[Critique série] THE LEFTOVERS – Saison 1

SÉRIES | 15 septembre 2014 | Aucun commentaire
Leftovers-Poster

Titre original : The Leftovers

Rating: ★★★★½
Origine : États-Unis
Créateurs : Damon Lindelof, Tom Perrotta
Réalisateurs : Peter Berg, Keith Gordon, Lesli Linka Glatter, Mimi Leder, Carl Franklin, Michelle MacLaren, Daniel Sackheim.
Distribution : Justin Theroux, Amy Brenneman, Margaret Qualley, Chris Zylka, Christopher Eccleston, Liv Tyler, Charlie Carver, Max Carver, Ann Dowd, Carrie Coon, Michael Gaston…
Genre : Drame/Fantastique/Adaptation
Diffusion en France : OCS
Nombre d’épisodes : 10

Le Pitch :
Un jour d’automne, des personnes disparaissent subitement. En l’espace d’un instant, 2% de la population mondiale sont effacés de la surface du globe, dans une sorte de ravissement. Dans la petite ville de Mapleton, trois ans après la tragédie, les habitants tentent toujours de maintenir un semblant de normalité, tandis que d’autres vivent dans le souvenir. Personne n’a oublié.
À l’approche de la cérémonie de commémoration, le shérif Garvey s’organise pour éviter les problèmes. Des problèmes notamment inhérents à cette étrange communauté aux desseins tout aussi obscurs, qui évolue en silence parmi la population…

La Critique :
Qui mieux que Tom Perrotta pouvait accompagner l’adaptation télévisuelle de son propre roman, The Leftovers (Les Disparus de Mapleton en France), publié en 2011 ? Pour les producteurs, avoir le créateur de l’œuvre originale dans la poche est un plus considérable. Cela permet en outre de s’attirer les faveurs des fans du bouquin et du même coup assurer au show une continuité bienvenue. Bien sûr, toutes les séries « coachées » par des écrivains soucieux de voir leur travail respecté ne sont pas aussi puissantes que leur modèle de papier. D’un côté nous avons des réussites flamboyantes comme Game of Thrones, qui jouit du soutien sans faille de George R.R. Martin, et de l’autre des trucs plus bancals comme Under the Dome, qui, sans être déshonorant pour le roman de Stephen King, et malgré l’appui de ce dernier, n’est jamais véritablement parvenu à instaurer une tension croissante et solide. Idem pour The Walking Dead et sa progression en dents de scie riche en longues plages répétitives, histoire de tirer sur la corde entre deux révélations et autres massacres en règle de zombies.

La faible popularité du roman est un avantage pour The Leftovers. En France tout du moins. Le fait qu’il s’agisse d’une adaptation n’est d’ailleurs pas vraiment mis en avant dans la campagne promo de la série, et au fond, ce n’est peut-être pas plus mal, tant ce récit aux forts accents métaphysiques, philosophiques et théologiques, semblait fait pour le format série, et par ce biais amené à prendre une toute autre direction et à adopter une rythmique différente, puisqu’on ne parle pas d’une saga littéraire mais bien d’un seul livre.
Un livre qui semblait destiné à Damon Lindelof, l’un des patrons de Lost. Série culte dont The Leftovers se rapproche suffisamment pour entraîner un rapprochement. Les naufragés du crash aérien perdus sur une mystérieuse île laissent la place à la population d’une petite ville en proie à un profond désarroi à la suite du ravissement de plusieurs personnes. Au fur et à mesure des épisodes, la comparaison avec Lost est toujours pertinente, mais The Leftovers existe par lui-même et ne trahit par une simple actualisation de la part de Lindelof. La meilleure preuve du fossé qui sépare les deux séries reste très probablement le caractère encore plus jusqu’au-boutiste de la plus récente.
Lost s’ouvrait sur un événement spectaculaire, à savoir le crash aérien, et régulièrement intervenait un événement qui suffisait à tenir à haleine ceux qui auraient pu être refroidis par le côté plus énigmatique et philosophique. The Leftovers passe rapidement sur le fameux ravissement. On ne voit pas les personnes disparaître (les phénomènes sont hors champs) et au lieu de nous montrer des avions privés de leur pilote s’écraser dans un déluge de feu, le show se « contente » d’orchestrer une introduction plus viscérale, via quelques exemples parlants d’un événement paranormal traité le plus sérieusement possible, avec beaucoup de réalisme et de poésie.

The-Leftovers-Qualley-Theroux

Le ton est donné. Lindelof et Perrotta ont souhaité tisser une intrigue complexe, assez avare en réponses mais par contre généreuse en questions. Lentement mais surement, le mystère se lève sur certains points, tandis qu’il s’épaissit sur d’autres, ou est tout bonnement transféré ailleurs. De quoi ne pas plaire à tout le monde c’est évident. À l’esbroufe, la série préfère le lyrisme. Elle se démarque et jamais ne dévie de sa route. Au final, The Leftovers gagne une identité qui lui est propre. Qui d’autre aujourd’hui cite tour à tour L’Évangile de Thomas et Metallica ? Qui se permet encore de mettre au centre d’une intrigue des personnages muets ?
Le show de HBO souffle le chaud et le froid, n’a jamais peur de faire appel à l’intelligence de son public, et ne s’interdit rien, tant que c’est en accord avec le cahier des charges initial.

Modèle de narration, The Leftovers jouit d’une cohérence absolue. Axée sur une poignée de personnages en somme toute complémentaires et de toute façon liés les uns aux autres, cette fable est également d’une noirceur assez impressionnante. Relayé par une mise en scène vaporeuse mais viscérale, souvent d’une beauté pénétrante (on retrouve derrière la caméra Peter Berg, également à la production, et Mimi Leder, ex pilier de Urgences, enfant chérie de Dreamworks ayant inauguré le studio avec Le Pacificateur puis avec Deep Impact), le ton entretient une mélancolie qui colle aux protagonistes, tout en flirtant régulièrement avec le fantastique, sans y aller franchement. En cela, The Leftovers met en avant une science du dosage infiniment précise, relayée par des comédiens parfaitement employés et dirigés et ô combien talentueux.
En tête de gondole, Justin Theroux abandonne les atours de la comédie pour embrasser la tristesse et le désarroi d’un personnage charismatique, qui tente malgré tout de maintenir un semblant de vie, avec sa fille interprétée quant à elle par la superbe et surdouée fille d’Andie McDowell, Margaret Qualley. Un vaste tableau qui peut aussi bénéficier des performances à l’unisson de Christopher Eccleston (le premier Docteur de la nouvelle génération de Doctor Who), de Liv Tyler, ici étonnante de magnétisme, tour à tour inquiétante et vulnérable, ou encore de la perturbante Ann Dowd, dont le rôle consiste à mener ces mystérieuses personnes en blanc investies d’une mission dont les objectifs ne cesseront d’étendre leurs ramifications dans une société amputée, et sans cesse harcelée par des fantômes plus que jamais insaisissables.

Fable sur le deuil d’une infinie tristesse, fresque caractérisée par un désarroi palpable, The Leftovers fait office de révolution, à une époque ou trop peu sont ceux qui osent aller jusqu’au bout. La mise en chantier seule d’une série comme celle-là relève presque de l’exploit. Les codes et les clichés n’ont pas lieu d’être. Le show de Lindelof et Perrotta appelle un lâcher-prise total. Les questions, même sans réponses immédiates, sont passionnantes, tout comme il est rassurant de savoir que ceux qui conduisent, savent parfaitement où il vont, comme en témoigne le dernier épisode extraordinaire de tension et d’émotion de cette première saison. De plus, la musique de Max Richter est sublime.

@ Gilles Rolland

The-Leftovers

Par Gilles Rolland le 15 septembre 2014

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