[Critique série] SPACED
Titre original : Spaced
Rating:
Origine : Angleterre
Créateurs : Simon Pegg, Jessica Stevenson
Réalisateur : Edgar Wright
Distribution : Simon Pegg, Jessica Stevenson, Nick Frost, Julia Deakin, Mark Heap, Katy Carmichael, Michael Smiley, Bill Bailey, Lucy Akhurst, Peter Serafinowicz, Ada the Dog…
Genre : Comédie
Diffusion en France : pas de diffusion en France / Disponible en DVD import et sur YouTube en vostfr
Nombre d’épisodes : 2 saisons de 7 épisodes, soit 14 épisodes au total
Le Pitch :
Tim, un dessinateur de comics trop complexé par son travail pour le soumettre à une maison d’édition, et Daisy, une journaliste sujette au syndrome de la page blanche, se retrouvent par le fruit du hasard dans un café, alors que leurs vies respectives prennent une voie de garage. En quête d’un appartement, ils décident de se faire passer pour un couple, pour voir leur dossier accepté par Marsha, une logeuse excentrique avec laquelle ils vont vite sympathiser. Dans leur nouveau logement, Tim et Daisy vont tenter de remettre de l’ordre dans une existence un peu chaotique, entourés par leurs amis hauts en couleurs, parmi lesquels Mike, le meilleur ami de Tim, un ancien militaire frustré, Twist, la meilleure amie de Daisy, une accro à la mode, ou encore Brian, leur voisin, un artiste borderline…
La Critique :
Attention ! Disons le tout net : Spaced (alias Les Allumés en version française) est sans aucun doute l’une des meilleures séries comiques produites depuis l’invention du tube cathodique.
Depuis le 13 avril 2001, date de diffusion du dernier épisode sur la chaine britannique Channel 4, beaucoup de choses ont changé dans la vie des intervenants de Spaced. Simon Pegg est devenu une star de premier plan, grâce à Shaun of the Dead, Hot Fuzz, Star Trek, Mission : Impossible 3 et 4 ou encore le prochain Le Dernier Pub avant la Fin du Monde ; Nick Frost a suivi une trajectoire presque similaire, suivant Pegg dans nombre de projets, dont Shaun of the Dead et Hot Fuzz et seul, dans Good Morning England ; et Edgar Wright, le réalisateur du show, s’est imposé comme l’un des grands faiseurs d’images de sa génération, grâce à -on y revient- Shaun of the Dead, Hot Fuzz, bientôt Le Dernier Pub avant la Fin du Monde, Scott Pilgrim et bientôt également Ant Man, l’adaptation sur grand écran des aventures du héros à taille variable de Marvel.
En 1999 pourtant, tout ce beau monde est relativement inconnu au bataillon. Simon Pegg fait du stand up, de la radio et a fait quelques apparitions dans une poignée de séries assez confidentielles hors des frontières du royaume de Sa Majesté, Nick Frost n’a joué que dans un téléfilm, Jessica Stevenson fait du théâtre et apparaît dans une sitcom, et Edgar Wright bosse pour le petit écran, entre deux courts-métrages.
C’est la rencontre de Wright avec Pegg et Jessica Stevenson qui met le feu aux poudres. Les deux acteurs décident de se lancer dans l’élaboration d’une nouvelle série qui sera, c’est décidé, réalisée par leur nouveau pote Edgar Wright. Nick Frost, ami proche de Simon Pegg, est appelé en renfort et une joyeuse équipe de comédiens rejoint la troupe. Sans le savoir, la vie de ces forçats des planches et des plateaux télé, s’apprête à changer à tout jamais.
Seulement constituée de 14 épisodes, répartis en 2 saisons, Spaced est un série unique. Unique car elle impose la prose et les gimmicks d’une troupe qui a su depuis, s’imposer dans la conscience collective de millions de cinéphiles à travers le monde. Si vous êtes donc un fervent amateur des films cités plus haut, sachez qu’il est impératif de vous procurer les deux saisons de Spaced. Au risque de se passer les épisodes en boucle et de ressentir une franche frustration au moment où vous vous rendrez compte que vous venez de découvrir l’ultime épisode de ce trip à la fois brillant et ô combien jubilatoire.
