[Critique] BLANCHE-NEIGE ET LE CHASSEUR

CRITIQUES | 13 juin 2012 | Aucun commentaire

Titre original : Snow White and the Huntsman

Rating: ★★★☆☆ (moyenne)
Origine : États-Unis
Réalisateur : Rupert Sanders
Distribution : Kristen Stewart, Charlize Theron, Chris Hemsworth, Nick Frost, Sam Clafin, Sam Spruell, Ian McShane, Bob Hoskins, Ray Winstone, Eddie Marsan, Toby Jones, Johnny Harris, Brian Gleeson; Vincent Regan, Liberty Ross, Noah Huntley, Christopher Obi, Lily Cole…
Genre : Aventure/Heroïc-Fantasy/Fantastique/Conte/Adaptation
Date de sortie : 13 juin 2012

Le Pitch :
Lorsqu’elle épouse le Roi, la maléfique Ravenna s’empresse de s’approprier le trône, expédiant le divorce d’un coup de poignard. Désormais, seule Blanche-Neige, la fille du Roi, représente une menace pour la Reine qui s’empresse d’embaucher un chasseur pour se lancer aux trousses de la jeune princesse. Une traque qui le mène directement dans la sombre forêt où s’est réfugiée Blanche-Neige après son évasion. Ce dernier, vite conscient de la nature des desseins de la Reine, décide de quitter le côté obscur pour aider Blanche-Neige à récupérer la place qui lui revient de droit…

La Critique (Gilles) Rating: ★★★½☆ :
L’année 2012 aura vu deux adaptations de Blanche-Neige, le conte des frères Grimm. Les choses se résument à peu près à cela : Julia Roberts vs. Charlize Theron et Lily Collins vs. Kristen Stewart. Les jeux sont faits et rien ne va plus pour le Blanche-Neige « discoïde » de Tarsem Singh (celui avec Julia Roberts et Lily Collins donc) qui n’était déjà pas en lui-même bien fameux, mais qui, comparé à la relecture de Rupert Sanders, ressemble à un téléfilm aussi niais que kitsch pour dimanches après-midis neigeux de décembre. Blanche-neige et le Chasseur remporte la bataille et la guerre avec un panache insoupçonné et franchement bienvenu. Rupert Sanders, qui signe son premier film, ne manque pas de bravoure et de mérite. Le bougre accouche d’une œuvre sombre au caractère aussi attachant qu’affirmé et met sur la table un savoir-faire impressionnant. Certes aidé par un budget de 170 millions de dollars, Sanders tisse un tableau absolument sublime, qui voit le conte de notre enfance se parer d’atours héroïc-fantasy et de références la plupart du temps bien digérées (inévitable Seigneur des Anneaux). Certaines séquences sont alors amenées à rester. À marquer durablement nos rétines blasées par des décennies de chef-d’œuvres et de navets. À l’image de l’arrivée tonitruante de la Reine/sorcière éreintée dans une explosion de matière noire visqueuse et de corbeaux à l’agonie, de l’attaque du troll, du sanctuaire des fées ou encore de la mémorable transformation de la Reine. Servi par des effets-spéciaux inventifs, le long-métrage est tout d’abord un vrai tour de force visuel. Rien que pour cela, Blanche-Neige et le Chasseur vaut largement le prix d’une place de cinéma.

Un travail d’orfèvre qui repose sur un scénario plus qu’honorable bien que parsemé de quelques longueurs un peu handicapantes.

Les impondérables du conte sont tous là : la pomme, le baiser magique ou encore les sept nains. Le script, qui respecte relativement bien le matériel de base, se permet de belles échappées et justifie tous ses choix. Le Chasseur est promu et endosse plus ou moins les fonctions du Prince Charmant, la Reine se voit dotée d’un frangin qui contribue à rapprocher cette dernière de la Cersei Lannister de Game of Thrones et Blanche-Neige ne se contente pas de faire les yeux doux. Dans le film de Rupert Sanders, la belle prend les armes, endosse la tenue des chevaliers et part au front. C’est la grande et principale différence par rapport au classique des Grimm. En choisissant de balayer d’un coup d’épée le trop plein de romantisme mièvre qui pouvait salement alourdir le long-métrage avec Julie Roberts, Blanche-Neige et le Chasseur devient un pur film d’aventure à ranger aux côtés de Willow (toutes proportions gardées). Tous les ingrédients sont là pour faire du long-métrage un parfait best-of des thématiques positivement classiques du conte de fée guerrier. Le genre de truc à regarder en famille les soirs de réveillon par exemple.

Et si Blanche-Neige et le Chasseur est réussi, c’est aussi et en grande partie grâce à ses acteurs. Incontestablement dominé par la prestation habitée d’une Charlize Theron surprenante, le casting jouit d’une cohérence rare. L’actrice sud-africaine livre une performance « bigger than life », qui fait de son personnage l’un des grands méchants du cinéma grand public de ces dernières années. Inspirée par le Jack Nicholson de Shining, la sublime comédienne se prête au jeu sans cabotinage -contrairement à Julia Roberts qui, il y a quelques semaines, en faisait des caisses dans le même rôle- et contribue à la noirceur de l’ensemble. Maléfique jusqu’au bout des cils, sa Reine est une matrone torturée, dépressive, obsédée et plus qu’à son tour inquiétante. Le spectacle est total lorsque Charlize est à l’écran. Un écran qu’elle bouffe sans partage. De quoi rendre d’ailleurs les scènes qui constituent la partie centrale du film, d’où elle est absente, un peu plus fades.

