[Critique] BABYCALL

CRITIQUES | 25 avril 2012 | Aucun commentaire

Titre original : Babycall

Rating: ★★★½☆
Origine : Norvège
Réalisateur : Pal Sletaune
Distribution : Noomi Rapace, Kristoffer Joner, Vetle Qvenild Werring, Stig R. Amdam, Maria Bock, Torkil Johannes Swensen Høeq, Bjørn Moan, Henrik Rafaelsen…
Genre : Drame psychologique
Date de sortie : 2 mai 2012

Le Pitch :
Afin de fuir son ex-mari violent, Anna, une jeune mère et son fils de 8 ans Anders, se réfugient dans un petit appartement. Très inquiète pour son fils, qu’elle pense en danger, Anna fait l’acquisition d’un baby phone afin de le surveiller pendant son sommeil. Rapidement, d’étranges cris d’enfant lui parviennent sur l’appareil. De quoi installer un peu plus chez la jeune mère, une paranoïa galopante…

La Critique :
Tourné après la trilogie Millenium et juste avant la mondialisation de la carrière de Noomi Rapace, Babycall s’impose d’emblée comme un fabuleux terrain d’expression pour la jeune actrice. Canevas d’émotions baigné dans une mélancolie de tous les instants, le long-métrage de Pat Sletaune s’articule autour de la détresse d’une mère démunie face aux menaces qui semblent peser sur son enfant. Paranoïaque à l’extrême, Anna, le personnage central confère au film toute son identité. C’est au travers de ses yeux que nous pénétrons son intimité. Noomi Rapace habite littéralement ce rôle de mère courage au bord du gouffre. Son regard profond et apeuré exprime une psychose légitime quand on comprend à quel point le père de l’enfant est dangereux, mais aussi une détermination à toute épreuve. Animale dans sa façon de défendre sa progéniture, Anna est une femme fragile, en équilibre permanent entre la raison et la folie. Une personnalité borderline dont la solitude permanente aurait tendance à tirer du mauvais côté.

Complexe, Anna l’est assurément. Noomi Rapace livre une performance toute en nuance, pas si éloignée que cela de Lisbeth Salander (alors que le postulat de départ pouvait laisser penser le contraire). Toutes les deux partagent cette dualité entre une vulnérabilité apparente et une volonté de défendre leur territoire. Des ressemblances évidentes qui ne suffisent pourtant pas à résumer le personnage central de Babycall. Là où Lisbeth possédait tout un panel de compétences redoutables pour ses agresseurs potentiels, Anna, elle n’a pas grand chose. Se contentant de bâtir autour de son foyer un mur invisible de méfiance.

C’est à ce moment qu’intervient le baby phone qui donne son titre au film. Appareil censé rassurer la jeune mère, le baby phone provoque au contraire une explosion d’angoisse quand il se met à émettre des cris de détresse venant de toute évidence du même immeuble que celui où Anna et son fils ont élu domicile. Pour autant, inutile de s’attendre à un tournant franc et radical dans la tonalité du long-métrage. L’incident du baby phone marque bien un changement mais le réalisateur se refuse à tout sensationnalisme, préférant continuer à nourrir une ambiance qui se fait plus pesante au fil des minutes. Prise dans une spirale de faux-semblants et d’incertitude, Anna perd pied avec une réalité contradictoire. Son seul encrage étant l’homme qui lui a vendu le baby phone. Ce dernier s’immisce entre Anna et ses craintes, le temps de vagues entractes, sans pour autant offrir au spectateur un point de vue extérieur.

Le réalisateur exprime lors de rares scènes le ressenti de ce troisième personnage. Lui-même touché par une tragédie, le vendeur s’accroche à la vie et voit en Anna un échappatoire. Grâce à lui, nous voyons brièvement qu’un truc cloche dans la perception des choses de cette maman abimée par la vie. Trop brièvement malheureusement car le long-métrage persiste à n’offrir que le point de vue de la mère. Lorsque intervient l’épilogue, aussi surprenant que tragique, il devient difficile de saisir l’essence du propos global. Pal Sletaune donne bien quelques pistes, mais il se refuse à se perdre en explications, préférant souligner les émotions dans un dernier élan dramatique pour le moins marquant.

C’est donc non sans une certaine frustration que l’on voit défiler le générique alors que persistent beaucoup trop de points d’interrogation. Le refus de prendre les spectateurs pour des idiots est appréciable car rare, mais ici, c’est la mesure qui fait défaut. Au point de rendre le dernier quart un poil baclé. Dommage pour un film aux qualités probantes, à la poésie lancinante et à l’interprétation de haute volée.

@ Gilles Rolland

Par Gilles Rolland le 25 avril 2012

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