[Critique] ALABAMA MONROE

CRITIQUES | 31 août 2013 | Aucun commentaire

Titre original : The Broken Circle Breakdown

Rating: ★★★★★
Origine : Belgique
Réalisateur : Felix Van Groeningen
Distribution : Johan Heldenbergh, Veerle Baetens, Nell Cattrysse, Geert Van Rampelberg, Nils De Caster, Robby Cleiren, Bert Huysentruyt, Jan Bijvoet…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 28 août 2013

Le Pitch :
Elise tient un salon de tatouage. Didier est musicien dans un groupe de Bluegrass Country et voue une passion pour l’Amérique. Ils vont s’aimer passionnément et de leur union naîtra une petite fille : Maybelle…

La Critique :
Avec Alabama Monroe, on pourrait se croire au le fin fond des États-Unis, en plein arrière-pays, au cœur de ce que l’on appelle l’Amérique profonde. Et bien non, nous sommes en Belgique et plus exactement en Flandre. C’est sur des airs de country, plus exactement de bluegrass, que se déroule cette histoire prenante. Toutes les parenthèses musicales sont d’une beauté époustouflante. On assiste à un véritable florilège d’instruments, accordant leur tempo sur des voies ravissantes. Plus particulièrement celle de Veerle Baetens, qui émerveille. Les deux acteurs et le groupe interprètent eux-mêmes les chansons, et la bande-originale du long-métrage a été numéro 1 des ventes pendant de nombreuses semaines, dépassant même le succès de celle de Titanic.

À l’origine, Alabama Monroe est une pièce de théâtre écrite par Johan Heldenbergh (l’un des deux principaux protagonistes du film) et Mieke Dobbels. Une pièce de théâtre intitulée The Broken circle breakdown featuring the Cover-Ups of Alabama, qui a connu un immense succès en Belgique flamande ainsi qu’aux Pays-Bas.

Sans trop en dévoiler, car cela gâcherait le plaisir des spectateurs, ce que l’on peut dire d’entrée c’est que le film de Felix Van Groeningen est un véritable bijou, une pierre précieuse qui se pare de mille feux au contact de tout ce talent à profusion. Le casting est plutôt minimaliste, en effet les deux protagonistes principaux occupent le champs 99% du temps, et ce n’est pas pour nous déplaire. Les autres, bien qu’importants, sont davantage présents pour faire avancer l’histoire dans le temps.
Johan Heldenbergh, touchant à souhait, est juste et authentique, tandis que Veerle Baetens transcende littéralement la caméra grâce à sa palette d’interprétation diversifiée, et son charme renversant. Si radieuse et déchirante à la fois, elle élève le jeu d’acteur à un niveau remarquable. On comprend maintenant pourquoi le réalisateur a dit n’avoir compris le personnage d’Elise, qu’au moment où il a vu Veerle l’interpréter.

L’originalité de la mise en scène retranscrit aussi toute la difficulté que l’adaptation a rencontré. Compte tenu des différents niveaux de lecture et de la multiple temporalité, le métrage est une vraie réussite, rien n’est lourd ni encombrant. Ce savant mélange entre moments durs et légers, entre froideur et gaieté, apporte un rythme soutenu et entraînant qui nous embarque dans un voyage au cours duquel on ne s’ennuie jamais. Cela permet aussi de doser les émotions, ainsi les moments de légèreté apportent une bouffée d’air pur absolument nécessaire. Le ton est donné dès le début, et l’intensité monte en crescendo pour finalement alourdir le cœur d’un spectateur surpris et ébranlé.
Le mélange des époques et la structure spatio-temporelle donne la sensation d’être dans une bulle hors du temps. Les lieux, tout comme les protagonistes sont également minimalistes, ce qui renforce encore davantage cette perte de repères. L’aspect physique des personnages changent et évoluent en fonction de ce qu’ils vivent. On est loin du temps et totalement plongé dans cette histoire.

Il se dégage beaucoup de sensualité du début à la fin, et même un brin d’humour vient de temps en temps pointer le bout de son nez. Les sujets abordés sont traités avec beaucoup de délicatesse et de subtilité, histoire de parfaire un récit déjà considérablement baigné d’humanité, tout en se voulant très proche des réalités. En effet, le long métrage de Felix Van Groeningen ne cache rien des affres de la maladie, secouant le spectateur, amené alors à un sentiment d’impuissance et de révolte, mais aussi de compassion et d’empathie.

On sent l’implication d’un réalisateur investi qui ne se prive pas non plus d’égratigner une forme de religion obscurantiste et le puritanisme. Après tout, il est question d’Amérique ici où le puritanisme est très présent chez une frange de la population. Cette critique émise n’est pas non plus omniprésente. Les différentes philosophies de vie sont surtout palpables au travers des points de vue des deux protagonistes principaux.

Avec une bande-annonce alléchante qui n’en dit pas plus que ça, mais qui invite au voyage, Felix Van Groeningen réussit son pari, à savoir celui de terrasser et de prendre par surprise un spectateur qui n’avait rien vu venir. Il réalise même un sans faute. L’histoire est poignante, on ne voit pas le temps passer, et on est littéralement immergé. L’entrée est fracassante et la fin finit sur les chapeaux de roues. Ces deux mondes qui s’entrechoquent, celui de la félicité et de la dure adversité, peignent un tableau profondément et typiquement humain. Alors c’est sûr qu’en sortant de la salle on a le cœur pris dans un étau, mais ça en vaut la peine, car des claques cinématographiques comme celle-ci, on en prend pas tous les jours. Ce chef-d’œuvre a déjà reçu le Label Europa Cinemas à la Berlinade, ainsi que le prix du meilleur scénario au Tribeca Film Festival. Veerle Baetens a également été récompensée pour son interprétation d’Elise. Espérons que cette magnifique histoire fasse un beau et long périple. De toute façon, Alabama Monroe, c’est avant tout une histoire d’amour, et à tous niveaux de lecture.

@ Audrey Cartier

alabama-monroe-photo-1Crédits photos : Bodega Films / Help! Distribution

Par Audrey Cartier le 31 août 2013

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