[Critique] GIMME THE LOOT

STARVIDEOCLUB | 21 novembre 2013 | Aucun commentaire

Titre original : Gimme The Loot

Rating: ★★★★★
Origine : États-Unis
Réalisateur : Adam Leon
Distribution : Ty Hickson, Tashiana Washington, Zoe Lescaze, Meeko, Sam Soghor, Joshua Rivera…
Genre : Comédie/Drame
Date de sortie : 2 janvier 2013

Le Pitch :
Quand Malcolm et Sofia découvrent que leur dernier chef-d’œuvre du graffiti a été défiguré par une copie de la pomme des Mets de New York, ils sont déterminés à se venger de manière spectaculaire : taguer la vraie pomme des Mets. Au cours d’une canicule urbaine, ces deux ados durs-à-cuire du Bronx doivent frauder, voler et se dépêcher de mettre en œuvre le plan grandiose qui fera d’eux les graffeurs les plus célèbres de Manhattan…

La Critique :
Gimme The Loot (l’un des films récents les plus agréables) est le premier long-métrage du réalisateur-scénariste Adam Leon, et c’est un petit miracle – un film débordant d’une telle joie et d’une telle coquinerie que sa bonne humeur perdure dans l’esprit pendant des jours après le visionnage. Cette merveille trompeusement modeste prouve que les grandes choses peuvent parfois venir dans des petits paquets. C’est une comédie chaleureuse et magnifiquement humaine qui a beaucoup de trucs à dire sans en faire tout un plat. Ty Hickson et Tashiana Washington incarnent Malcolm et Sofia, des jeunes graffeurs intrépides venus du Bronx qui en ont marre de se faire insulter par un gang rival du Queens, fan affirmé des Mets. Ils rêvent de se venger en taguant la pomme rouge débile qui apparaît à chaque fois qu’un point est marqué à Citi Field – un endroit que tout le monde persiste encore à appeler Shea Stadium.

On apprend rapidement au début que taguer la pomme représente la quête sacrée pour les graffeurs, plus ou moins depuis que les bombes à peinture ont été inventées. Mais Malcolm a un plan (Malcolm a beaucoup de plans). Il connaît un gars de la sécurité qui les laissera rentrer dans le stade après les heures de fermeture. Le mec veut juste 500 dollars pour sa peine. Ah, v’là le problème. Rien ne va comme il faut quand on rêve trop gros.

Ainsi commence une série farfelue de projets insensés et de mésaventures dans la délinquance, englobant plusieurs quartiers d’un New York anti-glamour qui ressemble au terrain de jeux le plus crapoteux du monde. Chaque recoin déborde de vie, rempli à bloc d’excentriques de Manhattan qui vous régalent avec de drôles de conversations qui tergiversent ci et là. Gimme The Loot fait mouche assez tôt, quand un dealer solitaire (Sam Soghor, un des producteurs du film) part dans son propre trip mélancolique sur le fait qu’on ne voyait jamais les hommes porter des tongs dans les années 90. Du moins, pas à New York.

Malcolm et Sofia aiment insister sur le fait que leur relation est strictement professionnelle. Leur amour l’un pour l’autre, totalement ignoré, est d’ailleurs l’un des gags récurrents du film. Hickson et Washington forment un duo formidable à l’écran, et les regarder se balader à travers la ville en train de se chamailler, de comploter, de s’échanger des vannes, toujours avec cette petite suggestion de tendresse, créé la dynamique qui rend le film compulsivement regardable. Malcolm est un fanfaron décontracté, la tête dans les nuages, souvent merveilleusement libre de toute réflexion. Sofia, elle, a un sacré tempérament, et parle comme un camionneur. Elle ressemble peut-être à une petite fille qui joue dans la cour des grands, mais attendez de voir comment elle gère le gamin qui a piqué son vélo.

Les tags, le vol, les deals de drogue ; ce ne sont ici que de simples réalités de la vie, et on imagine déjà la réaction lourdingue de certains sur le danger d’idéaliser des ados criminels ou une autre connerie moraliste du même genre. Mais une approche aussi vaseuse met sévèrement en difficulté ce qu’à accompli Leon ici, puisque Gimme The Loot n’est rien de plus qu’à l’écoute des réalités de la disparité socioéconomique ; le film choisit simplement de divertir au lieu de nous faire la morale.

Prenons, par exemple, une scène formidable où Malcolm livre de la came à une fille riche qui habite dans le quartier de Greenwich Village, parfaitement interprétée par Zoe Lescaze. D’abord il est juste en train de checker l’appart’ pour trouver quelque chose à dérober, mais ensuite les deux passent au frisson de la drague, chacun fasciné par l’étrange mode de vie de l’autre. « Ma mère est au Nantucket, » explique-t-elle. Il répond, comme il se doit, « C’est où, le Nantucket ? ».

L’intrigue secondaire de Lescaze prend un tournant inattendu qui sonne complètement vrai une fois arrivée à son terme. En effet, ce n’est que rétrospectivement qu’on se rend compte que Gimme The Loot est rempli de surprises qu’on aurait probablement dû voir venir à l’avance. Mais comme nos taggueurs romantiquement incompatibles, parfois on n’arrive pas à voir ce qui est évident.

Leon a démarré en travaillant comme assistant producteur pour Woody Allen, et leurs visions de New York ne pourraient pas être plus différentes. Mais les deux cinéastes sont liés par un engouement pour la ville comme un royaume aux possibilités infinies, ainsi qu’une affinité partagée pour des longues scènes de dialogues souples et saccadés. Il n’y a pas de shaky-cam irrégulière ici ; tous les plans de Leon sont proprement composés et laissent respirer les acteurs.

Le titre tire son chapeau à Notorious B.I.G., mais la bande-son évoque du R&B vintage et la douceur de la musique soul des 60’s, prête une lueur nostalgique à un conte d’actualité. Avec une allure joviale de 1h20, Gimme The Loot ne dure pas une seconde de plus que nécessaire. Mais malgré tout, je ne voulais quand même pas que ça finisse.

@ Daniel Rawnsley

gimme-the-loot-photoCrédits photos : Diaphana Distribution

Par Daniel Rawnsley le 21 novembre 2013

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