[Critique] NIGHT FARE

STARVIDEOCLUB | 13 juin 2016 | Aucun commentaire
Night-Fare-poster

Rating: ★★☆☆☆

Origine : France
Réalisateur : Julien Seri
Distribution : Jonathan Howard, Jonathan Demurger, Fanny Valette, Jess Liaudin, Edouard Montoute…
Genre : Thriller
Date de sortie : 13 janvier 2016

Le Pitch :
Luc et Chris, son ami anglais, montent dans un taxi après une soirée un peu arrosée. Une fois arrivés, ils sortent de la voiture sans payer la course, sans se douter que cet acte va méchamment leur gâcher la nuit. Le chauffeur n’étant pas du tout du genre à se laisser faire sans broncher. Une course-poursuite sans pitié débute alors…

La Critique :
Pas évident de se lancer dans le cinéma de genre quand on est français. Quand on réside en France et qu’on désire y tourner en tout cas, tant d’autres de nos compatriotes ont préféré prendre le large, à l’instar d’Alexandre Aja qui pour sa part, n’a pas eu de mal à trouver aux États-Unis une légitimé plus dure à décrocher dans l’hexagone. Julien Seri lui, est resté à Paris. Ancien poulain de Luc Besson, pour lequel il a emballé Yamakasi, le réalisateur caressait depuis longtemps le rêve de mettre en boite un long-métrage plus personnel. Un film dont il aurait pu contrôler tous les aspects sans avoir à subir la pression d’un studio. Et c’est au terme d’un processus long et, on l’imagine épuisant, que Seri a réussi à mettre la touche finale à Night Fare, qu’il considère comme son œuvre la plus personnelle.

Night-Fare

Le pitch de Night Fare évoque ceux de Duel, de Steven Spielberg et de La Nuit du Jugement, de Stephen Hopkins, soit un chef-d’œuvre et une série B super efficace. Disons-le tout de suite, le film de Seri, si il démontre d’une bonne volonté sans cesse réaffirmée, n’arrive pour sa part jamais à faire oublier ces deux références. On devine aisément ce que le réalisateur a voulu faire, mais le résultat final a quand même bien du mal à sonner avec toute la force désirée. Et ce dès que le scénario se réfugie derrière des bons vieux clichés trop encombrants et souvent présents dans les productions françaises qui essayent avec plus ou moins de succès de représenter un genre de cinéma qu’elles n’arrivent pas souvent (voire jamais) à sublimer.
Night Fare n’échappe donc pas à la règle. Non l’ombre de Besson ne plane plus mais son influence elle, est bien tangible. Dans le traitement des personnages en premier lieu, qui renvoi à beaucoup de lieux communs vus dans Taxi, Le Transporteur et d’autres trips d’action livrés par EuropaCorp. On retrouve donc des flics aussi crétins que corrompus, des filles de joie, des camés, des dealers de banlieue bien caricaturaux et l’un des deux personnages principaux est une sorte de tête à claques pour laquelle il est difficile voire impossible d’éprouver la moindre empathie. Au final, les seuls qui s’en sortent relativement bien sont le pote anglais, interprété par Jonathan Howard, qui apporte un peu de nuances, et le chauffeur, soit l’antagoniste principal. Ce dernier habite ainsi le film et lui offre quelques-uns de ses moments les plus intéressants.
Car il ne faut pas se leurrer. Le postulat de Night Fare charrie plus ou moins malgré lui un certain nombre de promesses, parmi lesquelles celle de voir le chauffeur se fritter. En cela, la séquence où ce dernier déboule dans un appartement plein de coke et de prostituées remplit sa part du contrat. Et tant pis si la révélation finale confère à ses actes une signification un peu limite. Encore une fois, la bonne volonté est là. Camouflée derrière une large dose de maladresse, mais bel et bien là quand même.

On hésite alors entre considérer Night Fare comme un film d’horreur désireux de s’élever grâce à un message sincère mais bancal, ou comme une sorte d’hybride boiteux qui ne choisit jamais vraiment son camp. Une chose est cependant certaine : le spectacle ne convainc pas totalement. Fatalement, il est presque légitime de se dire que le métrage aurait gagné à une plus grande simplicité. Ce qui lui aurait permis de privilégier le show, comme une sorte de Vendredi 13 urbain, au lieu de nous ressortir les sempiternels mêmes ressorts déjà vus dans Territoires(s) ou La Horde, soit des œuvres pas franchement mémorables, qui courent après leurs influences au lieu d’essayer de se les approprier.
Mais dans le lot, malgré ses défauts, Night Fare fait office de bon élève. Toujours grâce à Julien Seri, qui a malgré tout réussi à conférer à son film une personnalité qui, de temps de temps, lui permet de sauver les meubles. Sa mise en scène, si elle n’est pas révolutionnaire, reste à saluer et tant pis pour la surabondance d’effets encombrants. Son scénario par contre est alourdi d’un message lourdingue.
Peut-être est-ce son ambition, un peu démesurée, qui lui empêche de toucher au vif. Une ambition qui lui donne même des airs un peu prétentieux alors qu’en l’état, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une série B. Un voyage au bout de la nuit qui se refuse à s’abandonner à des codes qu’il tente toujours de surligner de manière grossière et/ou maladroite.

La plus grande qualité de Night Fare est sa sincérité. La difficulté qu’a éprouvé Julien Seri pour en arriver là est visible, mais malheureusement, ses défauts le sont tout autant. Jamais vraiment sympathique, toujours à cause de cette vulgarité mal canalisée et de ce même regard porté sur la banlieue, qui évoque des tas d’autres films, et qui empêche le spectacle de faire totalement le job, Night Fare rate le coche. Le bilan n’est pas complètement négatif, mais il demeure symptomatique de cette étrange incapacité du cinéma français de produire du vrai bon cinéma de genre horrifique qui ne s’entrevoit qu’en tant que tel. Un cinéma qui, quand il arrive à concrétiser des projets semble refaire sans arrêt la même chose, avec les mêmes erreurs. Tout finit par se ressembler. Des acteurs à la musique, qui sont interchangeables. Comme si chacun à leur tour, les réalisateurs ayant grandi avec Spielberg, Carpenter ou Romero tentaient (consciemment ou non) directement de se hisser à leur niveau sans même chercher à s’approprier l’enseignement des maîtres. Pas étonnant ainsi, que leurs films ressemblent plus à des caricatures. Pas pire qu’un autre et meilleur que certains, Night Fare, malheureusement, ne fait pas vraiment exception.

@ Gilles Rolland

Night-fare2  Crédits photos : Daigoro Films

Par Gilles Rolland le 13 juin 2016

Déposer un commentaire

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires