[Critique] THOR
Titre original : Thor
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Kenneth Branagh
Distribution : Chris Hemsworth, Natalie Portman, Anthony Hopkins, Tom Hiddleston, Stellan Skasgaard, Kat Dennings, Clark Gregg, Jeremy Renner, Renee Russo, Ray Stevenson…
Genre : Fantastique/Aventure/Adaptation
Date de sortie : 27 avril 2011
Le Pitch :
Le temps est venu pour Odin, le Roi des dieux vikings, de prendre sa retraite et de passer la couronne à son fils Thor, le Dieu du Tonnerre, qui s’est distingué en tant que meilleur guerrier d’Asgard. Un guerrier également très arrogant. Au cours d’une mission particulièrement risquée dans le royaume de Jotunheim, il finit par redémarrer une guerre entre les dieux et les Géants des Glaces. Odin décide alors que Thor a besoin d’apprendre un peu d’humilité, et lui enlève ses pouvoirs divins et son arme magique (le puissant marteau appelé Mjolnir), et les envoient tous les deux en exil sur Terre comme châtiment. S’il désire redevenir dieu un jour, Thor devra prouver sa valeur en tant que héros humain. Ce qui s’annonce tendu, puisque Mjolnir a été retrouvé et mis en quarantaine par cette mystérieuse agence du gouvernement, le S.H.I.E.L.D, tandis qu’au cœur des palais Asgardiens, Loki, le Dieu des Mensonges et de la Tromperie, utilise l’absence de son frère pour tenter un coup d’état…
La Critique :
En 2011, au moins quatre films de super-héros arrivèrent en salle dans l’espace de quelques mois: X-Men : Le Commencement, Green Lantern, Captain America et Thor. Des quatre, Thor était non seulement le premier bolide sur la piste, mais il représentait aussi le plus grand pari de tous – chargé non seulement de présenter à un public mainstream l’une des créations de Marvel Comics les plus singulièrement absurdes, mais aussi d’introduire des éléments fantastiques et carrément magiques à l’expérience audacieuse des univers partagés et de la continuité inter-films Marvel, en chemin vers le rassemblant ultime des Avengers en 2012.
Parce qu’il ne faut pas se méprendre : Thor n’y va pas mollo. On parle bel et bien d’un heroïc (ou dans ce cas cosmique) fantasy sans compromis ni ironie, un film d’action-aventure qui ressemble fréquemment plus à une salle de bains de Las Vegas incrustée de licornes qu’à un comic-book, et qui commence avec le genre de pitch grandiose et farfelu que d’autres films pourraient passer tout un récit à expliquer. À savoir, le fait que les dieux nordiques (nordique comme Asgard, Jotunheim, le Pont Arc-en-ciel, les Géants des Glaces, toute l’affaire) existent vraiment.
Sur un niveau purement technique, Thor se résume à un triomphe d’exécution. Certes, il n’a pas les effets-spéciaux les plus réussis de l’histoire, et aucun nombre d’éclairages astucieux ne pourrait rendre les sensibilités costumières et architecturales des Asgardiens (qui rappellent plus des extravagances qu’on retrouverait dans le film kitsch Flash Gordon que dans la mythologie des Vikings) moins ridicules ou plus pratiques qu’elles ne le sont montrées ici. Mais le design criard de l’ensemble est tellement original et fièrement représenté qu’il est difficile d’en faire un plat. C’est le premier film Marvel à vraiment capturer la sensibilité esthétique particulière que l’artiste Jack Kirby apporta à Thor dans les comics, et le résultat est un blockbuster qui est complètement différent du menu visuel habituel que l’on voit au cinéma.
Dans un monde où des personnages en armure brillante parcourent l’espace à cheval à travers des portails multicolores pour combattre des planètes entières de géants des glaces, le réalisme est plus ou moins un gros mot, et ici Thor baigne dans sa propre absurdité visuelle, mais sans perdre de vue sa cohérence narrative. Ceci, il faut l’admettre, est surtout parce que le récit lui-même est simple comme tout : évitant la tendance à partir dans l’introspection sombre et adulte comme Iron Man premier du nom ou The Dark Knight, Thor garde les choses fermement ancrés dans l’esprit conte-de-fées des mythes qui l’ont inspiré. C’est l’histoire d’un Viking de l’espace qui a été méchant et maintenant il doit apprendre à être gentil avant qu’on puisse lui rendre son marteau magique pour aller taper sur des monstres. C’est tout. Amusant d’ailleurs, puisque ça fait de Thor le film de super-héros le plus enfantin et accessible depuis le premier Spider-Man.
