[Critique] À VIF !
Titre original : Burnt
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : John Wells
Distribution : Bradley Cooper, Sienna Miller, Daniel Brühl, Emma Thompson, Matthew Rhys, Omar Sy, Riccardo Scamarcio, Uma Thurman, Alicia Vikander, Lily James…
Genre : Drame
Date de sortie : 4 novembre 2015
Le Pitch :
Sorte de rock star de la grande cuisine et détenteur de deux étoiles au Guide Michelin, Adam Jones revient de loin. Exilé à La Nouvelle-Orléans après un scandale qui a causé son départ d’un grand restaurant parisien trois ans plus tôt, il se rapproche de Tony, le propriétaire d’un prestigieux hôtel-restaurant londonien, dans l’espoir d’opérer un come-back flamboyant. S’entourant de quelques-uns de ses anciens collaborateurs et de nouveaux talents, Adam se lance, la rage au ventre, mais va vite s’apercevoir qu’il n’est pas si simple de se refaire une place au soleil…
La Critique :
Ce n’est pas nouveau. Ici comme ailleurs, le public adore voir des gens cuisiner des plats que la plupart seraient incapables de réaliser. Il aime voir des chefs gueuler sur leurs subalternes et ils aiment aussi, qu’à la fin, tout le monde soit content, pleure un bon coup et retourne au turbin. Le spectateur lui, peut aller finir son plat de pâtes au fromage industriel. Logique dans ces conditions que le cinéma ait cherché à s’emparer de la tendance. Récemment, ce sont donc plusieurs projets « culinaires » qui ont débarqué dans les salles. Le féerique conte Les Recettes du Bonheur, #Chef, l’ode à la cuisine des food truck de Jon Favreau, et ce À Vif !. Un nouveau plat qui lorgne pour sa part du côté des émissions plus « furax » comme Cauchemar en Cuisine, où les mecs se font pourrir par un cuisinier despotique et ce pour la bonne cause.
Dans le rôle du chef tyrannique, Bradley Cooper est parfaitement à son aise. Taillé sur-mesure, le personnage d’Adam Jones lui permet de livrer un numéro assez savoureux, parfaitement adapté à son charisme. Il passe ainsi de la crise de nerf à la séquence d’introspection, tout en faisant les yeux doux à la belle chef, et doit aussi combattre ses démons intérieurs, relatifs à un passé douloureux.
Sans surprise, Cooper crève l’écran. C’est moins le cas pour toute la batterie d’acteurs prestigieux qui a accepté de participer au projet. Car si Daniel Brühl, Matthew Rhys et Sienna Miller tiennent les trois autres grands rôles du long-métrage, le reste du casting fait plus ou moins de la figuration. À commencer par Omar Sy, encore une fois en arrière plan d’un film américain. Avec ses 3 ou 4 lignes de dialogue et ses vingt minutes de présence à l’écran, la majorité du temps très effacé, il n’arrive pas à s’imposer. Les autres, Uma Thurman, Emma Thompson, Lily James et Alicia Vikander habillent l’assiette, mais ne justifient pas leur présence par des scènes véritablement marquantes. Ici, c’est le Bradley Cooper show et rien d’autre. Ce qui, au fond, n’est pas vraiment un problème.
Non, le vrai soucis est ailleurs. Dans le scénario, écrit par Steven Knight (par ailleurs également auteur des Recettes du Bonheur) plus précisément. Un script qui a choisi de débuter son récit après le coup d’éclat qui a valu à Adam Jones, le protagoniste central, de devenir tricard dans le monde de la grande cuisine. On retrouve du coup ce dernier à l’aube de sa quête de rédemption. Tout va très vite, les raisons de son départ son survolées, tout comme les relations qu’il entretenait avec ses amis qu’il retrouve au début du film (Omar Sy en fait partie). On comprend à peu près, mais rien ne permet de saisir véritablement la teneur de la relation et du coup, l’empathie se fait la malle. Idem concernant le cuistot rival, joué par Matthew Rhys. Ils ne peuvent pas se saquer mais se respectent, car (entre autres raisons) ils ont un passé commun. Un truc qu’on pige au détour d’une séquence particulièrement réussie, mais qu’on aurait aimé voir développé pour vraiment vibrer devant ce qui doit manifestement nous coller la chair de poule. En soi, cet Adam Jones est surtout un enfoiré. Au cinéma, les enfoirés peuvent faire de grands personnages, et donc de grands films, mais pas ici. Ici, c’est juste un enfoiré de plus, aux méthodes discutables, et rien ne permet vraiment de s’attacher à lui, même si, à la fin, quand c’est trop tard, la sauce prend enfin suffisamment pour nous laisser entrevoir ce que À Vif !, aurait pu être.
Et puis franchement, il faut aussi souligner que pour un film censé nous mettre l’eau à la bouche, À Vif ! ne parvient pas franchement à remplir son objectif. On peut penser ce que l’on veut du #Chef de Jon Favreau, mais lui au moins, arrivait à communiquer une vraie passion pour la bouffe. Pas celle qui se résume à un brin de persil posé sur un confit de canard dans un restaurant à 90 € le repas, mais celle qu’on partage entre amis, sur une table de camping, en écoutant de la bonne musique . Là était la grande force de #Chef. Les Recettes du Bonheur lui, parlait de la nourriture comme d’un moyen de se réaliser et de rapprocher les gens. Il prenait le temps de faire de la cuisine un personnage à part entière. Dans À Vif !, tout compte fait, Bradley Cooper pourrait tout aussi bien jouer un garagiste.
Mais tout n’est pas négatif. Piloté par John Wells, l’une des forces vives de la série Urgences, le film va plutôt vite. Il ne fait pas de sur-place et enchaîne, jusqu’au dénouement. Certaines séquences étant même plutôt convaincantes. Parfois construit comme un thriller, cette histoire de rédemption ne tombe pas non plus dans la guimauve, alors qu’au fond, il aurait très bien pu. Aucun pathos dégoulinant à l’horizon. À l’image de son titre français le film est vif, nerveux et soutenu. Ainsi, malgré tout ses défauts, et son caractère un poil anecdotique, il s’avère plutôt divertissant. Pas le menu 4 étoiles espéré donc, mais une sorte de hachis parmentier qui se rêve coq au vin, mais qui demeure convainquant sans peser trop lourd sur l’estomac une fois englouti.
@ Gilles Rolland