[Critique] SUPERMAN : LE FILM

STARVIDEOCLUB | 17 juin 2013 | Aucun commentaire

Titre original : Superman: The Movie

Rating: ★★★★★
Origine : États-Unis
Réalisateur : Richard Donner
Distribution : Christopher Reeves, Gene Hackman, Marlon Brando, Margot Kidder, Ned Beatty, Glenn Ford, Phyllis Thaxter, Jackie Cooper, Marc McClure, Valerie Perrine…
Genre : Fantastique/Action/Adaptation
Date de sortie : 26 janvier 1979

Le Pitch :
Dans l’espace lointain, Kal-El est né sur la planète Krypton. Lorsque son père, Jor-El, un grand savant, et sa mère Lara, découvrent que la planète est menacée de destruction, ils construisent un vaisseau spatial grâce auquel leur fils pourra échapper à l’apocalypse. Et le jour fatal, Kal-El s’envole à travers l’espace et le temps vers la lointaine planète Terre. Il est trouvé, puis adopté par Jonathan et Martha Kent, citoyens de Smallville, qui lui apprennent à croire en la justice, la vérité, et l’Amérique. Découvrant ses pouvoirs extraterrestres dignes d’un dieu, il camoufle sa véritable identité et devient Clark Kent, le doux et timide journaliste du Daily Planet dans la ville de Métropolis, où il tombe amoureux de Lois Lane. Garder le secret est essentiel dans la poursuite de sa lutte permanente contre le crime et pour assurer la protection du faible et de l’innocent. Lorsque le génie criminel Lex Luthor prévoit de détruire les États-Unis, l’humanité en danger fera appel à Superman!

La Critique :
Peut-être la tâche la plus difficile pour toute suite, adaptation ou reboot du plus grand super-héros de tous les temps a toujours été d’extirper la franchise Superman de l’ombre projetée par le film original de Richard Donner. Un classique tellement salué qu’il reste encore l’étalon contre lequel tout le genre doit se mesurer, et un standard que Superman en particulier n’arrive pas surpasser. C’était la toute première fois qu’une histoire de super-héros était filmée dans les cadres du spectacle hollywoodien avec de grandes stars et de somptueux effets-spéciaux, même si les écrans ne verraient pas un succès similaire avant le Batman de 1989, et le genre ne dominerait pas le cinéma avant la pierre en trois coups qu’étaient Blade, X-Men et le Spider-Man de Sam Raimi au tournant du siècle.

Tel qu’il existe aujourd’hui, Superman est l’un des meilleurs films de super-héros de tous les temps, surpassé uniquement par les deux compères qui se placent à côté de lui tout en haut du panthéon : Spider-Man 2 et The Dark Knight. Il est difficile de nommer une autre adaptation filmique de quelque-chose qui était déjà populaire et occupait une place aussi importante et influente au cœur de son sujet d’origine. Christopher Reeve représente l’incarnation de Superman par laquelle tous les autres seront jugés. Même aujourd’hui, la majorité de la musique qu’on associe au personnage ne peut s’empêcher d’imiter les partitions de John Williams. Et les interprétations naissantes de la mythologie, comme le symbole de Superman étant un blason de famille, la planète en cristal de Krypton, l’image holographique de Jor-El (le père de Superman) flottant au centre de la Forteresse de Solitude, et Clark Kent qui commence sa carrière en tant qu’adulte plutôt que passer d’abord à travers Superboy, se sont toutes faufilées dans des versions innombrables du personnage, pour le meilleur ou pour le pire.

Mais malgré, ou même à cause de son omniprésence dans la culture, les vrais mérites du Superman de Reeve et Donner se retrouvent souvent au second plan par rapport à la magnitude de son statut dans le panthéon culturel. D’accord, le fait que Superman est un classique reste indiscutable, mais est-ce qu’il tient encore la route aujourd’hui ? Est-ce qu’il est toujours aussi bon ? Est-ce qu’il était vraiment aussi bon que cela au départ ?

Absolument.

Superman est un film qui se revisite fréquemment, et s’il n’est certainement pas parfait dans les cadres d’une adaptation de l’Homme de Fer ou même d’un film en soi, malgré tout cela et son ubiquité problématique, il reste néanmoins un pur plaisir de cinéma, et il est facile de constater que la franchise n’a jamais été à la hauteur depuis. Et en vérité, on pourrait s’arrêter là. Après tout, à ce stade, le film de Donner n’a pas besoin de compliments supplémentaires, au-delà du fait que c’est une aventure fantastique, avec de très bons effets-spéciaux, de très bons acteurs, et un très bon réalisateur.

Mais Superman est particulièrement spectaculaire dans le contexte de son époque : avant lui, personne n’avait jamais tenté de faire un truc pareil. Bien entendu, il y avait déjà eu des films extravagants tels que Le Magicien d’Oz et des spectacles d’effets-spéciaux à grand budget comme Le Voyage Fantastique, mais personne n’avait déjà essayé de retranscrire les éléments narratifs et visuels qui sont uniques aux super-héros à l’écran avec une production à grande échelle. Personne ne savait à quoi cela pourrait ressembler ou comment raconter une telle histoire : par où commencer ? Une comédie ? Un film pour enfants ? Un drame de science-fiction ?

