[Critique] SHÉRIF JACKSON

CRITIQUES | 11 octobre 2013 | Aucun commentaire
Sherif-Jackson-affiche

Titre original : Sweetwater

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisateurs : Noah Miller, Logan Miller
Distribution : Ed Harris, January Jones, Jason Isaacs, Eduardo Noriega, Stephen Root, Jason Aldean, Vic Browder, Luce Rains, Kathy Lamkin…
Genre : Western/Drame/Comédie/Aventure
Date de sortie : 9 octobre 2013

Le Pitch :
Au Nouveau-Mexique, Sarah et Miguel mènent une existence rude mais heureuse. Pas très loin de chez eux vit Josiah, un fanatique religieux, dans une communauté qu’il appelle la Terre Promise. Désireux de voir son territoire s’étendre, il se heurte à l’opposition de ses voisins mais ne reculera devant rien pour arriver à ses fins. L’arrivée de l’excentrique shérif Jackson va mettre à mal ses plans…

La Critique :
Si il existe dans le paysage cinématographique actuel, un acteur taillé pour le western, c’est bien Ed Harris (il n’est pas le seul bien sûr). Avec sa gueule burinée, ses yeux plissés, apparaissant furtivement comme deux fines entailles dans un morceau de cuir cramé par le soleil, son corps sec et nerveux et sa voix sombre, en forme de complainte en permanence teintée d’ironie, Harris incarne un certain idéal de l’Ouest sauvage américain. Avec Harris, c’est oui d’office, et sa présence au générique d’un western confère à ce dernier une immédiate aura prestigieuse.
Dans Shérif Jackson, le shérif, c’est lui. Son charisme de malade illumine le film alors qu’on le découvre en haut d’une falaise, surplombant un paysage magnifié par une photographie sublime. Il hurle en direction des nuages, comme un loup famélique aux sens néanmoins toujours aiguisés. Son look un poil improbable annonce la couleur. Fantasque, excentrique et cabotin, Jackson n’est pas un shérif à la Eastwood, bien qu’en cherchant un peu, on trouve aisément des points communs. Dans cette faculté à ne pas faire de détails et à manier l’humour notamment et bien sûr dans ce talent inné pour incarner toute une imagerie crépusculaire mythique.

Déjà présent dans le premier long-métrage des frères Miller (Touching Home), Ed Harris illumine de sa présence Shérif Jackson en contrepoids parfait du génial bad guy que campe l’excellent Jason Isaacs (Lucius Malfoy dans les Harry Potter). Le duel que se livre les deux hommes est à proprement parler jubilatoire. Tout en nuances, il relève d’une écriture nerveuse, pleine d’ironie, qui sait jouer sur le physique de ses acteurs et sur les regards que se lancent les deux hommes.
En marge, mais pas trop non plus, évolue Sarah, le personnage vengeur de January Jones. Héroïne « tarantinesque », cousine éloignée de la marié de Kill Bill, Sarah prend les armes pour venger son homme et personnifie l’une des thématiques phares du western. Et le western, c’est une affaire d’hommes. Le plus souvent tout du moins. Sarah s’impose, avec sa beauté, dont elle se sert comme une arme et son colt, parce qu’il ne faut pas déconner non plus, il faut bien un flingue pour faire leur compte aux immondes salopard burinés qui peuplent la pampa. Avec un charisme indéniable, January Jones s’impose dans le duo Ed Harris/ Jason Isaacs, comme la troisième pièce d’un ensemble cohérent.

Il est tentant de classer Shérif Jackson dans la catégorie rape and revenge (en gros comme I Spit on Your Grave). Après tout, le film met en scène la vengeance d’une femme après le meurtre de son mari. Souvent associé au gore bien craspec, le rape and revenge trouve ici un réceptacle original, en même temps qu’il se confronte aux gimmicks du western. Les frangins Miller n’ont pas absolument tenu à tabler sur une originalité brûte. C’est dans les associations que leur film renferme, que leur patte s’illustre avec le plus de clarté. Un peu de comédie par là, une louche de drame, de la violence et du lyrisme pour un long-métrage passionnant dont la faculté la plus louable et de faire passer le spectateur par tout un prisme d’émotions à priori en contradiction. Autant, on peut vraiment se fendre la poire à la vision des déambulations bien rustres d’Ed Harris, autant on peut frissonner devant l’imperturbable folie glaçante du personnage du prophète.

Habité par des références certes évidentes mais bien digérées (Peckinpah, Eastwood, Tarantino…), Shérif Jackson est aussi parfois un peu bordélique. Suffisamment en tout cas pour rappeler qu’il ne s’agit que du second film des deux réalisateurs. Paradoxalement, c’est quand il se pose, à l’occasion des courtes scènes mi-contemplatives mi-déjantées (Ed Harris qui danse tel un indien allumé au peyotl) pourtant vraiment bien orchestrées, mais maladroitement insérées au reste, que ce côté maladroit ressort le plus. Ce côté un peu bancal confère par contre une bonne partie de la sympathie et de l’indulgence que Shérif Jackson peut inspirer. En ne se prenant pas trop au sérieux et en maintenant un rythme de croisière effréné, le film s’assure d’une bonne tenue admirable. Visuellement, comme si cela ne suffisait pas, c’est magnifique.
Film porté par une formidable galerie de gueules, Shérif Jackson relève avec brio le défi du western moderne. Il sonne formidablement bien et remplit toutes les cases du cahier des charges, en se payant le luxe de parfois écrire dans la marge, avec une impertinence qui fait plaisir à voir. Jouissif.

@ Gilles Rolland

photo-Sherif-Jackson-SweetwaterCrédits photos : Potemkine Films

Par Gilles Rolland le 11 octobre 2013

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