[Critique] À LA MERVEILLE
Titre original : To The Wonder
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Terrence Malick
Distribution : Olga Kurylenko, Ben Affleck, Rachel McAdams, Javier Bardem, Tatiana Chiline, Romina Mondello, Charles Baker, Darryl Cox…
Genre : Drame/Romance
Date de sortie : 6 mars 2013
Le Pitch :
Marina, une jeune mère célibataire française, d’origine ukrainienne, vit une véritable passion amoureuse avec Neil, un américain. Quand elle déménage avec sa fille, chez Neil, en Oklahoma, Marina se sent néanmoins rapidement piégée, dans cette petite communauté où elle n’a aucun repère. Leur amour s’effrite au fil des jours. Tout comme la foi du Père Quintana, chez qui Marina va chercher conseil, avant de rentrer en France, avec sa fille. Neil, de son côté, retrouve l’amour dans les bras d’une amie d’enfance. Mais le destin n’en a pas fini avec Marina et Neil qui seront amenés à se retrouver…
La Critique :
On ne le répétera jamais assez, Terrence Malick est décidément un réalisateur à part. Son cinéma ne ressemble qu’à lui-même et ne semble obéir qu’aux désirs qui animent ce créateur habité d’une poésie pénétrante. C’est donc à peine deux ans après The Tree of Life, son précédent chef-d’œuvre, que Malick revient avec À la Merveille. Deux ans, soit une très courte période pour un cinéaste qui a toujours pris son temps, tout comme en témoigne sa filmographie, qui ne compte que six longs-métrages, réalisés en l’espace de 40 ans. On pouvait donc imaginer que la motivation était là pour que Malick décide de remonter en selle après un monument aussi dense et complexe que The Tree of Life. Et en effet c’est le cas. À la Merveille, et son nom directement emprunté au Mont St-Michel, qui sert de toile de fond à une partie de l’intrigue, soit une partition ô combien éloquente sur les rapports amoureux, et plus généralement la foi, qu’elle soit religieuse ou amoureuse.
Quatre personnages se télescopent dans À la Merveille, mais la véritable héroïne demeure Olga Kurylenko. Une héroïne à fleur de peau incarnée par une actrice qui, pour la première fois de sa carrière, bénéficie d’un rôle à la mesure de son talent et de son charisme. Car il en faut du talent pour habiter un récit plus sensoriel qu’explicatif. La jeune franco-ukrainienne s’adapte avec un naturel confondant, inondant de son charme inné un film qui repose en grande partie sur ses épaules. Malick épouse son héroïne, rend grâce à son incroyable beauté et arrive, avec une économie des mots parfois déroutante, à souligner ses ressentis les plus complexes, mais aussi les plus spontanés.
Difficile d’expliquer un film comme À la Merveille. Comment poser des mots sur ce que l’on ressent à la lecture d’un poème qui vous transcende, ou encore expliquer en quoi tel ou tel morceau vous transperce littéralement ? Sans se préoccuper des nouvelles tendances cinématographiques, Malick trace sa route et fait à nouveau preuve d’un talent incroyable, quand il s’agit de provoquer chez le spectateur de puissantes émotions. Bien sûr, un tel cinéma demande un certain effort. Un lâcher-prise est indispensable pour se laisser embarquer par ce qui s’apparente véritablement à une longue et lente poésie, aussi lancinante que fascinante. Comme à son habitude, Malick risque de dérouter, de dégoûter et de profondément ennuyer ceux qui ne goûtent pas à de tels procédés narratifs. Car mine de rien, À la Merveille, sous ses vagues aspects de romance pour amateurs de love story contrariées, est aussi proche d’un film comme Quand Harry rencontre Sally ou Coup de foudre à Notting Hill que peut l’être Mozart, d’un groupe comme Metallica. Rien à voir si ce n’est qu’effectivement, il est question d’un homme et d’une femme qui s’aiment.
L’histoire d’amour de Malick tend vers quelque chose de plus universel. L’auteur rapproche les sentiments passionnels de ses protagonistes, de l’amour qu’un prêtre (ou qu’une personne pieuse) peut éprouver pour Dieu. Dieu qui -après The Tree of Life– reste au centre d’une thématique où l’humain ne fait partie que d’une machinerie philosophique échappant à toute sorte d’analyse trop didactique.
Dans cette optique, le film mélange le passé et l’avenir, ne perd pas son temps à expliquer trop longtemps les transitions et préfère se lover dans la contemplation de paysages et de visages, il est vrai, souvent suffisamment parlants d’eux-mêmes.
Extrêmement soignée, la mise en scène d’À la Merveille est celle d’un génie en plein possession de ses moyens. Un artiste qui a inventé un style que lui seul maîtrise Sublimé par la photographie d’Emmanuel Lubezki, le long-métrage s’apparente à un gigantesque tableau de maître Une fresque complexe et visuellement parfaite, soulignée par une bande-son composée essentiellement de musique classique, comme pour élever encore un peu plus un propos difficile à appréhender, mais pourtant commun à chacun d’entre nous.
Pour autant, et c’est quasiment une première, À la Merveille divise la critique. La critique seulement, car Malick faisait partie, jusqu’à aujourd’hui, de ces metteurs en scène systématiquement portés au nues par les journalistes, alors que le public lui, s’est toujours scindé en deux à son sujet. Pourquoi ? Peut-être parce que sous cette réalisation léchée, profondément viscérale et dénuée d’une quelconque faute de goût, Malick s’emporte. Il oublie en cours de route certains personnages secondaires, trop effleurés pour véritablement prendre place dans l’histoire. À l’image du prêtre, joué par un Javier Bardem parfait, de Rachel McAdams, qui déboule, puis repart sans que l’on sache trop pourquoi, ou encore de Ben Affleck, omniprésent, mais curieusement écarté d’un cadrage centralisé sur Olga Kurylenko. L’empathie pour ses personnages est encore mise en péril, même si au fond, l’essentiel est ailleurs. Notamment dans l’interprétation de cette histoire d’amour, qui sera propre à chacun. On pourra aussi y rester complètement hermétique. Comme une peinture de maître ou un monument de la littérature classique, À la Merveille peut énerver ou déclencher une indifférence totale. Difficile d’expliquer pourquoi, mais une chose est sûre, quand on adhère au genre, il est incroyablement agréable de se laisser porter par le sublime souffle lyrique d’un classique instantané, qui porte remarquablement bien son nom. Un pur moment de grâce, à la pudeur et au charme inouïs.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Metropolitan FilmExport