Dans le rôle titre, Kristen Stewart fait preuve d’une belle ténacité et d’une fraicheur appréciable. Fragile en apparence, sa Blanche-Neige détient une force insoupçonnée et traduit sa détermination par des actions qui sont d’habitude réservées aux hommes. Le côté garçon manqué de celle qui n’en finit plus d’asseoir un talent hors-norme, peut alors exploser. En armure ou dans la tenue de la parfaite jouvencelle, Kristen étincelle de mille feux. Son Prince, ici chasseur, est aussi rustre que finalement très proche de la personnalité du personnage clé de son interprète, le puissant Thor. Une personnalité qualifiable en deux mots : taquin et bourrin. Chris Hemsworth, ces derniers temps omniprésent, fait le boulot avec le charisme qui est le sien et compose avec les faiblesses d’écriture de son personnage qui reste le plus caricatural du lot. L’autre bonne surprise aux rayon de la distribution vient des sept nains. Une joyeuse troupe qui permet de retrouver un beau panel d’acteurs, de Nick Frost (Shaun of the Dead, Hot Fuzz), à Ian McShane (Pirates des Caraïbes 4), en passant par Toby Jones (La Taupe) ou encore Bob Hoskins (Qui veut la peau de Roger Rabbit). De quoi pardonner les ressemblances tenaces entre ces nains-ci et ceux de Tolkien.

Blanche-Neige et le Chasseur est ainsi une bonne surprise. En poussant un peu, on serait même tenté d’affirmer qu’il s’agit du meilleur film inspiré du conte des Grimm, juste derrière l’animé de Disney. Pour la simple et bonne raison qu’ici, le soin, le respect et l’engagement des forces en présence rattrapent largement les faux pas. Plutôt violent sans pour autant dépasser la ligne jaune, plein de souffle, pas kitsch pour deux sous et souvent merveilleux (au sens conte de fée du terme), Blanche-Neige et le Chasseur est un grand film familial. Et jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas un défaut.

@ Gilles Rolland

La Critique (Daniel) Rating: ★★☆☆☆ :
Blanche-Neige et le Chasseur est la deuxième adaptation du conte des Grimm à paraître cette année, après l’insupportable Blanche-Neige de Tarsem Singh, et le troisième en tout, si on compte la série télé Once Upon A Time. C’est aussi le deuxième à décevoir. Un film qui brille par son imagination et ses ambitions, mais qui se casse la figure sur sa structure narrative confuse et son rythme problématique.

Comment expliquer la popularité de Blanche-Neige en ce moment ? Aucune idée. Mais si on se risquait à la devinette, le fait qu’Hollywood vient de découvrir que les films fantastiques destinés à un public féminin comme Twilight et Hunger Games rapportent de la thune, semble être une bonne théorie. Tout comme faire une version sombre et gothique d’une princesse Disney était la première idée de tout le monde pour en tirer profit sans y consacrer le moindre effort.

Pourquoi Blanche-Neige en particulier ? Simple hypothèse, mais on pourrait avancer l’argument que l’histoire de Blanche-Neige est l’un des rares contes de fées où le protagoniste et l’antagoniste sont tous les deux féminins, et dont les personnages respectifs correspondent métaphoriquement à des expériences identifiables uniquement aux femmes.

Pour ceux qui l’auraient oublié, Blanche-Neige raconte l’histoire d’une méchante reine obsédée par la beauté, qui pique sa crise parce que sa belle-fille a atteint la puberté, ce qui signifie que la reine n’est plus la plus jolie du royaume. Là encore, ce n’est qu’une hypothèse, mais il est est possible que le symbolisme général de l’histoire de Blanche-Neige (une jeune fille dont la vie est bouleversée par la rancune et la jalousie de certaines, tout simplement parce qu’elle a franchi la ligne invisible entre l’adolescence et l’âge adulte, où l’on peut devenir sexuellement désirable) et l’histoire de la Reine (une femme qui voit le pouvoir que le monde lui a accordé diminuer lors de l’arrivée d’un « nouveau modèle ») résonne avec un public féminin d’une manière profonde et particulière.

 Se concentrer sur cette idée pourrait sans doute aboutir à un film intéressant. Et si ce long-métrage fait bien référence à l’idée que la Reine pourrait être en partie le fruit et la victime d‘un monde qui considère que la beauté physique est le seul pouvoir qu’une femme peut espérer détenir, ça ne contribue pas grand-chose à l’ensemble, à part pour donner des origines au personnage qui sont inventées à l’arrache.

