[Critique] CARRIE, LA VENGEANCE
Titre original : Carrie
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Kimberly Peirce
Distribution : Chloë Grace Moretz, Julianne Moore, Judy Greer, Gabriella Wilde, Portia Doubleday, Alex Russell, Ansel Elgort…
Genre : Horreur/Épouvante/Drame/Remake/Adaptation
Date de sortie : 4 décembre 2013
Le Pitch :
Carrie n’est pas une jeune fille comme les autres. Timide, écrasée par une mère très pieuse, elle subit tous les jours de violentes brimades au lycée. Carrie peut aussi déplacer les objets par la seule force de la pensée. Le jour où le plus populaire garçon de sa classe l’invite au bal de fin d’année, Carrie croit tout d’abord à une sale blague visant à la ridiculiser une fois de plus. Pourtant, le bellâtre semble honnête et Carrie se laisser aller à croire en sa sincérité. Malheureusement, la blague cruelle dont elle va être victime ce soir-là va déchainer les pouvoirs qui viennent de faire leur apparition et qui, lorsqu’il sont animés par la colère, peuvent s’avérer destructeurs…
La Critique :
Stephen King a publié Carrie, son premier livre, en 1974. Le succès de cette métaphore sur la différence et le passage à l’âge adulte lança l’écrivain qui depuis, est devenu le Roi de l’épouvante que l’on connait et que l’on apprécie. Deux ans plus tard, Brian De Palma se frottait au best-seller et livrait une adaptation saisissante, portée par une Sissy Spacek parfaite en Carrie White, cette jeune fille persécutée et dotée d’un don de télékinésie. Il fallut attendre 1999 pour que le personnage ressurgisse au cinéma, dans une suite tardive, un peu à la ramasse et ô combien dispensable. Rebelote en 2002, avec Carrie, le téléfilm, au scénario co-écrit par Stephen King. Lui est carrément tombé dans l’oubli malgré des qualités évidentes et une interprète principale (Angela Bettis, née pour le rôle) parfaite. Des qualités qui font défaut à Carrie, la vengeance, la nouvelle et on l’espère dernière, incarnation cinématographique de l’héroïne revancharde.
Alors un conseil : lisez le bouquin de Stephen King, c’est un chef-d’œuvre. Si vous l’avez déjà lu, et bien vous pouvez le relire. Autre conseil : si vous ne l’avez jamais vu, procurez-vous Carrie au bal du diable de Brian De Palma et regardez-le, bien tranquillement. La nouvelle version n’apporte strictement rien et va par moment, jusqu’à desservir son récit, pourtant puissant. Jamais le film de Kimberley Peirce ne contredit sa condition de machine à fric opportuniste et jamais il ne parvient à justifier sa raison d’être. Déjà sur le papier, le projet encourageait un max de doutes et au final, ces doutes sont confirmés. Même si au fond, on a vu largement pire. Mais quand on se frotte à un classique, mieux vaut savoir où on va. Carrie 2013 elle, va droit dans le mur…
Il y a d’abord Chloë Grace Moretz. C’est triste à dire car cette actrice est vraiment douée. Que ce soit dans Kick-Ass où elle tabasse joyeusement les bad guys, dans Hugo Cabret ou encore dans Killing Fields, Chloë Moretz s’est toujours débrouillée pour tirer son épingle du jeu, même dans les cas les plus difficiles (comme récemment dans le catastrophique My Movie Project). Mais là, il y a un truc qui coince. Même si la déception n’est pas totale. Il faut relativiser. Dans les scènes où elle subit les moqueries de ses camarades et les attaques de sa fanatique de génitrice, Chloë assure. Quand elle fait bouger des trucs sans les toucher par contre, ce n’est pas la même chose. Là, elle se positionne à l’exact opposé de Sissy Spacek à laquelle on pense forcement et qui brillait par un jeu épuré bien plus viscéral que le festival de gestes grandiloquents et de mimiques plus ou moins ridicules auquel se livre Chloë Moretz. Une tendance qui trouve son point d’orgue à partir du moment où Carrie se déchaîne et c’est regrettable. De plus, l’actrice est beaucoup trop jolie pour le rôle. Cela peut paraître déplacé de dire ça, mais on y croit pas. Certes mal fagotée avec ses vêtements de mormone, la jeune fille garde un charisme indéniable et ne ressemble jamais vraiment au vilain petit canard que Sissy Spacek était parvenu, là encore en ne forçant jamais le trait, à incarner dans le film de De Palma.
En face, dans l’autre rôle phare, celui de la mère, Julianne Moore fait le job. Elle force un peu le trait mais globalement, elle arrive à retranscrire avec justesse la folie de son personnage, y-compris dans les quelques situations bien borderline dans lesquelles elle se retrouve.
Kimberly Peirce et le scénario, écrit à deux mains, sont aussi bien sûr pour beaucoup dans la tenue bancale de cette entreprise vouée à l’échec.
Ce n’est pourtant pas la première fois que la réalisatrice touche au sujet. Boy’s don’t cry traitait aussi de la différence et de la difficulté à l’accepter. Avec Carrie, Kimberley Peirce n’arrive jamais à imposer la personnalité qui avait fait de son premier film l’un des sommets de l’année 1999. C’est bien simple, elle en fait des caisses et tout en essayant de se démarquer du style de De Palma ne cesse de s’y calquer. Mais le vrai fautif, c’est bien le scénario. Comme pour justifier la démarche du film, la réalisatrice suit le cahier des charges de ses patrons. Il faut que ça en jette. Que ça explose. Que Carrie fende la route en deux. Il faut du ralenti, des plans multiples sous divers angles et des cris dans tous les sens. Il faut que le sang coule, gicle et que des trucs explosent. En gros, il faut que ce remake, annoncé comme une relecture, montre tout ce que De Palma ne pouvait pas montrer en 1976 quand la technique ne le permettait pas. Mais De Palma n’en avait rien à faire des effets-spéciaux, car lui il avait le talent et l’intégrité de son côté. L’histoire de Carrie ne requiert pas forcement de débauche pyrotechnique. À cause de ce déferlement, qui débute véritablement lors de LA scène clé du film, ici complètement foirée, le film se voit vidé de sa poésie et la réflexion en prend un sale coup dans l’aile, alors que fondamentalement, la mise en scène n’est pas catastrophique sur un plan purement technique. Certains plans possèdent même une certaine flamboyance, c’est dire. Mais rien n’y fait puisque les intentions gangrènent les racines du long-métrages.
La dernière réplique va dans ce sens, en enfonçant bêtement une porte ouverte. Idem pour le dernier plan, putassier comme c’est pas permis, qui rappelle que Carrie, la vengeance n’est rien d’autre qu’un remake de plus pour un public peu regardant.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Sony Pictures Releasing France