[Critique] PRIS AU PIÈGE

CRITIQUES | 8 septembre 2017 | Aucun commentaire
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Titre original : El Bar

Rating: ★★★★☆
Origine : Espagne/Argentine
Réalisateur : Álex de la Iglesia
Distribution : Blanca Suárez, Mario Casas, Carmen Machi, Secun de la Rosa, Terele Pavez, Jaime Ordóñez, Alejandro Awada…
Genre : Thriller/Comédie
Date de sortie : 31 août (VOD)

Le Pitch :
Madrid, de bon matin. Plusieurs personnes se retrouvent coincées dans un bar quand un tireur isolé prend pour cible les passants dans la rue…

La Critique de Pris au piège :

Nous vivons une époque compliquée. Y compris pour le cinéma qui voit certains de ses fondamentaux voler en éclats au profit de nouvelles règles pas forcément faciles à suivre voire totalement illogiques. Aujourd’hui, il n’est donc plus du tout certain pour un réalisateur, aussi respecté soit-il, de voir ses films systématiquement débarquer au cinéma. John Carpenter en a notamment fait les frais, comme d’autres. Alors que la majorité de ses long-métrages ont connu les honneurs des multiplexes, Álex de la Iglesia doit lui aussi se passer d’un tel privilège et voir El Bar, son nouveau film, débouler directement en VOD puis en DVD/Blu-Ray. Un film paresseusement rebaptisé Pris au piège en France, qui s’impose pourtant comme une réussite indéniable, parfaitement en accord avec l’esprit du cinéaste mais aussi brutalement connecté avec certaines des thématiques les plus brûlantes de notre époque. Une époque compliquée à plus d’un titre donc…

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Le pitch de Pris au piège paraît à la fois offrir toute la liberté de mouvement nécessaire à un cinéaste comme Álex de la Iglesia, mais semble aussi de prime abord un peu « léger » pour donner totalement envie de s’y attarder. Plusieurs personnes sont repliées dans un café parce qu’un sniper fait un carton dans la rue, en plein centre-ville de Madrid. Oui, mais après ? Pris au piège est-il un ersatz du par ailleurs excellent Phone Game, de Joel Schumacher ? Doit-on s’attendre à un pur exercice de style bien vicieux à la Buried, de Rodrigo Cortés ou plutôt à une déclinaison des Dix Petits Nègres d’Agatha Christie ? Un truc dans le même genre que Le Mystère de la Chambre Jaune ? Un Cluedo revisité ? Le nouveau Álex de la Iglesia n’est rien de tout cela même si dans un sens, il condense aussi un peu toutes ces œuvres. Nous voilà bien avancés… Il faut dire qu’il n’est pas évident d’en parler sans dangereusement se rapprocher du spoiler. Parce que forcément, fidèle à sa réputation, de la Iglesia n’est pas vraiment là où on l’attend et il suffit de voir le film pour s’en convaincre. Pour vérifier qu’il possède toujours cette savoureuse audace et cette verve si particulière lui permettant de déjouer les clichés et autres lieux communs pour semer le trouble parmi son audience et livrer au final quelque chose de plus complexe que prévu mais de vraiment aussi divertissant et prenant qu’espéré.

À la pression !

Dans la première partie du long-métrage, de la Iglesia fait parler sa maestria pour ce qui est de nous présenter les différents personnages du récit, tout en instaurant une rythmique assez redoutable pour un huis-clos. Un genre qu’il redéfini selon ses propres codes, sans pour autant chercher à tout prix l’originalité. Et c’est quand on se demande où tout cela va nous mener, que le réalisateur passe la seconde et embrasse des thématiques inhérentes à ce que l’on pourrait appeler le « film de genre » » (histoire de ne rien dévoiler), tout en continuant à dresser un constat assez peu reluisant et bien rageur sur la société d’aujourd’hui. La peur de l’autre, le terrorisme, le racisme, la misogynie, l’individualisme, la paranoïa galopante et ses dérives… de la Iglesia n’y va pas avec le dos de la cuillère, et même si certains de ses sujets sont un peu survolés (ils n’ont pas tous vocation à être « creusés » soit dit en passant), il faut reconnaître là que le metteur en scène fait preuve d’un sens de la mesure qu’il avait quelque peu perdu avec certaines de ses œuvres les plus récentes. Pris au piège sait se montrer brutal et violent mais s’arrête avant d’en faire des caisses. Même chose au niveau des personnages. Tantôt frénétiques, tantôt plus posés, ils forment un groupe homogène des plus intéressants car très significatif des thématiques que le film entend illustrer plus ou moins frontalement. Et puisque nous en sommes à parler des personnages, il faut absolument louer les mérites des acteurs, tous formidables, avec une mention spéciale à la spectaculaire Blanca Suárez, dont le rôle, central, porte en lui une grande partie de l’essence de l’œuvre dans son ensemble.

Alors non, Pris au piège n’est pas parfait. Un peu longuet, il pêche aussi par un manque de clarté, qui apparaît ici comme un raccourcis scénaristique facile plutôt que comme un moyen de semer le trouble. Reste que le spectacle a de la gueule et sait surprendre plutôt deux fois qu’une. En grande forme, de la Iglesia rue dans les brancards et prouve, même si ce n’était pas nécessaire, quel formidable cinéaste il est, quand il s’en donne les moyens et qu’il prend la peine de canaliser ses fulgurances.

En Bref…
Surprenant, satirique, drôle, stimulant, furieux et parfois carrément méchant, Pris au piège se pose comme un condensé particulièrement efficace de ce qu’Álex de la Iglesia sait faire de mieux. Un film qui aurait vraiment mérité une sortie en salle.

@ Gilles Rolland

Pris-au-piège-el-bar-cast  Crédits photos : Condor

Par Gilles Rolland le 8 septembre 2017

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