[Critique] PLAN 9 FROM OUTER SPACE
Titre original : Plan 9 From Outer Space
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisation : Ed Wood
Distribution : Gregory Walcott, Mona McKinnon, Duke Moore, Tom Keene, Carl Anthony, Paul Marco, Tor Johnson, Dudley Manlove, Joanna Lee, John Breckinridge, Lyle Talbot, Révérend Lynn Lemon, Maila Nurmi, Bela Lugosi…
Genre : Science-Fiction/Horreur/Fantastique
Date de sortie : juillet 1959
Le Pitch :
Années 1950 : la maitrise grandissante de l’énergie atomique inquiète jusqu’aux extra-terrestres qui craignent (roulement de tambour) que l’humain utilise un jour, comme eux, la bombe solaire (mode C’est Pas Sorcier ON : « Alors Fred ! La bombe solaire, c’est quoi ? – Ben Jamy, c’est simple…ben t’as qu’à regarder le film, le monsieur extra-terrestre, il l’explique mieux que moi. » Mode C’est Pas Sorcier OFF). Les petits hommes pas verts redoutent surtout que l’homme, qui aime faire tout péter, détruise accidentellement la galaxie toute entière. Après avoir tenté de contacter le gouvernement, en vain puisque les humains refusent de croire aux E.T, ils décident de mettre en place le Plan 9 consistant à ressusciter les morts. Les ex-défunts prennent la forme de créatures diverses : goule, vampire et mort-vivant. Les américains vont se rebeller…
Retrouvez ci-dessus le film dans son intégralité en version sous-titrée !
La Critique :
Ce n’est pas chose facile que de faire la chronique d’un film (et aussi d’un réalisateur) qui s’est fait passer dessus par bon nombre de critiques et qui a eu le triste privilège d’être élu, dans les années 80, « pire film de tous les temps » et la même chose pour son réalisateur. Sacré défi en perspective donc. Mais Plan 9 from Outer Space ne se résume pas à cette appellation peu élogieuse. C’est avant tout l’histoire de son réalisateur, Edward Davis Wood Jr, alias Ed Wood, qui rêvait éperdument d’être Orson Welles (un peu comme quand Clovis Cornillac rêvait d’être un acteur ou Paris Hilton d’être un être humain, mais en plus réalisable). Le souci majeur de Wood était le nerf de la guerre : il était malheureusement fauché (Ed Wood, pas le nerf de la guerre). Les années 50 connaissaient l’essor des films de science-fiction et fantastiques, souvent en lien avec la menace nucléaire, l’éventualité d’une vie extra-terrestre, les avancées scientifiques avec un soupçon de paranoïa liée au communisme. Des films comme Planète Interdite, L’Invasion des Profanateurs de Sépultures,ou La Mouche Noire sortis lors de ces années font désormais partie du panthéon du genre. Après l’échec de son drame sur le transformisme Glen or Glenda ?, et du policier Jail Bait, Wood a choisi donc un genre plus populaire.
Après La Fiancée du Monstre avec sa pieuvre géante anthologique, il s’est attelé à son grand classique, Plan 9, qui entrera dans les annales. On ne peut pas dire que le film commence sous les meilleurs auspices, car peu avant le tournage, l’acteur Bela Lugosi (premier Dracula), avec qui il a tourné quelques films, décède (bon, il n’était plus tout jeune non plus). Wood utilise donc des images d’archives, et engage le chiropracteur de sa femme, dont la ressemblance avec Lugosi échappe à tout le monde sauf au réalisateur. Le film d’ailleurs utilise des images d’archives à la pelle, notamment dans la scène où l’armée pilonne les soucoupes volantes. Plan 9 c’est aussi un festival de faux raccords (le jour succède à la nuit alors que tout est sensé se dérouler pendant la nuit), à tel point que ça en devient un véritable cours de montage.
Les effets-spéciaux sont l’autre raison de la légende du film. Budget oblige (60.000$), les soucoupes volantes des extra-terreux (qui d’ailleurs sont des humains avec des costumes, disons, différents) sont des assiettes tenues avec des cannes à pêche, et d’ailleurs ça se voit à peine (saurez-vous déceler l’ironie ?), leur trajectoire n’est pas du tout droite, on peut distinguer le fil de pêche et quand elles sont en l’air, elles sont minuscules, par contre, à terre, elles sont gigantesques. Les séquences à l’intérieur du vaisseau ou de l’avion militaire se déroulent en studio, et là encore, ça se voit à peine. Les tombes dans la scène du cimetière sont en carton-pâte et arrivent juste à la cheville des personnages. Des personnages eux aussi mythiques, incarnés par des guest stars de premier choix, pour un film de ce budget, à savoir le catcheur Tor Johnson et Maila « Vampira » Nurmi, une présentatrice qui sera blacklistée pendant le maccarthysme, et dont le personnage inspirera le film Elvira, maîtresse des ténèbres.
Mais Plan 9 from Outer Space, fauché et malchanceux, et son réalisateur, fauché et malchanceux lui aussi, méritaient-il ce lynchage en règle de la part des critiques qui l’ont affublé du titre vu plus haut ? Non, et cent fois non. Car Plan 9 est un nanar, mais un nanar sincère, honnête, sans prétention, très drôle et avec un énorme capital sympathie. Depuis les mots nanar et navet ont été galvaudés. L’humanité a connu depuis, bon nombre d’atrocités, d’une partie des films d’Adam Sandler et Eddie Murphy à l’intégralité des productions Asylum, en passant par les comédie beaufs, sans parler de « réalisateurs » comme Fabien Onteniente, James Huth ou de films ayant eu un gros budget et un énorme marathon de promo (les Astérix à part celui de Chabat, Boule & Bill ou Les Bronzés 3). Ed Wood ne se prend pas au sérieux, contrairement à des mecs comme Uwe Bohl, réalisateur de navets, tellement persuadé que ses films sortent de la cuisse de Jupiter, qu’il n’a pas hésité à défier à la boxe ses détracteurs, sans leur dire qu’il était un ancien boxeur. Et avec tous ses défauts, Plan 9 est, avec le temps, devenu culte pour beaucoup de cinéphiles, dont les plus avertis comme Tim Burton qui lui rendra un bel hommage avec le film Ed Wood (ironie de l’histoire, le film sera un échec commercial). La réhabilitation de ce petit bijou de maladresse est donc autant justifié que nécessaire.
@ Nicolas Cambon