[Critique] CELLULE 211
Rating:
Origines : Espagne/France
Réalisateur : Daniel Monzón
Distribution : Luis Tosar, Alberto Ammann, Antonio Resines, Marta Etura, Carlos Bardem, Manuel Moron, Luis Zahera, Vicente Romero, Fernando Soto…
Genre : Drame/Thriller/Adaptation
Date de sortie : 4 août 2010
Le Pitch :
Juan s’apprête à devenir gardien dans un pénitencier. Dans un excès de zèle, il décide de se rendre sur son lieu de travail, la veille de sa prise de fonction, afin de se familiariser avec les lieux. Alors qu’il visite la prison, en compagnie de deux gardiens, une émeute éclate. Dans le chaos, Juan est laissé par ses deux collègues dans une cellule vide, pendant que les prisonniers prennent le contrôle de l’établissement. Piégé parmi les détenus, Juan n’a pas d’autre choix que de se faire passer pour l’un d’eux, en attendant que l’administration trouve un moyen de le sortir de là…
La Critique :
Genre à part entière, le film de prison regorge de petits bijoux. On peut citer L’Évadé d’Alcatraz, de Don Siegel, Les Évadés, La Ligne Verte et, même s’il ne s’agit pas d’un film, de la terrifiante série, Oz. Adaptation du roman éponyme de Francisco Pérez Gandul, Cellule 211 représente l’un des derniers chocs du genre.
Partant d’un postulat de départ simple, mais pour le moins efficace (un gardien débutant infiltré malgré lui parmi les prisonniers) tente de marier, avec une certaine bravoure, le film de prison pur et dur et le thriller mafieux à la Donnie Brasco, en chassant au final sur les terres du Prophète de Jacques Audiard.
Titulaire d’un paquet de Goya (l’équivalent des Oscar ou des César), Cellule 211 démontre d’une volonté farouche d’exploiter le microcosme que représente la communauté des prisonniers. Daniel Monzón exploite la prison avec une maestria certaine, jouant avec les codes et le côté claustrophobe des lieux. Le postulat de départ se charge de faciliter l’immersion, en offrant le point d’un vue d’un homme vierge par rapport à la brutalité ambiante, qui se retrouve parachuté dans cette cour des miracles, où la moindre petite erreur peut valoir un coup de poinçon entre les omoplates.
Sans adoucir la violence inhérente au contexte, Monzón exploite au contraire l’instabilité psychologique des leaders de l’émeute. En particulier via le personnage incarné par Luis Tosar, un espèce de parrain au tempérament de feu, mais pourtant capable de faire preuve d’une réelle empathie pour le moins troublante. Luis Tosar est d’ailleurs parfait dans le rôle. Juste avant de devenir le gardien d’immeuble dangereusement timbré du génial Malveillance, le comédien multi-talents fait preuve d’une profondeur de jeu assez remarquable, jouant avec malice sur le côté lunatique de son personnage. Tour à tour conciliant puis extrêmement brutal, Tosar insuffle son charisme et sa faculté à sublimer la moindre scène au métrage. Un talent salutaire qui permet d’oublier le jeu un peu grossier de certains de ses seconds couteaux, ou encore la progression finalement très classique de l’intrigue.
Car Cellule 211, au delà de son jusqu’au-boutisme indéniable, pêche à mi-parcours, quand se dessine le dénouement, cousu de fil blanc. On prévoit sans peine une conclusion malheureusement tournée vers un sensationnalisme un peu trop outrancier pour pleinement convaincre, mais suffisamment pour empêcher le long-métrage de s’envoler vers les sommets.
En somme, c’est la brutalité qui ressort. Monzón sait visuellement l’exploiter, quitte, comme mentionné plus haut, à y sacrifier une petite part de réalisme. Le postulat de départ aurait mérité un développement un peu plus fin. C’est ce qui fait principalement la différence entre Cellule 211 et Oz par exemple, qui ne choisissait jamais d’opter pour des voies narratives classiques. Même si le format série permettait bien entendu de prendre d’avantage le temps de poser des bases plus complexes et laissait ainsi aux scénaristes le temps de les développer.
Remarquable pour sa mise en scène sans concession, Cellule 211 demeure quand même un film de haute volée. Il reste dans les mémoires pour ses scènes fortes et pour l’interprétation de ses têtes d’affiche. Luis Tosar donc, mais aussi le jeune Alberto Ammann, parfait car porteur du message profond du film (la violence peut-elle corrompre les esprits les plus purs ?), en passant par le frangin de Javier Bardem, le massif Carlos Bardem et la toujours impeccable Maria Etura (également dans Malveillance).
À ne pas mettre entre toutes les mains, Cellule 211 pose une ambiance, prend à la gorge, trébuche, mais ne cesse jamais d’accentuer une pression dont l’influence continue de se faire sentir longtemps après la projection.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : La Fabrique 2