[Critique] 47 RONIN
Titre original : 47 Ronin
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Carl Erik Rinsch
Distribution : Keanu Reeves, Hiroyuki Sanada, Rinko Kikuchi, Kô Shibasaki, Tadanobu Asano, Min Tanaka, Jin Akanishi…
Genre : Aventure/Action/Fantastique
Date de sortie : 2 avril 2014
Le Pitch :
Japon féodal, il a fort longtemps : 47 samouraïs sont bannis de leur terre, quand un seigneur de guerre parvient à provoquer la mort de leur maître. Décidés à laver leur honneur en réclamant vengeance, ceux qui sont désormais des ronins (des samouraïs sans maîtres donc) demandent de l’aide à Kai, un sang-mêlé aux origines troubles, qu’ils ont toujours rejeté. Engagés dans un combat sans merci, les samouraïs bafoués devront affronter de redoutables guerriers et des créatures fantastiques. Pour Kaï, ce périple sera l’occasion d’embrasser son destin…
La Critique :
Ce n’est pas la première fois que le cinéma s’intéresse aux légendaires 47 ronins. Après tout, on parle de l’un des plus grands mythes de l’histoire japonaise. Un mythe qui prend ses racines dans la réalité historique du pays, via un événement survenu à l’aube du 18ème siècle. On peut donc aborder l’histoire des 47 ronins d’un point de vue réaliste ou bien, comme le fait le film de Carl Erik Rinsch, d’opter pour la version fantasmagorique. Celle avec des sorcières, des mecs super tankés, des super samouraïs et des monstres fantastiques. Normal pour un pur produit de studios, destiné à cartonner partout dans le monde. 47 Ronin se veut universel. Il prend pied au Japon (mais a été tourné en Roumanie), s’appuie sur une distribution en majeure partie nippone, et bénéficie de la popularité d’une star américaine qui n’en finit plus de revenir. Et pour plaire à tout le monde, le studio a mis les moyens, à savoir 175 millions. Un budget pharaonique, pour un film tourné en 3D par un inconnu. Un long-métrage qui a, au final, fait un four dans tous les pays où il est sorti. Aux États-Unis comme au Japon. Il s’agit carrément de l’un des plus gros bides de l’histoire, pour ce qui est de la catégorie des films ayant coûté plus de 150 millions….
La genèse de 47 Ronin s’inscrit dans la grande et tragique tradition hollywoodienne de ces œuvres sabordées par les studios. Il n’y a qu’à voir les multiples bandes-annonces pour commencer à comprendre de quoi il retourne. Des trailers qui suggèrent une grande implication des acteurs Yorick van Wageningen et Rick Genest, alors que dans les faits, il n’en est rien. Le premier se voit réduit à une brève apparition muette, alors que le second, célèbre pour son corps entièrement tatoué qui lui a valu une fameuse carrière dans le mannequinat, ne se retrouve qu’au détour d’une très courte séquence, mais figure toujours sur l’affiche finale, aux côtés des stars. Incompréhensible.
Dans la guerre qui a opposé les différents partis engagés dans la production de 47 Ronin, c’est une certaine cohérence qui a tout d’abord morflé. Charcuté au montage, le long-métrage a très rapidement échappé à son réalisateur, qui souhaitait apparemment quelque chose de plus proche de la réalité. Au lieu de ça, on lui a imposé la 3D (assez affreuse) et tout un bestiaire mythologique. On a noyé le poisson et dilué la puissance de la fameuse légende dans un imbroglio indigeste illustrant une somme de mauvais choix pour le moins impardonnables. Normal que dans ces conditions, alors que des scènes ont du être retournées, repoussant la sortie en salle, le budget ait explosé. Du fric jamais vraiment visible à l’écran d’ailleurs, tant 47 Ronin souffre d’un manque de souffle et de lyrisme flagrant.
Se rapprochant du Dernier Samouraï, notamment via le personnage « étranger » incarné par Keanu Reeves, immergé dans la culture des samouraïs, à l’instar de Tom Cruise en son temps, mais aussi proche du 13ème Guerrier de John McTiernan (autre film massacré), 47 Ronin a clairement le cul entre deux chaises. D’un côté nous avons ce désir noble de poser le décors, de donner du corps aux personnages et d’affirmer les enjeux dramatiques. De l’autre côté, il y a par contre cette volonté d’envoyer du bois. De proposer des combats épiques et des effets-spéciaux spectaculaires, histoire de se positionner en face des gros blockbusters qui ont le vent en poupe. Le récit de base, sur le papier remarquablement lyrique, se retrouve transvasé dans un univers qui utilise les canons et les clichés de l’heroïc fantasy. 47 Ronin bouffe a tous les râteliers, mais ne réussit réellement jamais à convaincre. Les bonnes intentions (utiliser des acteurs japonais, s’appuyer sur une légende fortement ancrée dans un certain inconscient collectif, confier les rennes à un réalisateur prometteur…) ne gagnent pas le duel qui les oppose à la cupidité des costards-cravates. Au final d’ailleurs, personne ne gagne. Match nul pour 47 Ronin et balle au centre. Les choses n’avancent pas et tout cela n’aura servi à rien, sinon à dépenser plusieurs millions dans une œuvre bancale, trop longue et parfois remarquablement ennuyeuse et laborieuse qui prouve au passage l’incompétence manifeste des parties engagées à se mettre d’accord.
Un constat qui exclu Carl Erik Rinsch, le réalisateur. Difficile de lui en vouloir tant il est évident qu’au milieu de ce beau bordel, il a au moins essayé. Plongé dans un grand bain gouverné par un banc de requins voraces, Rinsch commence sa carrière à Hollywood sur un bide monumental et c’est dommage car sa mise en scène est méritante et inventive.
Même Keanu Reeves n’y peut rien. Il a même l’air de s’en foutre un peu. On connait la passion du comédien pour tout ce qui touche à la culture orientale (Man of Tai Chi son premier film en tant que réalisateur débarque bientôt), mais là, on le sent absent. La motivation, il l’a laissée au vestiaire et même son charisme paraît bien fade. La barbe broussailleuse et l’air absent, Keanu Reeves rate le coche pour son retour au premier plan. Heureusement, l’investissement de ses coéquipiers est tout autre, même si finalement, cela ne suffit pas.
47 Ronin est un cas d’école. Un exemple à ne pas suivre. Il raconte une belle histoire, mais le fait mal, en se perdant en conjonctures inutiles et en palabres plombantes. Anecdotique, scandaleusement laid à certains moments, compte tenu du budget, le film de Carl Rinsch n’a pas grand chose de passionnant et demande ainsi une certaine indulgence et une certaine patience. On rêve alors d’un director’s cut, qui pourrait mettre en valeur la vision du cinéaste bafoué. Une douce utopie probablement…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Universal Pictures International France