[Critique] LE 15H17 POUR PARIS
Titre original : The 15:17 to Paris
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Clint Eastwood
Distribution : Spencer Stone, Anthony Sadler, Alek Skarlatos, Jenna Fischer, Judy Greer, P.J. Byrne, Tony Hale, Thomas Lennon, Alisa Allapach…
Genre : Thriller/Adaptation
Date de sortie : 7 février 2017
Le Pitch :
21 août 2015. Dans le train qui les mènent à Paris, trois Américains parviennent à déjouer une attaque terroriste. Trois amis qui effectuaient un tour de l’Europe, profitant de leurs vacances pour renouer des liens créés depuis l’enfance…
La Critique de Le 15h17 pour Paris :
Clint Eastwood n’a pas tardé à s’intéresser à l’histoire de ces trois Américains qui, en 2015, déjouèrent une tentative d’attentat dans le train Thalys reliant Amsterdam à Paris. Sans avoir l’air d’avoir peur de manquer de recul, le légendaire réalisateur s’est attelé à la tâche et a pour cela pris un risque majeur. Plutôt que d’embaucher des acteurs professionnels pour jouer les trois personnages principaux, Eastwood a tout bonnement demandé à Spencer Stone, Anthony Sadler et Alek Skarlatos, les trois héros, de jouer leurs propres rôles et de revivre ainsi les quelques minutes qui ont changé leurs vies et sauvé du même coup celles des nombreux passagers qui, ce jour-là, voyageaient avec eux… Risque payant ou non ? Un peu des deux à vrai dire…
Fait divers
Bien sûr, Le 15h17 pour Paris raconte autre chose que le fameux épisode qui a vu les trois Américains sauver la mise à tous les passagers d’un train et mettre un terroriste en déroute. En se focalisant sur cette histoire puissante, Eastwood en a profité pour revenir sur le parcours de ses personnages, depuis leur enfance, en soulignant leur amitié mais aussi et surtout leur courage et leur attachement à des valeurs qui ne sont pas étrangères à son cinéma. Voir le cinéaste se focaliser sur certains points de l’existence de Stone, Sadler et Skarlatos n’a donc rien d’étonnant. Il n’est pas non plus surprenant de constater que Le 15h17 pour Paris vient trouver sa place, de part les thématiques qu’il aborde, dans la filmographie du maître. Pour autant, cela n’en fait ni un grand film, ni quelque chose d’aussi percutant qu’espéré. Pourquoi ? Parce qu’en tenant à coller de près à l’histoire telle qu’elle s’est déroulée, au point d’avoir demandé aux vrais protagonistes de rejouer les événements, Eastwood est tombé dans plusieurs pièges. Rapidement, son film démontre d’un ardent désir de se montrer réaliste. Très réaliste. Pas seulement au moment de rendre compte de l’exploit des Américains, mais aussi avant, quand il s’agit de relater leur enfance et leur apprentissage dans l’armée (pour deux d’entre eux). Quand il filme le voyage en Europe des personnages, Eastwood se prend aussi les pieds dans le tapis. Au plus près, il échoue (relativement, car on parle quand même de Clint Eastwood), à conférer à son film le souffle nécessaire. Un long-métrage qui prend ainsi plus qu’à son tour des airs de téléfilm…
Trois Américains à Paris
C’est d’ailleurs quand ils débarquent en Europe que la chose est la plus flagrante. Eastwood enfile les séquences sans grand intérêt. On voit Stone et Sadler se balader, faire des selfies devant la Fontaine de Trevi à Rome, les dialogues sont d’une platitude surprenante et la mise en scène s’efface tellement au profit de cette soif de réalisme, qu’elle finit par desservir le propos. Le début quant à lui, qui voit donc les trois amis fréquenter la même école et jouer à la guerre, tout en priant Dieu de faire d’eux de braves soldats au service de la patrie, est très maladroit également. Là encore, l’écriture se résume à des platitudes récitées par des acteurs un peu paumés. Eastwood, loin derrière son objectif, n’est même pas en pilotage automatique. Il s’efface encore et toujours derrière l’histoire, comme si celle-ci l’empêchait de faire preuve de la moindre audace, le condamnant à se limiter à des clichés qui desservent l’ensemble. Et c’est par ailleurs dans ces moments, quand le film ne ressemble pas vraiment à un film d’Eastwood, que le manque de recul est peut-être à montrer du doigt. Même si parfois, Clint revient. Au détour d’un plan ou d’une note de musique jouée au piano, qui met en exergue une émotion qui essaye de percer.
Il y aussi les trois acteurs principaux. Les trois héros donc. Pas des comédiens mais des hommes qui, un jour, ont fait preuve d’un courage inouï pour au final empêcher le pire. Spencer Stone, Anthony Sadler et Alek Skarlatos qui malgré leurs efforts et la belle sincérité qui sauve la mise au film, ne sont pas aussi doués qu’espéré devant la caméra. Leur jeu est hésitant, touchant parfois, mais trop fragile pour convaincre sur la longueur. Heureusement, à la fin, quand ils passent à l’action, ça va un peu mieux et c’est d’ailleurs à ce moment que le film atteint des sommets. C’est là que Clint retrouve toute sa superbe, quand il exploite à merveille l’espace réduit mis à sa disposition pour rendre compte de l’action. Le tout avant de retomber dans quelque chose d’attendu, de plat et d’un peu forcé.
En Bref…
Le 15h17 pour Paris n’a rien de honteux. Il est même souvent valeureux. Mais il est aussi maladroit. En rendant hommage au courage de ces trois Américains, Clint Eastwood n’interroge pas la notion d’héroïsme ou le patriotisme. Écrasé par le poids d’un fait divers vis à vis duquel il n’a aucun recul, le réalisateur préfère tomber dans les lieux communs. Comme si la réalité lui faisait peur. Comme si jamais auparavant, il n’avait réussi à questionner des valeurs, ses valeurs, pour mieux raconter son époque, avec sagesse, force et pertinence. Forcément, c’est décevant, mais encore une fois, cela n’a rien de honteux.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Warner Bros. France