[Critique] COLONIA
Titre original : Colonia
Rating:
Origines : Luxembourg/Allemagne/France
Réalisateur : Florian Gallenberger
Distribution : Emma Watson, Daniel Brülh, Michael Nyqvist, Richenda Carey, Vicky Krieps…
Genre : Drame/Thriller
Date de sortie : 20 juillet 2017
Le Pitch :
Lena, une hôtesse de l’air, débarque au Chili où elle retrouve son petit-ami Daniel, un photographe impliqué dans le mouvement révolutionnaire. Alors qu’il profite du congés de Lena, le couple assiste impuissant au coup d’état du Général Pinochet. Daniel est vite pris à parti et emmené à la Colonia Dignidad, une prison isolée dirigée par un ancien nazi. Pour le retrouver, Lena décide de se faire passer pour une religieuse et d’intégrer la colonie, sans prendre la mesure de ce qui l’attend véritablement…
La Critique :
Réalisateur allemand connu pour avoir mis en scène des films comme John Rabe et Tour de Force, Florian Gallenberger a tenu ici à aborder un sujet méconnu de la douloureuse Histoire du Chili, à savoir celle de la Colonia Dignidad, un camp d’enfermement où étaient entre autres retenus tous les opposants au régime de Pinochet. Une prison dirigée de main de fer par Paul Schäfer, un fanatique adepte des sévices les plus abjects qu’il faisait subir aux plus jeunes occupants de ce qui ressemblait en tous points à une secte des plus malsaines. Un thème douloureux et complexe donc, que le cinéaste illustre au travers de la romance d’une hôtesse de l’air et d’un ressortissant allemand. Un parti-pris risqué tant souvent, la « fausse » histoire a tendance à faire de l’ombre à la vraie, qui peut pâtir d’une patine trop romanesque pour véritablement toucher au vif.
Si Gallenberger, qui a par ailleurs également participé à l’écriture du scénario, n’évite pas quelques clichés, il s’en sort globalement très bien, se payant même le luxe de venir parfois flirter avec les codes chers aux films de genre.
Colonia débute ainsi dans un climat difficile mais la love story qu’il introduit rapidement amène un peu de légèreté. Emma Watson et Daniel Brühl incarnent deux amoureux transis, pris en étau au sein d’une révolution perdue d’avance contre l’un des pires dictateurs du monde moderne. L’innocence de leurs sentiments est ainsi amenée à souffrir tandis que l’un des deux est déporté. Le moment pour le film de rentrer véritablement dans le vif du sujet et de commencer à relater des faits, sans pour autant perdre de vue sa thématique centrale. Les personnages, en particulier celui d’Emma Watson, permettent au spectateur de pénétrer dans le colonie. Nous découvrons le lieu et les méthodes qui le régissent à travers les yeux de Lena, cette jeune hôtesse de l’air parachutée de son plein grès au cœur d’un enfer retranscrit avec force et conviction. Sa quête, dans un premier temps, est presque secondaire tant le réalisateur s’attache à décrire la Colonia Dignidad. Le climat est oppressant, tout comme cette vive sensation d’enfermement. On sent petit à petit les mâchoires de cette machinerie de mort se refermer sur l’héroïne qui malgré tout, ne lâche rien. À l’écran, le résultat captive. Sans artifices, Gallenberger parvient à nous immerger afin de nous faire prendre conscience de la gravité de ce qui se déroulait à l’époque dans ce lieu. Emma Watson quant à elle, incarne une détresse sourde et une détermination marquée sans tomber dans l’excès, avec la sensibilité qui caractérise son jeu. Son implication dans ce personnage fort, est totale.
Bien sûr, une fois le contexte posé, l’histoire de Lena et Daniel reprend peu à peu ses droits. Mais comme c’est par son biais que Colonia dispense un suspense très efficace, ce n’est pas du tout un problème. Encore une fois, l’aspect fictif ne fait jamais de l’ombre à la part de réalité du scénario. Le premier se nourrit de l’autre tout en lui apportant un éclairage porteur d’une émotion salvatrice. C’est la lueur qui permet à la fois aux protagonistes de tenir mais aussi au spectateur de s’identifier.
Cela dit, le premier mérite de cette œuvre est de s’intéresser à ce tragique épisode dont on ne connaissait rien (ou si peu). Rien que pour cela, il devait exister. Le fait qu’il le fasse bien est un plus non négligeable.
Ainsi, dans son dernier tiers, Colonia s’avère de plus en plus enlevé. Sa rythmique se fait plus implacable et si à nouveau le scénario n’évite pas les clichés, il sait aussi souvent les plier à sa volonté pour ne pas sombrer. Les acteurs font le reste. Emma Watson donc, parfaite, fragile et forte à la fois, superbe, et Daniel Brühl, impeccable de mesure alors que son rôle aurait pu appeler quelques excès. En face, dans la peau de l’ignoble Paul Schäfer, Michael Nyqvist livre une performance glaçante, lui aussi en tablant sur une économie de moyens pertinente. Ensemble, ces trois comédiens, épaulés par de solides seconds couteaux, contribuent à faire de Colonia un film coup de poing. Peut-être pas de ceux qui laissent K.O pour le compte, mais assurément de ceux qui sonnent suffisamment longtemps pour qu’on s’en souviennent.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Rezo Films