Il est aisé de s’identifier aux héros de Spaced. C’est d’ailleurs la principale qualité d’un show qui s’adresse avant tout aux jeunes adultes rompus aux épreuves quotidiennes de la vie de l’homo-sapiens typique de l’époque moderne. Et ce dès le premier épisode, qui voit Daisy et Tim, les deux personnages principaux, chercher un appartement. Trop cher, trop loin, trop minable, rien ne correspond. Qui s’est déjà pris la tête sur ce genre de truc saura reconnaître la pertinence de Spaced. Viennent ensuite les problèmes de cœur. Tim vient de se faire lourder par sa copine et Daisy entretient ce qui s’apparente à une relation à distance. Là aussi, bam, la série fait mouche. La recherche d’un boulot et la difficulté d’accorder son ambition avec la réalité du marché du travail est aussi au centre d’une fiction qui se pose tel un miroir remarquablement fidèle de la société dans laquelle nous évoluons. Imaginé bien avant la crise économique, Spaced n’a rien perdu de sa force aujourd’hui, car elle parle tout simplement de gens ordinaires.
Mais au fond, les séries qui traitent du peuple, on connait. Beaucoup essayent, peu arrivent à sonner juste, mais ce n’est pas ce qui manque. Outre le talent des acteurs et du réalisateur, Spaced a autre chose à offrir. Avant The Big Bang Theory, Spaced parlait d’un microcosme geek.
Si on peut certes s’identifier aux héros de The Big Bang Theory, qui sont bardés de diplômes et remarquablement brillants d’un point de vue scientifique, il est beaucoup plus facile de se reconnaître dans un type qui dessine des comics, crache avec une hargne folle sur La Menace Fantôme, joue à Resident Evil, joue avec son chien et est constamment tiraillé entre son rêve de bosser pour un grand éditeur de bd et rester à buller peinard devant des vidéos de types qui se prennent des pelles en skate. Bénéficiant d’une patine très british, et restant loin des codes de la sitcom riche en rires pré-enregistrés, Spaced est assez unique en son genre. Même si, les deux shows ont de grandes chances de rallier à leur cause les mêmes personnes, il y ce petit quelque chose de plus authentique chez Spaced, qui fait défaut à sa cousine américaine.
Les références pleuvent dans Spaced. Fins cinéphiles, Simon Pegg et Jessica Stevenson ont visiblement tenu à insuffler un maximum de clins d’œil dans leur création, au point de transformer certains épisodes en de véritables parodies de films. Pas excluante pour autant, la série s’attaque à du culte. À des trucs comme Vol au-dessus d’un nid de coucou, quand Daisy accepte un job de plongeuse dans une cantine ; ou encore Pulp Fiction avec le remix du fameux retour de Bruce Willis dans son appartement, quand il recherche sa montre. Des parodies brillantes et savoureuses assorties à de petites vignettes ultra référentielles, qui permettent une identification directe.
Pas de doute, Pegg et Stevenson ont mis beaucoup d’eux-mêmes dans Spaced, car c’est véritablement son authenticité et sa capacité à partir dans des trips complètement farfelus sans provoquer une déconnexion sauvage, qui fait du show ce qu’il est.
Ceci et Edgar Wright bien sûr. Débutant, le réalisateur possède déjà cette « magic touch » qui a fait de Shaun of the Dead et de Hot Fuzz des films aussi appréciés à travers le monde. On retrouve ainsi d’ores et déjà la majeure partie de ses gimmicks de réalisation, ce sens du cadre et ce goût du rythme effréné, avec cet objectif qui rebondit sans cesse, au diapason avec les dialogues et les intrigues qui jalonnent ces deux saisons fantastiques.
Lui aussi investi, Wright réalise la totalité des 14 épisodes et fait de Spaced un objet incontournable de la culture bis auquel le mot culte colle à la peau et n’est en aucun cas galvaudé. Jamais l’ennui ne pointe le bout de son nez et jamais il n’y a de faute de goût. À tel point qu’une fois l’ultime épisode terminé, on a qu’une envie : revenir au début et s’en payer une nouvelle tranche.
Vous l’aurez compris, la non diffusion de Spaced sur les chaines françaises (qui préfèrent diffuser encore et encore Friends et d’autres séries plus confortables) est une profonde injustice. Heureusement disponible en import pour une somme des plus modiques, la série est un « must to have ». Un indispensable quoi…
@ Gilles Rolland
Délicieusement indispensable !!!