[Critique] BORAT 2
Titre original : Borat Subsequent Moviefilm: Delivery of Prodigious Bribe To American Regime For Make Benefit Once Glorious Nation of Kazakhstan
Rating:
Origine : États-Unis/Grande-Bretagne
Réalisateur : Jason Woliner
Distribution : Sacha Baron Cohen, Maria Bakalova, Irina Nowak, Mike Pence, Rudolph Giuliani…
Genre : Comédie/Suite
Durée : 1h36
Date de sortie : 23 octobre 2020 (Prime Video)
Le Pitch :
Fermement condamné par son gouvernement pour avoir couvert le Kazakhstan de ridicule lors de son premier voyage aux États-Unis, le journaliste Borat se voit accorder une seconde chance. Sa nouvelle mission : parvenir à approcher le vice-président Mike Pence afin de lui offrir sa fille en cadeau et ainsi le remercier lui et Donald Trump pour tous leurs bienfaits et pour leur gestion admirable de la crise sanitaire…
La Critique de Borat 2 :
Tourné dans le plus grand secret, la suite de Borat débarque sur Prime Video presque 16 ans jour pour jour après la sortie en salle du premier volet. Borat, le personnage star de Sacha Baron Cohen qui, à son époque, s’est imposé dans un long-métrage en forme de classique instantané de la comédie, conférant à son créateur une célébrité mondiale. Cohen qui depuis, a récidivé, se créant d’autres avatars, comme Brüno ou l’admiral-général Aladeen (du film The Dictator), soulignant à chaque fois les pires travers de notre société à travers le prisme d’un humour ultra décomplexé. Et si ses fans l’ont suivi dans tous ses délires, force est de reconnaître qu’aucun de ses autres alter-ego n’a su se hisser au même niveau de popularité que Borat. Le journaliste kazakh que Cohen a décidé de rameuter, à quelques jours des élections américaines, afin d’asséner un uppercut à l’Amérique de Trump pour mieux mettre en exergue ses perversions sectaires et autres dérives. Borat 2 dont les intentions viennent se placer dans le sillage de celles de la formidable série Who Is America ?, que Sacha Baron Cohen a produite en 2019 et dans laquelle il campait différents personnages, en immersion dans cette Amérique flippante qui vote Trump. En outre, Borat 2 est le premier film à sortir qui traite plus ou moins directement de la pandémie de Covid-19. Un métrage que Cohen a d’ailleurs tourné au début de la crise sanitaire, allant même jusqu’à se faire enfermer, en quarantaine avec deux rednecks pur jus, filmé en caméra cachée, contraint de ne jamais sortir de son personnage au risque de se faire démasquer.
Derrière les rires, la stupéfaction
La recette est toujours la même… Sacha Baron Cohen est Borat, un journaliste envoyé par le Kazakhstan, en mission en Amérique. Borat dont les travers, le racisme et la misogynie en premier lieu, font brutalement écho à la politique de Trump. Le personnage fonctionnant comme un miroir grossissant. Sauf qu’ici, pas besoin de véritablement forcer le trait. Les protagonistes (si on fait exception de quelques-uns), filmés à leur insu par Cohen et son équipe, s’avèrent tellement énormes, gangrenés par leurs idées malsaines, que Borat n’a absolument pas besoin de les pousser dans leurs deniers retranchements. Ce qui finalement, contrairement au Borat du premier volet, le contraint à s’adapter. D’où cette succession de déguisements que Cohen utilise pour infiltrer différents milieux, bien épaulé par l’actrice Maria Bakalova (la révélation du film), qui campe sa fille. Elle que Borat compte offrir en cadeau à Mike Pence, avant de se rabattre sur Rudy Giuliana, l’ex-maire de New York. Ainsi, ce deuxième volet se rapproche quand même beaucoup de Who Is America ?. La seule différence notable, c’est qu’ici, Cohen s’accroche à Borat et donc à cette trame scénarisée qui lie les sketchs en caméra cachée les uns aux autres. Une trame finalement assez lourde, qui, si elle n’amoindrit pas l’impact du propos du film, s’avère néanmoins assez pataude et finalement peu intéressante.
Borat vs. Trump
Beaucoup plus que Borat premier du nom, cette suite tient ainsi davantage du tract politique. Tous les points abordés ici étant relatifs à la politique de Trump, avec bien sûr la religion, la haine des étrangers, la misogynie donc, le sexisme, etc. Cohen choisissant ses cibles de manière à mettre à jour cette Amérique qui, pilotée par un homme hors de contrôle, ne cesse de se replier sur elle-même.
Ceux qui ont vu et apprécié Who Is America ? pourront ainsi trouver que Borat 2 joue sur la redite, n’apportant rien de vraiment nouveau. Le truc, c’est que malgré tout, et même s’il s’adresse finalement (et ne touchera de toute façon qu’eux) à ceux qui savent déjà tout ce qu’il montre, Borat 2 sait se montrer très drôle. La scène où le reporter emmène sa fille dans une clinique pour se renseigner sur l’avortement, quand les deux se livrent à une danse hardcore pendant un bal des débutantes ou encore quand ils piègent donc Giuliani, le spectacle est assuré. En pleine forme, habité d’une ferveur toujours aussi ardente, Sacha Baron Cohen ne recule devant rien. Quitte à un peu s’éloigner des fondamentaux du personnage et quitte donc à décevoir ses fans de la première heures qui ici, ne retrouveront pas vraiment le genre de scènes qui ont contribué à faire du premier Borat un film culte. L’Amérique a changé et Borat s’est adapté. De retour, il a néanmoins évolué. Il n’a pas perdu de sa verve mais est encore plus concerné qu’avant. Cohen semblant aussi d’ailleurs un peu se désintéresser du personnage en lui-même et donc des scènes scénarisées, pressé de passer aux séquences d’infiltration au sein desquelles il peut vraiment exprimer ce qu’il souhaite exprimer. Cela dit, il prend tout de même soin, de temps en temps, de jeter un os à ronger à ses fans, histoire de leur prouver qu’il ne les a pas oubliés. Il l’affirme d’ailleurs indirectement au tout début quand il débarque aux USA et que tout le monde le reconnaît. Impossible, dans l’Amérique d’aujourd’hui, de faire revenir Borat tel qu’on l’a connu. Il doit changer, se grimer, avancer masqué pour continuer à sévir. Ce dont Cohen semble se délecter. Paradoxalement, c’est aussi ce qui risque d’en décevoir plus d’un…
En Bref…
Regonflé à bloc, Borat est de retour pour souligner les travers de l’Amérique de Trump, dans un film assez inégal. D’un côté très drôle, hilarant parfois, courageux et édifiant, quand il condamne directement, sous couvert d’un humour franc du collier, il s’avère par contre plus fragile quand il nous raconte une histoire en forme de fil rouge, peu inspirée, mais qui, de toute façon, n’est là que pour lier les scènes de caméra cachée entre-elles. En cela, il n’est pas interdit de préférer la série Who Is America ?, qui elle, ne s’embarrassait pas d’artifices et allait directement à l’essentiel.
@ Gilles Rolland