Il faudrait garder à l’esprit que même si tout le monde connaissait déjà Superman et que DC Comics vivait une époque très profitable à la fin des années 60, la majorité de l’équipe de production auraient été plus au fait du Superman des années 40-50, dont les aventures partageaient plus de points communs avec les contes légers pour enfants ou le slapstick des dessins animés, qu’avec les récits lourds en action plébiscités par les fans de comics modernes. Quand Richard Donner lui-même rejoint le projet, il trouve que le scénario est un bordel pas-possible de kitsch simplifié et de blagues bouffonnes, et choisit de tout balancer à la flotte pour mieux recommencer à la case départ. De son côté, Marlon Brando at droit à un des plus gros salaires jamais vus à Hollywood pour son caméo dans la peau de Jor-El, et déroute les producteurs lorsqu’il insiste bizarrement pour qu’on l’autorise à jouer le rôle en incarnant un bagel parlant ou une valise vivante (non, vraiment).

Pourtant, tout s’assemble pour devenir une fresque merveilleuse. Superman lui-même n’apparaît pas dans son costume avant presque une heure de film. Peut-être que les auteurs étaient d’accords avec la fameuse proclamation de Steven Spielberg au sujet du fait que Les Dents de la Mer marcherait mieux tant qu’il retardait l’arrivée du requin. Ainsi, le long-métrage ne débute pas avec une séquence sensationnelle de pré-générique à la James Bond ; il démarre lentement, et les scènes montrant la jeunesse de Clark Kent sembleraient inutiles si on ne savait pas d’avance qu’il grandirait pour devenir Superman : elles accordent de l’importance et de la profondeur au récit d’origine désormais obligatoire dans les films de super-héros.

Sans doute une grande partie de la réussite du film provient de l’exploit de Donner (qui, au passage, était le premier à tenter un coup pareil, rappelons-le) d’avoir trouvé un équilibre parfait entre le « réalisme » du cinéma et l’imaginaire des comics, trouvant des parallèles entre des moments iconiques propres au personnage de Superman et des styles filmiques familiers : l’ouverture sur Krypton a tout des trips de science-fiction des années 70, les scènes pastorales à Smallville sont un mélange de John Ford et de Norman Rockwell, les séquences d’action grandioses sont dignes des films catastrophes de l’époque comme La Tour Infernale, l’histoire d’amour avec Lois Lane et les passages au Daily Planet sont le genre de badineries tranchantes qu’on retrouve chez les comédies adultes néo-loufoques de Woody Allen et Robert Altman, et on dirait que le Lex Luthor de Gene Hackman s’attendait à combattre James Bond au lieu de Superman. Le film ne cherche pas à prouver que Superman est réaliste ; il cherche à prouver que Superman appartient au cinéma.

Beaucoup avouent détester l’interprétation de Lex Luthor de Gene Hackman, et à côté du passage un peu bête où Lois se demande si Superman lit dans ses pensées, c’est probablement une des rares faiblesses du film, mais Hackman s’avère très amusant dans le rôle et honnêtement, son plan ridicule de détruire la Californie avec un missile nucléaire pour donner de la valeur à ses terrains immobiliers est une version profondément moderne des complots absurdes qui sont généralement associés à Lex Luthor dans les années 50-70, avant que DC ne le transforme en une énième incarnation de l’homme d’affaires riche et maléfique typique des années 80.

D’une certaine façon, des antihéros déchus comme Batman, Dirty Harry, Wolverine et compagnie sont plus faciles à représenter à l’écran, parce qu’ils possèdent une complexité qui peut être travaillée à plusieurs niveaux. Mais Superman est censé être une véritable icône vivante de notre potentiel pour le bien ultime, et ce type de personnage, quelqu’un qui a déjà atteint une bonté simple et complète au point où l’exploration se fait avec la réaction des autres personnages par rapport à son existence, est très difficile à réaliser, et les réussites sont rares : la version de Donner y parvient, Captain America aussi, et on pourrait même faire la même observation pour quelques longs-métrages sur la vie de Jésus Christ. Mais c’est une autre histoire.

La plus grande sagesse des comics, et par extension du film, c’est qu’ils ne prennent pas la peine de tout expliquer. Le procédé narratif de la Kryptonite est nécessaire, parce qu’un super-héros doit posséder au moins une faiblesse pour avoir de l’intérêt. Mais les autres éléments sont conçus tout simplement pour être acceptés, comme le font les enfants quand on leur raconte une histoire. Il est Superman, il se bat pour la vérité et la justice, et c’est tout. Cela le rend-t-il pertinent dans le monde moderne ?

Et bien, là se retrouve la grande question du film. Lorsqu’il rencontre Lois Lane pour la première fois, Superman indique clairement qu’il est bel et bien le deus ex machina en collants auquel tout le monde s’attendait. Lois, une cynique de son temps et la voix symbolique du spectateur, rit de sa sincérité. Et il passe le reste du film à la (et à nous) détromper. Superman : Le Film a compris Superman : Le Héros d’une façon que personne n’a pu égaler depuis. Et si l’avenir du personnage au cinéma est condamné à être une série d’efforts admirables mais perpétuellement à côté de la plaque pour toujours, et bien…il restera toujours celui-ci.

@ Daniel Rawnsley

Christopher_Reeve_SupermanCrédits photos : Warner Bros. France

Par Daniel Rawnsley le 17 juin 2013

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