[CRITIQUE] BLONDE

CRITIQUES | 19 octobre 2022 | Aucun commentaire
Blonde-Poster

Titre original : Blonde

Rating: ★★★★½

Origine : États-Unis

Réalisateur : Andrew Dominik

Distribution : Ana de Armas, Adrien Brody, Bobby Cannavale, Xavier Samuel, Julianne Nicholson, Evan Williams, Toby Huss, Sara Paxton, Scoot McNairy…

Genre : Drame/Adaptation

Durée : 2h47

Date de sortie : 28 septembre 2022 (Netflix)

Le Pitch :

Élevée par une mère perturbée puis abandonnée, Norma Jeane Mortenson, devenue adulte, parvient à percer dans le milieu du cinéma. Sur le grand écran où elle se fait connaître en tant que Marilyn Monroe, dans des films de plus en célébrés. Une star mondiale, épiée et harcelée par le public, malmenée et sans cesse mise à l’épreuve, qui a marqué son époque pour devenir une icône immortelle…

La Critique de Blonde :

Il était une fois Marilyn… Une star parmi les stars que l’autrice Joyce Carol Oates a raconté dans son roman intitulé Blonde, avec une audace et un courage qui, s’il a permis au livre de s’écouler par containers entiers, n’a pas été du goût de tout le monde. Un livre dont s’est emparé le réalisateur australien Andrew Dominik pour en faire un long-métrage sulfureux à plus d’un titre, fascinant et bien sûr très clivant.

L’autre Marilyn

À une époque où la majorité des films tente presque désespérément de plaire au plus grand nombre, prenant garde de ne vexer personne, Blonde fait office d’exception bienvenue. Le récit sur lequel il s’appuie, qui pour rappel ne s’est jamais imposé comme une biographie officielle de l’actrice, lui permet d’explorer des chemins sans cesse passionnants et surtout prompts à diverses expérimentations ô combien fascinantes. Derrière la caméra, Andrew Dominik, dont le dernier film, l’excellent Cogan : Killing Them Softly, remonte déjà à 2012, s’en donne à cœur joie en mettant en avant son caractère de franc-tireur obsédé non pas par la vérité absolue mais par les ressentis et les différentes perceptions dont a pu faire l’objet Marilyn Monroe.

Blonde-casting

À contre-courant

Forcément, Blonde déstabilise. Sans jamais essayer de raconter la vraie histoire, qu’il laisse à des films plus sages, peu intéressé par l’hagiographie, le metteur en scène préfère prendre la tangente, quitte à s’attirer les foudres des fans hardcore de Marilyn. Dominik qui a d’ailleurs décrit Blonde comme un film d’horreur. Ce qu’il est, d’une certaine façon. Car ici, le glamour, la célébrité, les cris des fans surexcités et le désir qu’inspire Marilyn forment une masse menaçante, qui grignote petit à petit la psyché d’une femme au départ affaiblie par une enfance chaotique. En cela, Blonde perturbe à plusieurs reprises.

Sans chercher l’approbation du public, Andrew Dominik emballe une introduction où Marilyn, alors connue sous le nom de Norma Jeane, est déjà persécutée par une mère violente, pour ensuite nous présenter une star perdue au milieu d’une industrie qui va aspirer sa joie de vivre au fil de longs-métrages vécus par la star elle-même comme autant d’épreuves.

Le côté obscur de la célébrité

Lumineuse, Marilyn l’est assurément quand elle se retrouve sous les projecteurs. Une lumière vivace mais volatile, qui tremble et menace de s’éteindre quand la réalité vacille sous l’impact des multiples agressions que subit l’actrice. Jamais à court d’idées de mise en scène quand il s’agit d’offrir un écrin sur-mesure à son récit tentaculaire et en effet viscéral, Andrew Dominik passe du noir et blanc à la couleur et du format 4/3 au 16/9 au grès de séquences magnifiquement emballées, avec une poésie et une sensibilité auxquelles fait écho la performance absolument ahurissante d’Ana de Armas.

Cible des critiques avant même que le film ne sorte, Ana de Armas trouve en effet ici le rôle de sa vie. Non seulement très ressemblante à la vraie Marilyn, l’actrice sait s’approprier son personnage dans cette histoire qui prend beaucoup de libertés par rapport à la réalité, pour mieux tenter de percer le secret du mythe Monroe. Déchirante, Ana de Armas irradie dans absolument toutes les séquences, aux côtés de seconds rôles également excellents. Sa présence, son investissement et son talent servent l’image d’une Marilyn meurtrie mais respectée dans son essence de survivante capable d’une résilience incroyable.

Interprétation iconographique

Blonde n’essaye pas de ressembler à des films plus conventionnels. Autant dire qu’on n’est pas en face d’une production comme Bohemian Rhapsody, dont les prises de liberté par rapport à la réalité n’ont pour but que de lisser et dorer un peu plus une figure légendaire. Ici, à vrai dire, Andrew Dominik fait tout l’inverse. Il s’attache à la détresse de Marilyn et à ses combats. Il adopte son point de vue et remet ainsi tous les grands épisodes de sa vie et de sa carrière en perspective,utilisant le roman de Joyce Carol Oates pour servir son propos et justifier ses pertinentes errances.

La scène de Sept Ans de séduction, quand Marilyn passe au-dessus de la grille d’aération du métro, est un bon exemple. Alors que l’air chaud soulève la robe blanche de l’actrice, celle-ci ne voit devant elle qu’une marée d’hommes surexcités qui semblent vouloir la dévorer. Dans une autre séquence, Marilyn se rend à une avant-première. Tout autour d’elle, alors qu’elle avance sur le tapis rouge en essayant de préserver les apparences, les photographes hurlent, la bouche monstrueusement déformés par leur avidité.

Deux exemples très parlants qui cristallisent la démarche d’un réalisateur en contradiction, totalement libre de ses mouvements, investi dans une entreprise de déconstruction d’un mythe réputé intouchable. Un film qui selon certains de ses détracteurs, salit Marilyn mais qui, en réalité, fait tout l’inverse.

En Bref…

Éprouvant et fascinant, passionnant et effrayant, cruel et viscéral, Blonde n’a rien du biopic académique. À la limite de l’expérimental pur mais jamais prétentieux, pleinement maîtrisé, magiquement réalisé et superbement écrit, le film profite aussi de la performance d’une Ana de Armas en état de grâce pour marquer durablement les esprits. Un vrai tour de force qui ne s’oublie pas.

@ Gilles Rolland

Blonde-Ana-de-armas
Crédits photos : Netflix
Par Gilles Rolland le 19 octobre 2022

Déposer un commentaire

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires