[CRITIQUE] FERRARI
Titre original : Ferrari
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Michael Mann
Distribution : Adam Driver, Penélope Cruz, Shailene Woodley, Sarah Gadon, Jack O’Connell, Patrick Dempsey…
Genre : Biopic/Drame/Adaptation
Durée : 2h10
Date de sortie : 8 mars 2024 (Prime Video)
Le Pitch :
En 1957, la firme italienne Ferrari, qui existe depuis une dizaine d’années, bat de l’aile.Une seule solution pour son créateur Enzo Ferrari : remporter la Mille Miglia, une course à travers l’Italie qui pourrait lui permettre d’imposer définitivement sa marque et laisser la concurrence sur le bas-côté. Enzo Ferrarri qui mène ce combat envers et contre une vie privée chaotique…
La Critique de Ferrari :
Déjà à la production sur le remarquable Le Mans 66 de James Mangold, Michael Mann a enfin réussi à concrétiser le projet d’un biopic d’Enzo Ferrari, basé sur le libre de Brock Yates, Enzo Ferrari – The Man and the Machine, après plusieurs années de rendez-vous manqués.
Marqué par l’échec au box office de Hacker, Mann a donc dû ramer à contre-courant jusqu’à aujourd’hui, où, repêché par Amazon, son film a enfin pu voir le jour. Un biopic pas vraiment comme les autres, qui, au lieu de prétendre raconter toute la vie de son sujet, préfère se focaliser sur l’année 1957 qui, de bien des manières, fut déterminante pour la prestigieuse marque au cheval cabré.
Pied au plancher
Ferrari commence alors qu’Enzo Ferrari prend le volant. Quelques minutes suffisent pour apporter la preuve indéniable que Michael Mann n’a pas perdu la main. Sa caméra capte tous les mouvements de Ferrari alors qu’il manœuvre son bolide sur les routes de campagne. Le montage est précis et nerveux, révélant qu’avant d’être un redoutable concepteur de voitures de sport, Ferrari était lui-même pilote. Néanmoins, rapidement, le moteur du film descend dans les tours…
Plutôt que de se focaliser exclusivement sur l’aspect automobile de son histoire, Mann choisit de rester concentré sur les personnages et sur Enzo Ferrari en particulier. Un homme dont il ne tarde pas à montrer les fêlures lui qui se rend tous les matins sur la tombe de son fils, qu’il ne cesse de pleurer, avant de redevenir un personnage public en apparence froid et impitoyable. Une sommité du sport automobile épaulé par Laura, son épouse, elle aussi très impliquée dans l’entreprise familiale, de laquelle il ne parvient pas à se séparer, quand bien même il s’est engagé avec Lina, une autre femme avec laquelle il a eu un enfant.
Vrai-faux biopic
La mort semble roder en permanence autour d’Enzo Ferrari. En 1957, les courses automobiles font de nombreuses victimes. Le film exploitant cet aspect des choses pour rendre l’histoire encore plus sombre. Les pilotes ont fréquemment des accidents, ils écrivent tous des lettres à leurs proches avant chaque course et tous sont impliqués, de leur plein grès, dans une dynamique qui inclut la possibilité d’y rester. Ferrari pour sa part, porte un deuil impossible, essayant tout de même d’entrevoir l’avenir avec sérénité, alors que son mariage tombe en ruine et que sa réputation est sur la sellette.
Un homme aux abois
Plus qu’un biopic en bonne et due forme, Michael Mann nous livre le portrait, ou plutôt l’instantané d’un homme pris en étau entre plusieurs problématiques. Un personnage résilient qui se repose sur des femmes -son épouse, sa maîtresse et sa mère- qui ensemble lui permettent de rester à flot, quitte à en pâtir elles-mêmes, en raison de l’ombre écrasante que projette celui dont la célébrité et le statut font finalement plus de mal que de bien.
Aux plus proche de ses personnages, qu’il sait filmer de telle manière à mettre en exergue leurs fêlures, se refusant à les glorifier (y compris Enzo Ferrari), Michael Man met toute la pertinence de sa mise en scène à profit pour raconter son histoire avec une grande justesse. Le réalisateur qui pour autant, ne s’interdit pas de nous offrir des séquences à couper le souffle, sur la route, en particulier à la fin, quand les pilotes de l’écurie Ferrari se lancent dans la course déterminante.
Une course marquée par un terrifiant accident que Michael Mann parvient à reconstituer à l’écran, sans trop en faire, toujours dans l’équilibre, pour au final le rendre d’autant plus marquant. Une conclusion qui achève de faire de ce film un drame viscéral qui jamais n’embrasse vraiment les codes du biopic mais qui sait explorer toutes les facettes de son récit et de celles et ceux qui l’habitent.
Course à la mort
D’une très grande délicatesse, élégante au possible, la réalisation de Mann souligne la puissance du jeu d’Adam Driver, parfait dans le costume d’Enzo Ferrari. Un acteur mesuré, taillé pour le rôle, qui donne la réplique à une Penélope Cruz qui prouve si besoin était qu’elle sait tout faire. Mention également à la toujours impeccable Shailene Woodley, qui, avec une poignée d’autres seconds rôles prestigieux, contribue à conférer une bonne partie de sa classe à ce long-métrage audacieux au possible, sur le fond et la forme.
En Bref…
En tournant le dos aux codes les plus éculés du biopic hollywoodien, Michael Mann s’empare de son sujet avec beaucoup de pertinence dans un film élégant et sobre, qui sait néanmoins monter dans les tours quand les circonstances l’exigent.
@ Gilles Rolland