[Critique] AU POSTE !
Rating:
Origine : France
Réalisateur : Quentin Dupieux
Distribution : Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig, Marc Fraize, Anaïs Demoustier, Orelsan, Philippe Duquesne, John Sehil, Michel Hazanavicius, Pedro Winter…
Genre : Comédie
Date de sortie : 4 juillet 2018
Le Pitch :
Suite à la découverte d’un cadavre, Fugain se retrouve en garde à vue, considéré comme suspect par le commissaire Buron. Mais le tête-à-tête entre les deux hommes prend vite une tournure étrange…
La Critique de Au Poste ! :
Ces dernières années, la production française en matière de comédie n’a pas vraiment prêté pas à sourire. Il faut dire que le genre est particulièrement maltraité par les sorties quasi-hebdomadaires de films de piètre qualité, interchangeables jusque dans le design des affiches, et s’appuyant régulièrement sur des ressorts périmés et bas de plafond. Cela dit, dans ce contexte, quelques réalisateurs font office d’extra-terrestres grâce à des œuvres en forme de véritables bouffées d’air frais. Des métrages qui suscitent ainsi une certaine attente, comme c’est le cas avec Quentin Dupieux, un touche-à-tout connu également sous le pseudonyme de Mr. Oizo. Un metteur en scène dont Au Poste ! marque le retour, trois ans après l’excellent Réalité. Son premier film tourné dans l’Hexagone depuis Steak. Dupieux qui, pour l’occasion, a fait le choix d’être plus accessible qu’à l’accoutumée, tout en conservant son style singulier.
Garde à vue
Chantre d’un cinéma dont le credo principal est « no reason » où les scénarios prennent souvent des tournures inattendues sans qu’on sache pourquoi ni même sans raison apparente, Dupieux délaisse un temps, avec Au Poste !, les délires expérimentaux. Ici, point de pneu tueur ou de recherche du meilleur gémissement du cinéma, mais un face-à-face presque minimaliste entre un policier et son suspect. Au Poste ! prend, de prime abord, la direction d’un cri d’amour à destination de la comédie policière et du polar à la française des années 70/80. Un hommage par touches, que ce soit via l’affiche qui rappelle les plus belles heures des films de Bébel et de Delon, et qu’on retrouve dans l’esthétique globale du film, le grain de l’image et les accessoires, avec un jeu sur les anachronismes qui fait qu’on n’a aucun repère historique et qu’on ne sait pas quand l’histoire se déroule. On est donc en face d’un quasi-huis clos. L’action est minimale et tout se passe dans les dialogues, dans l’esprit du film Garde à Vue. Mais ici, la tension dramatique du duel Ventura/Serrault laisse place à un humour décalé.
Le face-à-face Poelvoorde/Ludig (les deux sont impeccables) fait mouche. L’un dans le rôle d’un policier borné, parano et pas toujours aimable, sans forcément entrer dans une caricature typique des pantalonnades habituelles de ce style de films et l’autre interprétant un homme placide et débonnaire. Au final, Au Poste ! est une comédie, mais l’humour ne fait pas dans le gag systématique ou la parodie foireuse. C’est plus subtil, avec un glissement vers un absurde que n’aurait pas renié Eugène Ionesco. Cet aspect, c’est Marc Fraize qui le campe le mieux. S’il n’a pas un grand rôle, sa prestation est hilarante et efficace. Même chose pour le petit rôle d’Orelsan avec sa diction nonchalante.
Hôtel commissariat
Le jeu d’acteur et l’humour du film en sont ainsi les atouts principaux. Néanmoins, si Au Poste ! est bon, on est loin d’être devant le meilleur de Dupieux. En optant pour un cinéma plus accessible, la réalisateur a perdu une partie de sa folie. L’espace minimal et les longues séances de dialogues rendent le rythme un peu trop lent, là où des œuvres comme Réalité ou Rubber étaient plus pêchues. Par conséquent, malgré sa durée réduite (1h15), Au Poste ! accuse quelques longueurs dispensables donnant l’impression que le réalisateur a étiré au maximum ses séquences pour allonger son film le plus possible. Et c’est dommage car l’entreprise y perd peu à peu en intérêt, au point que le dénouement un peu gratuit semble tomber à plat.
Mais malgré ces réserves, Au Poste ! s’impose comme un film salutaire dans le paysage cinématographique français, en proposant une alternative nécessaire.
En Bref…
Audacieux par son originalité au beau milieu d’une production cinématographique hexagonale qui alterne entre le fade et le médiocre, Au Poste ! propose quelque chose de nouveau avec un humour plein de non-sens mais pas pour autant élitiste. Porté par des acteurs au sommet de leur forme, il pèche en revanche par un manque de folie et de rythme.
@ Nicolas Cambon
Crédits photos : Diaphana distribution