[CRITIQUE] BLUE ET COMPAGNIE
Titre original : If
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : John Krasinski
Distribution : Cailey Fleming, Ryan Reynolds, John Krasinski, Fiona Shaw, Bobby Moynihan…
Genre : Fantastique/Drame
Durée : 1h44
Date de sortie : 8 mai 2024
Le Pitch :
De passage chez sa grand-mère, qui vit dans un vieil immeuble de New York, la jeune Bea découvre l’existence des amis imaginaires grâce à son voisin, un dénommé Cal. Ce dernier, chargé de s’occuper des amis imaginaires délaissés par leurs enfants devenus trop âgés, décide ainsi de lui ouvrir les portes d’un univers fantastique, peuplé de personnages hauts en couleurs…
La Critique de Blue et Compagnie :
Réalisateur des deux premiers Sans un bruit, John Krasinski, le fameux Jim de la série culte The Office, a ainsi décidé de totalement changer de registre. Dans Blue et Compagnie où les monstres ne sont plus agressifs mais bel et bien gentils, et où il n’est donc plus du tout question de destruction mais au contraire, de reconstruction…
Monstres et Cie
Également au scénario, John Krasinski a élaboré une histoire étonnante axée sur une petite fille capable de voir les amis imaginaires. Un peu perdus sans leurs enfants, qui sont désormais trop grands pour faire appel à eux, ces gentils monstres sont placés sous la supervision d’un homme auréolé de mystère ayant trouvé refuge dans un appartement poussiéreux new-yorkais.
Étrangement, Blue et Compagnie ne tarde pas à convoquer de multiples références. Si le titre français renvoie à Monstres & Cie de Pixar, non sans un certain opportunisme, le film lui, rappelle plutôt Sixième Sens. Remplacez les fantômes que voit le gamin dans le film de M. Night Syamalan par de bienveillantes créatures et le tour est joué. Des créatures dont le design convoque aussi des références diverses, comme ce dragon tout droit sorti de Shrek.
Original, Krasinski, qui joue lui-même dans le film, ne cherche jamais vraiment à l’être. Pourtant, si Blue et Compagnie ne manque pas d’exploiter un univers et des concepts déjà vus ailleurs, son déroulement ainsi que la sincérité avec laquelle il a été façonné par son maître d’œuvre finissent par lui conférer une véritable singularité. Singularité d’autant plus appréciable qu’elle encourage l’émergence d’une émotion pour le moins redoutable.
Conte initiatique
Pur conte initiatique, sorte de version moins sombre du formidable Quelques minutes avant minuit de Juan Antonio Bayona, réflexion sur le passage à l’âge adulte et sur le deuil, Blue et Compagnie ne tarde pas, sous ses airs de divertissement inoffensif pour les enfants, à totalement transcender ses thématiques. Ainsi, au final, il se montre non seulement beaucoup plus profond et complexe que prévu mais aussi, et c’est logique, beaucoup plus intéressant.
Dès le début, John Krasinski annonce d’ailleurs la couleur et contredit les promesses de la bande-annonce. Une très bonne chose. Par la suite, Blue et Compagnie avance auréolé d’une douce mélancolie, quelque part entre le drame et le conte fantastique, avec beaucoup de tendresse pour ses personnages et pour son univers chatoyant. Au fil de regards, de non-dits et de répliques (« la vie n’a pas à être tout le temps amusante mais ça n’empêche pas d’essayer »), le long métrage dévoile sa vraie nature au risque de surprendre ceux qui n’étaient venus chercher qu’une fable sans conséquence.
Amis imaginaires, émotions véritables
Les amis imaginaires au centre de l’histoire agissent comme des révélateurs. Reliant les personnages à leur passé, rappelant des bons moments, mais aussi les instants de la vie où leur rôle a consisté à apporter un véritable soutien, les petits monstres aux designs rigolos ne sont jamais utilisés vainement par John Krasinski qui sait exploiter les moindres aspects de son brillant scénario pour arriver à ses fins.
Ainsi, quand le final survient, après plusieurs séquences riches en émotion, sa démarche prend tout son sens. Plus adulte que prévu, plus sombre aussi, Blue et Compagnie se dévoile alors comme une superbe proposition de cinéma en mesure de raisonner chez les petits mais aussi (et surtout) chez les grands (enfants).
Au centre du récit, la jeune Cailey Fleming, découverte dans The Walking Dead, où elle joue la fille de Rick Grimes, dévoile toute l’étendue de son extraordinaire talent. Dans la mesure, elle donne le ton d’un film au sein duquel Ryan Reynolds, pourtant passé pro dans l’art du cabotinage, trouve l’un de ses meilleurs rôles. Deux acteurs épaulés par la formidable Fiona Shaw et par des monstres attachants, qui contribuent à donner à cette superbe fable un côté résolument magique.
À noter que si sa mise en scène reste assez classique, John Krasinski, comme avec Sans un bruit, fait à nouveau preuve d’un solide savoir-faire, parfaitement raccord avec les intentions de son scénario, préférant les fulgurances discrètes aux grandes démonstrations de force.
En Bref…
Oubliez la promo qui a clairement suggéré que Blue et Compagnie était un film pour enfants. Véritable conte initiatique à la fois grave et léger, le cinquième long-métrage de John Krasinski est une magnifique proposition de cinéma. Un film extrêmement émouvant, beaucoup plus malin que prévu, qui sait de plus ménager ses effets pour mieux nous bouleverser.
@ Gilles Rolland