Sinon, le film se contente de suivre son objectif principal : réadapter le conte de Blanche-Neige en utilisant les péripéties basiques de la version Disney, avec un habillage visuel et des repères scénaristiques tirés tout droit du Seigneur des Anneaux, Game of Thrones, les long-métrages de Myazaki et les autres œuvres du genre fantastique qui ont récemment eu du succès. Charlize Theron interprète la Reine maléfique, reconstituée ici en sorcière tout puissante qui garde sa jeunesse éternelle en se nourrissant de la vitalité des jeunes femmes. Kristen Stewart joue le rôle de Blanche-Neige, reconstituée ici en…je sais pas, honnêtement.

Malgré le fait qu’elle est censée être ostensiblement la star du film, Blanche-Neige n’a rien qui soit propre à son personnage : aucune personnalité, aucune motivation réelle, aucune justification émotionnelle pour ses actions. Parfois, elle essaie juste de rester en vie. À d’autres moments, elle veut venger son père. Plus tard, elle devient une révolutionnaire dans le style de Jeanne d’Arc. C’est même suggéré qu’elle est dotée de pouvoirs surnaturels ou d’un destin prophétique, éléments qui surgissent uniquement quand l’intrigue en a besoin. Et pour une raison ou une autre, la Reine deviendra immortelle pour toujours si elle lui arrache le cœur. En fait, le personnage de Blanche-Neige sert d’illustration à l’ensemble du film, dans le sens où tout reste parfaitement logique à condition que le spectateur ne se pose jamais la fameuse question : Pourquoi ?

À vrai dire, tout le projet semble souffrir d’une tonne de réécritures scénaristiques et d’interventions de la part des studios. Le film s’intitule Blanche-Neige et le Chasseur, mais le Chasseur lui-même (le toujours charismatique Chris Hemsworth) ne sert pas à grand-chose. Il est bien à l’écran, et remplit quelques fonctions au profit de l’histoire, mais ce n’est pas vraiment lui qui fait avancer l’intrigue. De même, le réalisateur Rupert Sanders ne semble pas prêt à lui confier entièrement le rôle romantique.

Et au sujet de l’amour, le Chasseur n’est pas le seul. Les bandes-annonces et le marketing n’en disent rien (préférant surligner le fait que « Regardez ! Y a un mec des Avengers qui joue dans notre film !), mais il y a aussi une version du Prince Charmant qui répond à l’appel. Après tout, selon Hollywood, l’amour à trois et les triangles amoureux clichés sont des must dans un film fantastique destiné à un public féminin. Je ne serais pas surpris si le Prince était censé avoir un rôle bien plus important que prévu à l’origine. Idem si « l’amour véritable » entre Blanche-Neige et le Chasseur était censé être la grande surprise du film, ce qui n’est pas le cas, grâce au titre, et « Regardez ! Y a un mec des Avengers qui joue dans notre film ! ».

Entre-temps, le long-métrage semble oublier l’existence de Prince Machin-Bidule à plusieurs reprises, sauf si l’intrigue a besoin de lui. Ah oui, et accessoirement les Sept (ou Huit, apparemment) Nains sont aussi de la fête, interprétés bizarrement par un casting de très haut calibre (Nick Frost, Bob Hoskins, Toby Jones, Richard Griffiths, Ian McShane…). Ça se comprend si les acteurs ne veulent pas qu’on sache qu’ils ont joué dans le film, mais pourquoi le film lui-même en fait secret ?

Pour être honnête, le seul élément qui fait véritablement la force du long-métrage (autre que des représentations isolées de royaumes magiques et de créatures féeriques qui sont vachement plus intéressants à regarder) reste la prestation de Charlize Theron. Elle fait un travail incroyable ici, prouvant une bonne fois pour toutes qu’elle est une actrice dont le talent est souvent survolé par Hollywood. Theron est non seulement très belle, mais possède un jeu intriguant qui n’a rien de conventionnel. Elle est bien plus à l’aise dans des rôles féroces, effrayants et même méchants, comme l’ont montré des films comme Young Adult et Monster. Ici, Theron joue plus ou moins le rôle de Rita Repulsa dans Power Rangers : faisant les cents pas dans son château, piquant des colères noires et hurlant à tue-tête, envoyant ses sbires à la poursuite des héros puis leur donnant une bonne engueulade lors de leur échec. Un rôle de maniaque, « over-the-top ».

Malgré tout, Blanche-Neige et le Chasseur reste fun et parfaitement regardable. C’est un beau film visuellement parlant, qui fait un bel effort d’imagination pour réinventer l’histoire légendaire, mais se perd en chemin. Blanche-Neige est avant tout un conte de fées, mais cet aspect est à la fois un atout et un défaut pour son adaptation au cinéma : Blanche-Neige doit être entièrement gentille, et la Reine doit être entièrement méchante, ce qui ne laisse pas de place à la nuance. La fin est donc inévitablement prédéterminée et le tout reste oubliable. Mais si l’on devait choisir entre le Blanche-Neige de Tarsem et Blanche-Neige et le Chasseur de Sanders, le second en sort indiscutablement vainqueur. C’est le moindre des deux maux…

@ Daniel Ranswley

Crédits photos : Universal Pictures

Par Gilles Rolland le 13 juin 2012

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