Mais la raison principale qui fait que Thor marche mieux qu’il ne le devrait, semble être dû au choix déjanté du réalisateur, qui porte ses fruits ici. Kenneth Branagh, acteur classique et metteur en scène hautement respecté aussi bien au théâtre qu’au cinéma est surtout connu comme étant un interprète de Shakespeare et autres adaptations dramatiques, mais il correspond parfaitement à l’univers lyrique et bigger-than-life de Thor. Pour une fois, le cabotinage et le sur-jeu ont leur place : des scènes où des dieux nordiques rugissent des déclarations de rage et d’honneur dans les palais Asgardiens crépitent d’une réelle intensité mythique, le genre de choses que seuls ceux bien calés dans la tradition théâtrale classique peuvent rendre convaincantes.
Pour ce qui est des acteurs, Chris Hemsworth est une star instantanée, trouvant du cœur et de l’humour dans le rôle d’un être mythologique coincé dans un monde ordinaire. En effet, le milieu drôlement amusant du film évoque une version Viking de Crocodile Dundee, où Thor laisse une petite ville du Nouveau Mexique bouche-bée en partant dans ses propres délires pompeux, comme rentrer dans une animalerie et demander un cheval. On peut aussi dire qu’il était temps que le duo romantique habituel du mec banal et de la fille canon soit retourné dans l’autre sens ; et Natalie Portman a l’air de bien s’amuser à cet égard, jouant une astrophysicienne des plus ordinaires qui attire les affections d’un héros qui pourrait sortir droit d’une couverture de roman à l’eau de rose. Tom Hiddleston fait un superbe Loki tourmentée, et Anthony Hopkins dans le rôle d’Odin est…Anthony Hopkins. Dans le rôle d’Odin. Et pour tous ceux qui avaient râlé à l’époque se demandant pourquoi Idris Elba incarnait le gardien Heimdall, toutes ses scènes devraient maintenant porter un sous-titre intitulé « Voilà pourquoi. »
Branagh a signé des chefs-d’œuvres, mais ne crions pas « houra » pour autant concernant celui-ci : la relation centrale entre Thor et son frère Loki met un moment à démarrer, des personnages secondaires comme les Trois Guerriers (parmi eux, Ray Stevenson, loin d’être un étranger au genre des super-héros) semblent passer leur temps à attendre une suite, tandis que Rene Russo, qui joue la mère du Dieu de Tonnerre, ne fait presque rien. Mais la plupart du temps, Thor est un divertissement parfaitement convenable : de la bonne humeur, des couleurs vives, la musique obstinément grandiloquente de Patrick Doyle et le choix curieux d’angles inclinés, la caméra reflétant le regard du dieu nordique sur ce monde étrange des humains.
Notons aussi que Marvel s’améliore nettement à incorporer son concept d’univers-partagés dans l’intrigue, et les scènes d’exposition sont beaucoup moins intrusives que dans Iron Man 2. Ici, elles interrompent un meilleur film. Clark Gregg est de retour dans la peau de Coulson l’officier officieux de S.H.I.E.L.D, et s’il y a bel et bien un caméo surprise pour un autre membre des Avengers, c’est une apparition qui se déroule d’une telle façon qu’elle fera sourire les fans mais n’embrouillera personne d’autre. Ces mêmes fans, d’ailleurs, sont encouragés à garder les yeux ouverts durant les séquences dans la trésorerie d’Odin, et bien sûr pour la scène bonus désormais attendue après le générique – en rétrospective, la révélation la plus importante de la franchise depuis que Nick Fury fit irruption dans le manoir de Tony Stark pour la première fois.
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : Paramount Pictures France