[Critique] AU NOM DU FILS
Rating:
Origine : Belgique/France
Réalisation : Vincent Lannoo
Distribution : Astrid Whettnall, Philippe Nahon, Achille Ridolfi, Zacharie Chasseriaud, Lionel Bourguet, Albert Chassagne-Baradat, Jacky Nercessian…
Genre : Drame/Comédie
Date de sortie : 7 mai 2014
Le Pitch :
Elisabeth de la Baie est une croyante fervente. Filleule d’un curé et mère de trois enfants, elle anime une émission pour Radio Espoir Chrétien, participe aux travaux de l’église de son village et héberge un moment le père Achille dans sa charmante maison. Tout va bien dans le monde parfait d’Elisabeth jusqu’au jour où son mari meurt (officiellement) d’un accident de chasse. Comme si cela ne suffisait pas, elle apprend de la bouche de son fils de 14 ans qu’il a été abusé par le père Achille. Devant le silence voire la complaisance de l’Évêque face au scandale, Elisabeth fait une crise de foi et, décidant de séparer radicalement le bon grain de l’ivraie, prend les armes pour une croisade vengeresse contre les pervers (pé)pères…
La Critique :
Mes chers fils, mes chères filles, nous sommes réunis ici ce jour pour parler du film Au Nom du Fils. Bon, autant le dire tout de suite, il est hyper difficile (et un peu casse-gueule) de faire une vanne d’accroche pour ce film. Il faut dire que le réalisateur belge Vincent Lannoo (non, ce n’est pas le fils caché de Victor Lanoux….bon ok, ça, c’était une vanne foireuse) s’attaque à l’un des plus grands tabous de l’histoire des institutions religieuses. Ces dernières années, avec l’évolution des relations entre les institutions religieuses et les croyants, le clergé a perdu de sa puissance d’intimidation et l’omerta a pris fin dans pas mal de pays. En ont résulté des scandales effroyables de pédophilie au sein de l’église. Scandales d’autant plus effroyables qu’il a à chaque fois été pointé du doigt le silence complaisant de la hiérarchie. C’est dans ce contexte délicat que déboule Au Nom du Fils avec la délicatesse d’un 30 tonnes chargé de nitroglycérine lancé à 100 km/h dans le mur d’une usine pétrochimique.
Pour tout dire, lorsque j’ai regardé le film, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Un sujet délicat, une sortie en catimini, aucun acteur connu, autant de facteurs qui ne sont pas des masses engageants. Si on se réfère à l’affiche, c’est La Vie est un long fleuve tranquille qui rencontre Kill Bill. Bon, vaut mieux se méfier de ce genre d’argument, on a vite fait de retrouver avec un authentique nanar. Au Nom du Fils, c’est l’histoire d’une croisade, seule contre tous, d’une mère de famille qui veut venger la mort par suicide de son fils abusé par un prêtre ; une croisade qu’elle fera, aidée de la liste des prêtres fautifs et flingue à la main. Rien qui ne pourrait suspecter un seul moment d’humour donc. Mais c’est sans compter sur le fait que le cinéma belge aime à amener l’humour sur le terrain de sujets qui peuvent être trash. Cet humour noir, on le retrouve dans diverses séquences dont celle de l’ « accident de chasse » du mari d’Elisabeth, une mort qui pourrait être digne des Darwin Awards (« récompense » de la mort la plus stupide, décernée chaque année). Le réalisateur se moque de tout, même des groupuscules intégristes armés, illustrés ici avec les Croisés de Pie XII (un groupuscule de pieds nickelés qui se prennent pour Dies Irae) et multiplie les clins d’œil, notamment lors d’une scène où Elisabeth préside une tombola ; la disposition de la table où elle est assise est une référence explicite à la Cène. Le casting joue juste, en particulier Astrid Wettnall, tout à fait crédible dans la palette large d’émotions qui la traversent, jusqu’au renoncement à sa foi ou son accès de folie qui débouche sur le premier meurtre. Face à elle, un univers glaçant de cynisme. Habitué des films barrés (Seul Contre Tous de Gaspard Noé, Mammuth de Delépine & Kervern) et des personnages glaçants, Philippe Nahon tire lui aussi une nouvelle fois son épingle du jeu.
Néanmoins, Au Nom du Fils n’est pas exempt de reproches. En premier lieu, la gestion du temps. Le premier élément perturbateur intervient rapidement, mais le moment où elle prend les armes, argument principal du synopsis, intervient à la moitié du film qui dure seulement 1h28. D’où une seconde partie plus bancale et qui ne va pas assez au fond des choses. Par conséquent, le film manque de belgitude, surtout si on se réfère à d’autres films cultes venant du plat pays, comme C’est Arrivé Près de Chez Vous dont l’humour allait loin, très loin, très très très très loin même. Le film de Lannoo paraît plus timide, plus sage, alors que le sujet aurait permis un humour plus féroce, une plus grande débauche de violence expiatoire (à la Kill Bill justement) qu’on retrouve dans les films de vengeance. Il a du mal à trouver l’équilibre entre comédie noire, voire très noire, et drame, ce qui est dommage car il y avait de quoi faire et il aurait mérité une bonne note pour ses qualités.
En résumé Au Nom du Fils a les qualités et les défauts du petit film. Un sujet à la marge, sans concession, ce qui est la norme dans la norme d’un cinéma belge souvent bien plus courageux que son pendant français, surtout ces dernières années. Mais à côté de ça, un manque d’équilibre qui l’empêche de mener à bien ses ambitions. Un petit film sorti en toute discrétion, devant la colère de groupes intégristes qui ont protesté contre sa sortie, les distributeurs ayant les miquettes dès qu’un film traite d’un sujet un peu trop sensible (il suffit de voir le film Féroce sorti en avril 2002 que dans quelques salles et sur une semaine seulement, ou encore Pleure en Silence, totalement introuvable) et ce, depuis l’incendie d’un cinéma qui diffusait La Dernière Tentation du Christ. Pourtant, en toute objectivité, le traitement du sujet n’a pas de quoi faire trembler les sacristies. Un bon petit film sympa mais qui aurait gagné à plus d’audace.
@ Nicolas Cambon
Crédits photos : Eurozoom