous en tête l’image de ce dandy sage animé d’une pointe de folie, l’œil malicieux, la moustache bien taillée, le verbe pertinent et ce timbre de voix particulier qui vont nous manquer. Il était l’un des plus grands acteurs français. Un véritable seigneur. Dans un hommage émouvant, Terry Gilliam a dit « Don Quichotte est mort, mais il vivra à jamais […] C’était un acteur génial, un brillant comédien, courageux et déterminé à continuer de tourner malgré une douleur intense. Il était le visage et la voix du Chevalier à la Triste Figure. Quand je l’ai vu il y a deux ans, il semblait avoir rajeuni et non vieilli. Je l’imaginais, comme Quichotte, capable de vivre pour toujours ». Nous aussi. Reposez en paix, Monsieur Rochefort.

@ Nicolas Cambon

Jean-Rochefort-001

Par Nicolas Cambon le 9 octobre 2017

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