[Critique] CAPTIVES
Titre original : The Captive
Rating:
Origine : Canada
Réalisateur : Atom Egoyan
Distribution : Ryan Reynolds, Rosario Dawson, Scott Speedman, Mireille Enos, Kevin Durand, Alexia Fast, Bruce Greenwood…
Genre : Thriller/Drame
Date de sortie : 7 janvier 2015
Le Pitch :
Cela fait déjà huit ans que la petite Cassandra a disparu, laissant ses parents dans un désarroi total. Alors que sa mère tente, sans succès, de continuer à maintenir un semblant de normalité, son père s’accroche à un espoir que beaucoup jugent malsain. Quand plusieurs indices suggèrent que Cassandra est peut-être toujours vivante, retenue quelque-part, l’enquête reprend…
La Critique :
La neige enveloppe les sentiments. Un homme et une femme ne communiquent presque plus, emmurés dans une prison de chagrin et de ressentiments, tandis que la neige et le froid offrent une toile de fond anxiogène à leur souffrance… Pour son nouveau film, Atom Egoyan a choisi de traiter un sujet très difficile. Une enfant se fait enlever, la police enquête et met à jour un réseau responsable des pires immondices, sans avoir le moindre indice quant à sa localisation. Pour se faire, le réalisateur canadien a cependant refusé de céder à tout sensationnalisme, probablement conscient que la pudeur s’imposait d’elle-même, et qu’une absence d’images chocs servirait de toute façon mieux le discours de son film. Dans Captives, tout est alors dans la suggestion. On devine la souffrance dans les regards et non dans les démonstrations des kidnappeurs.
Prenons par exemple le personnage incarné par Kevin Durand. Ce dernier n’est pas un type bourru et brutal. Imposant, il fait par contre preuve de manières tout à fait délicates et aime la culture. La double vie qu’il mène lui conférant une ambiguïté troublante, tant on devine derrière ces attitudes un poil surjouées (par le personnage et non pas par Kevin Durand, irréprochable dans le rôle) une façon un peu maladroite de chercher à camoufler des déviances bel et bien indicibles.
Jamais alors, Captives ne se fait violent dans ses images. Atom Egoyan n’est pas un réalisateur opportuniste dans le sens où il ne choisit jamais la facilité, ce qui n’exclue pas forcément des accentuations uniquement présentes pour faire monter le suspense et le stress d’un cran et ainsi faire progresser l’intrigue.
Sa mise en scène, plutôt douce, semble caler sa rythmique sur celle des flocons de neige qui tombent sur la tristesse de ces parents dévastés. Des personnages flottant au dessus de leur vie, étudiés à la loupe par un cinéaste pertinent car jamais intrusif. Idem quand on s’intéresse aux flics qui mènent l’enquête, même si, concernant ces derniers, la manœuvre semble un petit peu plus maladroite. Leurs réactions sont plutôt étranges, spécialement celles de Scott Speedman, qui n’hésite pas à d’emblée accuser le père d’avoir lui-même vendu sa fille à des pervers, sans preuve aucune. Rosario Dawson contrebalançant heureusement les méthodes de Speedman, par une pudeur bienvenue bien qu’assez maladroitement retranscrite à l’écran.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que finalement, la démarche d’Atom Egoyan, qui consiste donc a prendre son temps et à marcher sur des œufs, ne paye que 70% du temps. Le fait d’avoir opté pour un récit se déroulant sur deux espaces temps renforçant ce déséquilibre dommageable, tant certains protagonistes (les flics) ne font guère preuve d’une énergie folle, si on fait exception de l’ultime séquence les concernant, pour retrouver les coupables.
Maladroit, Captives l’est donc plus d’une fois, malgré ses bonnes intentions. La conséquence directe et de plomber un peu l’émotion et le suspense sans pour autant les anéantir complètement. Du coup, le film fonctionne globalement, mais pêche par un rythme et une intensité en dents de scie.
Heureusement les acteurs assurent. En particulier les parents, incarnés par Ryan Reynolds et Mireille Enos, ici bien plus convaincante que dans le Sabotage de David Ayer, dans lequel elle ne cessait d’en faire des caisses. Le premier est remarquable et reste celui qui tire le mieux son épingle du jeu. On ne le dira jamais assez, mais Reynolds semble enfin déterminé à sortir de sa zone de confort liée à son physique avantageux et c’est une très bonne nouvelle. La seconde traduit un enfermement croissant dans une détresse palpable et parvient à communiquer au spectateur une souffrance réelle. Alexia Fast est quant elle positivement troublante.
En face, chez les flics, Rosario Dawson fait le job, et Scott Speedman, de retour aux affaires, voit son personnage un peu plombé par une écriture trop approximative, malgré une bonne volonté manifeste. Kevin Durand, on le répète, incarne le mal avec une ambiguïté dérangeante, avec tout le talent qui le caractérise, lui qui est souvent relégué au second plan, malgré une acuité souvent remarquable, et un charisme résolument hors-norme.
Quoi qu’on en pense, il faut reconnaître à Captives, sa volonté de construire une atmosphère souhaitée immersive. Quelquefois ça marche et parfois moins. Egoyan n’évite pas les baisses de régime, au point de parfois faire place à l’ennui, même si en permanence, le malaise demeure. Peu à peu, loin des convenances, le cinéaste fait appel à l’interprétation du spectateur, quitte à tomber dans une complexité parfois un peu opaque. Il aborde plusieurs pistes de réflexion, que ce soit sur les violences faites aux enfants, sur le deuil, le chagrin, la parentalité, et même sur les nouvelles technologies, par le biais de la présence de nombreux écrans jouant un rôle primordial. Très éloigné de films comme 8mm, qui n’hésitent pas à tomber dans la démonstration opportuniste pour choquer par l’image le public, Captives se rapproche d’avantage d’œuvres plus pudiques mais paradoxalement plus marquantes, comme le Hardcore de Paul Schrader, qui reste ceci dit plus abouti et plus puissant, car finalement plus linéaire que cette enquête trop nébuleuse pour vraiment toucher au vif.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : ARP Sélection