[CRITIQUE] ELVIS
Titre original : Elvis
Rating:
Origines : États-Unis/Australie
Réalisateur : Baz Luhrmann
Distribution : Austin Butler, Tom Hanks, Helen Thomson, Richard Roxburgh, Luke Bracey, David Wenham, Kodi Smit-McPhee, Olivia DeJonge, Xavier Samuel, Dacre Montgomery…
Genre : Biopic/Drame
Durée : 2h49
Date de sortie : 22 juin 2022
Le Pitch :
Quand le Colonel Parker, un organisateur de spectacles, voit pour la première fois le jeune Elvis Presley sur scène, c’est la révélation. Pour l’ancien homme de cirque, le musicien a le pouvoir de tout changer et de lui apporter richesse et gloire. Grâce à ses relations, prêt à toutes les manigances, Parker exploite le talent hors-normes d’Elvis et ne tarde pas à le transformer en super star. Elvis qui va peu à peu subir le poids de cette relation mais aussi les conséquences du statut d’icône du rock and roll…
La Critique d’Elvis :
Baz Luhrmann est un homme de spectacle. Son cinéma est éblouissant, clinquant, tonitruant, explosif et outrancier. Il était presque logique que tôt ou tard sa route croise celle d’Elvis Presley, la plus grande rock star de tous les temps. Un performer hors norme qui, assez curieusement, n’avait jamais eu droit à son propre film de cinéma. Ce qui ne veut pas dire qu’Elvis n’avait jamais fait l’objet d’un biopic. John Carpenter avait offert au King un remarquable hommage, avec Le Roman d’Elvis, pour la télévision, avec Kurt Russell dans le rôle titre.
Il y avait eu aussi ce téléfilm plutôt réussi mais trop sage avec Jonathan Rhys-Meyers et bien sûr, Elvis est apparu à de multiples reprises dans des films, en second plan ou dans des contextes pour le moins orignaux (souvenez-vous le génial Bubba Ho-Tep avec Bruce Campbell). Mais contrairement à Johnny Cash ou Jerry Lee Lewis, deux de ses compagnons d’armes de l’époque bénie du rock and roll, jamais Elvis Presley n’avait eu droit à son biopic sur le grand écran. C’est désormais chose faite et force est de reconnaître que le réalisateur de Moulin Rouge n’y a pas été avec le dos de la cuillère.
It’s Now or Never
Elvis, le film, commence sur des chapeaux de roues. Luhrmann adopte d’emblée le point de vue du Colonel Parker, le légendaire impresario du King, ici joué par un Tom Hanks parfait, recouvert de prothèses faciales. Le montage est rapide. Trop rapide diront certains. La musique est partout, Luhrmann en fait des tonnes, ajoute des couches et des couches, multiples les audaces visuelles comme un Michael Bay sous acide, effectue des allers-retours dans le temps et nous gratifie même d’un passage en bande dessinée. Comme pour tenir à distance les clichés et les codes propres aux biopics, le réalisateur australien ne se pose jamais.
Burning Love
Malgré cette démonstration de force technique, le récit s’avère des plus fluides. Surtout si on connaît l’histoire d’Elvis, ou en tout cas les grandes lignes. La naissance à Tupelo, marquée par une tragédie, la première d’une longue série, la révélation chez Sun Records, la maison de disque de Sam Phillips, le concert qui a tout changé avec le Colonel Parker dans les coulisses prêt à fondre sur le King comme un oiseau de proie affamé, les scandales, l’argent, la gloire, le sexe, la mort, la fatigue et encore la scène, toujours. La première moitié d’Elvis ressemble à un sprint et a de quoi impressionner, ou épuiser. Tout dépend de notre degré d’attachement au style Luhrmann qui ici, s’exprime dans toute sa splendeur. Le cinéaste se permet même de retoucher les tubes d’Elvis Presley, en incluant dans la bande originale des sonorités anachroniques, avec du rap et autres joyeusetés que les puristes du King (comme l’auteur de ces lignes) ne manqueront pas de considérer comme de véritables sacrilèges. Cependant, si cette longue introduction a de quoi dérouter et diviser, le film continue plein pot sur sa lancée et finit par dévoiler ses cartes pour totalement emporter la mise.
Suspicious Mind
Baz Luhrmann a donc opté pour une approche contemporaine pour rompre avec des films plus traditionnels comme Walk the Line. Et en effet, le sujet, Elvis Presley en lui-même, s’y prête assez bien. Pour autant, si la démarche a du sens, y compris quand Luhrmann convoque donc du rap pour souligner le parallèle entre Elvis, un Blanc qui joue de la musique de Noirs, proche de la scène rythm and blues, à une époque marquée par le racisme de certaines autorités, et le rap qui aujourd’hui, blanc ou noir, s’impose comme l’une des premières musiques contestataires, la forme peut gêner. Mais ce n’est pas vraiment un problème car petit à petit, Elvis Presley gagne du terrain et finit par inciter Baz Luhrmann à calmer le jeu pour se recentrer sur des choses plus intimes, plus profondes et forcément plus intéressantes. Dès que Luhrmann laisse un peu de côté les apparats et fait retomber la pression, au moment du récit où le King commence à ressentir les effets secondaires de la célébrité et où la stratégie du Colonel Parker laisse apparaître son côté perfide, le film se fait plus émouvant et viscéral. Il n’est pas interdit de trouver cette seconde partie plus intéressante. Coup de chance, elle est plus longue que la première et conduit à une conclusion incroyable à plus d’un titre, avec chair de poule, larmes et tout le package compris dans le prix du ticket.
That’s All Right
Mais au-delà des artifices, des remixs parfois discutables et m’as-tu-vu des hits du King, Elvis est un vibrant hommage au génie de ce performer absolument extraordinaire. Presley qui ici, est interprété par un acteur stupéfiant. Austin Butler, c’est donc son nom, inconnu au bataillon jusqu’à maintenant, semble être né pour incarner l’enfant prodige de Tupelo. Physiquement, Butler a tout d’Elvis. Il a aussi la même voix et bouge comme lui. Parfois, surtout à fin, et plus généralement quand Luhrman mélange avec une virtuosité indéniable images d’archives et images filmées, le vrai Elvis et celui de Butler se confondent de manière troublante. Le comédien vampirise tout. On ne voit que lui. Quand il rend justice au jeu de scène du King, quand il expose ses fêlures et évite miraculeusement de tomber dans la caricature, il est parfait. Un monstre totalement au service du King, de son talent, de son charisme et de sa propension à attirer la lumière, au point de faire de l’ombre au soleil lui-même. Rien que pour Austin Butler, Elvis est à voir. Rien que pour lui, Elvis, est remarquable. Même si, vous l’aurez compris, le film a beaucoup plus à offrir, quitte à parfois trop en faire. Difficile néanmoins de ne pas comprendre la démarche de Baz Luhrmann. Son long-métrage est une interprétation de la vie d’Elvis. Avec tout ce que cela sous-entend de choix et de subjectivité. Un film marqué par des prises de risque, par un amour pour son sujet et par des choix, certes parfois discutables mais toujours justifiés.
En Bref…
Parfois trop frénétique pour son propre bien, marqué par des choix discutables, comme quand il maquille inutilement les morceaux phares du King, ce flamboyant biopic porte la marque de son réalisateur. Pourtant, quand vient la deuxième partie, Elvis se pose et devient plus sobre. C’est aussi là qu’il est le plus touchant et que la performance hallucinante d’Austin Butler prend toute son ampleur.
@ Gilles Rolland
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