[CRITIQUE] ARMAGEDDON TIME
Titre original : Armageddon Time
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : James Gray
Distribution : Michael Banks Repeta, Anthony Hopkins, Jaylin Webb, Jeremy Strong, Anne Hathaway, Ryan Sell, Tovah Feldshuh, Jessica Chastain…
Genre : Drame
Durée : 1h55
Date de sortie : 9 novembre 2022
Le Pitch :
À New York, en 1980, Paul Graff, un collégien, tente de trouver sa place dans un système éducatif peu enclin à favoriser ses aspirations. Étouffé dans une famille qu’il ne comprend pas, il peut en revanche compter sur son grand-père duquel il est très proche et sur son meilleur ami Johnny…
La Critique d’Armageddon Time :
Retour au drame intimiste pour James Gray après trois films à l’ampleur d’apparence plus grande, à savoir The Immigrant, The Lost City of Z et Ad Astra. Dans ce dernier où il amenait Brad Pitt à la recherche de lui-même aux confins de l’espace intersidéral. James Gray qui revient sur le plancher des vaches avec un film aux forts accents autobiographiques, plongé dans une Amérique en pleine Guerre froide.
L’enfance de l’art
James Gray est Paul Graff, un petit-fils d’immigrés juifs perdu entre une famille qui entretient pour lui de grands projets et un collège où il ne trouve pas sa place. Lui ce qu’il veut, c’est dessiner. Pourtant, tout semble l’en empêcher alors que d’un côté on lui parle de grandes universités et que de l’autre, son meilleur ami Johnny a le regard rivé vers l’espace. Entre les deux, son grand-père, la seule personne qui sait comment le prendre, tente de le guider, à l’hiver de sa vie, quand bien même la fougue de la jeunesse, la curiosité et de trop puissants doutes le poussent dans la marge en permanence.
Avec son postulat simple, Armageddon Time permet à James Gray d’à nouveau s’intéresser à la figure de la famille, qu’il dissèque ici avec la même intensité que dans ses quatre meilleurs films, à savoir Little Odessa, The Yards, La Nuit nous appartient et Two Lovers. Une famille aimante mais parfois maladroite, où il est difficile de se (re)trouver.
Perdu dans le Queens
À l’heure où Ronald Reagan s’apprête à devenir président, alors que les Trump assoient leur domination sur le Queens, et plus particulièrement sur l’école privée dans laquelle Paul est finalement envoyé, à l’aube des années 80, le jeune garçon se cherche mais ne se heurte qu’à des murs. Une façon particulièrement intelligente pour James Gray ne nous parler à la fois de son enfance, avec une pudeur et une sensibilité inouïes, mais aussi de son pays et de sa ville de prédilection. Une cité tentaculaire, prête à faire l’objet d’un grand nettoyage, où le racisme, omniprésent, gangrène le cœur des hommes et réduit à néant les aspirations de ceux qui sont nés du mauvais côté de la barrière.
Dans Armageddon Time où le réalisateur disserte avec une infinie délicatesse sur des thématiques plus que jamais actuelles, dressant un pont entre deux époques pour mieux mettre en valeur des sujets universels.
Conte doux-amer
Fable initiatique, Armageddon Time repose sur une écriture à la fois complexe et fluide. Grand directeur d’acteurs, James Gray trouve le ton juste et jamais ne dévie de sa route. Au fil de son histoire, le jeune et surprenant Michael Banks Repeta donne un écho bienveillant et éloquent à son discours, entouré de comédiens de premier plan, magnifiquement exploités. Si Anne Hathaway et Jeremy Strong (la révélation de la superbe série Succession) sont tous les deux éblouissants, c’est bien Anthony Hopkins qui parvient encore à étonner.
D’un seul regard, quand il raconte une partie de son enfance, essaie de trouver les mots justes pour canaliser la rébellion tapie dans le cœur de son petit-fils, au détour d’un simple câlin sur un banc, avec une bienveillance constante teintée de mélancolie, l’acteur impressionne. Cœur battant à tout rompre d’un long-métrage bouleversant, Anthony Hopkins trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Ce qui, vu sa filmographie, n’est pas rien. Un géant au service d’une histoire extrêmement touchante, superbement mise en image et magnifiquement écrite.
En Bref…
En revenant sur Terre après Ad Astra, James Gray renoue avec le cinéma de ses débuts. Film sur l’enfance mais aussi sur l’Amérique, Armageddon Time impose à nouveau son style pur, la justesse de son propos et toute l’émotion qui se dégage de ses images. Un coup de maître.
@ Gilles Rolland