[Critique série] HOUSE OF CARDS – Saison 2
Titre original : House of Cards
Rating:
Origine : États-Unis
Créateur : Beau Willimon
Réalisateurs : James Foley, John Coles, Jodie Foster, Carl Franklin, Robin Wright…
Distribution : Kevin Spacey, Kate Mara, Robin Wright, Michael Kelly, Kristen Connolly, Sakina Jaffrey, Constance Zimmer, Gerald McRaney, Michael Gill, Rachel Brosnahan, Molly Parker, Terry Chen, Mahershala Ali…
Genre : Thriller/Drame/Politique/Adaptation
Diffusion en France : Canal Plus
Nombre d’épisodes : 13
Le Pitch :
Désormais Vice-Président, Frank Underwood doit rapidement faire face à de nouvelles difficultés, entravant considérablement son ascension au pouvoir. Des tensions apparaissent entre la Chine et les États-Unis, tandis que Raymond Tusk, un puissant industriel proche du Président, ne cesse de s’immiscer dans les affaires du gouvernement…
La Critique :
Phénomène de Netflix, carton public et critique, la série lancée en grande pompe par David Fincher et Beau Willimon continue sur son élan avec une deuxième saison attendue au tournant (critique de la première saison ICI). Frank Underwood, le redoutable whip du parti démocrate, avide de pouvoir et jamais avare en manipulations, a franchi la ligne jaune durant la première saison. Sa vraie nature est exposée et désormais, une chose est certaine : rien n’arrête cet arriviste forcené. Ni les remords, ni le fait de devoir se salir les mains pour accélérer les choses quand il s’agit d’obtenir ce qu’il veut, ou d’éliminer ceux qui se dressent sur son passage.
Underwood est un sauvage. Un barbare en costume Armani (ou une marque du même genre), au sourire en coin. Un parfait pivot pour une série riche en ramifications complexes, prenant pied au cœur de l’administration américaine, dans le bureau ovale et aux alentours.
Alors justement, niveau complexité, mieux vaut s’accrocher. Ayant enfin accédé au poste de Vice-Président, Underwood ne doit plus seulement frayer avec les autres démocrates pour voter des lois ou encore maintenir vivace la flamme de la majorité. Maintenant, le loup de Washington doit composer avec les préoccupations premières du chef de l’état. Normal dans ces conditions que la série en profite pour souligner les tensions entre la Chine et les États-Unis via une intrigue fil rouge servant de révélateur vicieux concernant les relations ambiguës, car pleines de faux-semblants entre le Vice-Président et le Président.
On s’en doute, Underwood ne veut pas se reposer dans son nouveau fauteuil. Il vise la couronne. Cette nouvelle saison est ainsi caractérisée par les coups bas de Frank. Des couteaux plantés dans le dos du chef du monde libre, recouvert sous une bonne couche de nobles intentions assorties de courbettes et autres sourires hypocrites. Le show regarde vers la Chine, et souligne son implication dans de grands projets concernant les travailleurs américains, tout en taclant les grands industriels et leur rôle dans les affaires du pouvoir, via le personnage antipathique de Raymond Tusk, soit le principal antagoniste d’Underwood.
Barack Obama n’a jamais caché son admiration pour House of Cards. Étonnant quand on voit à quel point la fonction présidentielle ne ressort pas gagnante de la série. Ici, le chef d’état est faible. Indécis et facilement malléable. Il doute et se confie à son pire ennemi, à savoir Frank Underwood, qui reste ce vers qui dévore la pomme en s’attaquant en priorité à son intégrité. Il n’y a aucune noblesse dans les actes du personnage principal de House of Cards. Que ce soit dans son travail ou dans son intimité, tandis que sa femme, froide et calculatrice elle aussi, nourrit par son consentement les motivations louches de ce génie du mal égocentrique.
Incarnée avec une justesse troublante par Robin Wright, plus glaciale que jamais, cette femme est justement encore plus développée dans ce deuxième acte. Sa personnalité bien sûr, et donc sa propension à calquer ses méthodes sur celles de son homme.
David Fincher n’est plus de la partie. Aucune épisode n’est ici réalisé par le maître. Il est juste présent à la production. Pourtant, son style demeure, même si aucun des réalisateurs (Robin Wright fait partie du lot, tout comme Jodie Foster), tout en respectant le cahier des charges, n’arrive à égaler la puissance évocatrice de la mise en scène du patron. La photographie, toujours parfaitement pertinente avec la tonalité, dont elle lui confère une belle partie de sa force, appuie les actions des personnages, et la musique enveloppe le tout de ses nappes insidieuses elles aussi parfaitement raccords.
House of Cards est donc toujours une belle série. Une œuvre dense, passionnante, mais pour la première fois marquée par quelques fautes de goût et autres outrecuidances regrettables.
Dans un soucis de peut-être jouer un peu plus sur l’ambivalence du couple vedette, le show fait le forcing en rajoutant des détails qui n’ont pas vraiment lieu d’être. En tête de liste, cette séquence sulfureuse dévoilant la sexualité des Underwood. Une scène en forme de gros cheveux tombant dans une soupe qui n’en demandait pas tant. Idem au niveau du caractère de Frank Underwood. Si on ne louera jamais assez la pertinence et le caractère jubilatoire du jeu de Kevin Spacey, on pourra regretter en revanche la propension du script à vouloir absolument charger la mule, y compris quand ce n’est pas nécessaire. Tout spécialement quand on parle d’une série avant tout remarquable pour sa capacité à instaurer des ambiances et un malaise, sans justement trop en faire.
On peut certainement comprendre par là un désir mal canalisé d’offrir un supplément de sensationnel gratuit, histoire de contrebalancer le récit compliqué, car toujours généreux en ramifications biscornues, dans lesquelles interviennent beaucoup de personnages. De là à qualifier House of Cards de racoleuse par intermittence, il y a tout de même un pas. Un pas, espérons-le, que la troisième saison ne franchira pas.
Le principal au fond est néanmoins sauvegardé. Modèle de construction scénaristique dont on peut parfois regretter les choix, House of Cards reste en haut du panier. Les acteurs, sensationnels (on peut regretter le départ de certains cadors de la première saison), contribuent tous au prestige de l’entreprise, et le caractère subversif est toujours présent. Loin d’arrondir les angles, la série de Netflix s’avère toujours plus mordante. Elle va plus loin, plus vite et plus fort. Quitte à trébucher par moments, comme relevé plus haut. La saison 3, dont la diffusion est prévue pour 2015, sera décisive quant à l’avenir de Frank Underwood et à la pérennité de ceux qui, en coulissent, manient les ficelles…
@ Gilles Rolland