[Critique] HHhH

CRITIQUES | 13 juin 2017 | Aucun commentaire
HHhH-poster

Rating: ★★★★☆

Origine : France
Réalisateur : Cédric Jimenez
Distribution : Jason Clarke, Rosamund Pike, Jack O’ Connell, Jack Reynor, Mia Wasikowska, Stephen Graham, Thomas M. Wright, Enzo Cilenti, Geoff Bell, Volker Bruch, Gilles Lellouche, Céline Sallette, Vernon Dobtcheff…
Genre : Drame/ Guerre/Thriller/Adaptation
Date de sortie : 7 juin 2017

Le Pitch :
Tout juste déchu de la Marine, Reinhard Heydrich rencontre Lina. Elle le convertit au nazisme et le présente à Himmler. Heydrich grimpe très vite les échelons du parti pour devenir l’un des hommes les plus dangereux du régime et se voit confier la conception de la solution finale. Face à lui, Jan Kubiš et Jozef Gabčík sont déterminés à l’éliminer. Le 27 mai 1942, le destin d’Heydrich, Kubiš et Gabčík bascule…

La Critique de HHhH :

Adaptation du premier roman de Laurent Binet, prix Goncourt du premier roman et salué par le New York Times, HhhH avait tout du pari risqué. Surtout compte tenu de son sujet, plutôt casse-gueule à souhait. Un pari que Cédric Jimenez a remporté avec brio.

 

Le chant des sieg heil

Derrière le mystérieux titre HHhH se cache le surnom de Heydrich, Himmlers Hirn heißt Heydrich, ce qui veut dire « Le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich ». Ce qui pose un peu le personnage. Officier gradé de la Marine allemande déchu pour avoir, hors mariage, fait visiter son lit à la fille d’un général, il rencontre Lisa qui le convertit au nazisme. À l’époque, l’Allemagne est exsangue et la vieille aristocratie nostalgique de son train de vie d’antan voit en Hitler un homme providentiel. Lorsque le NSDAP est au pouvoir, Heydrich grimpe très vite les échelons. Surnommé l’homme qui a un cœur de fer par le führer, il est réputé pour ses compétences dans le domaine du renseignement, son sens de l’observation, son intelligence et son absence totale de pitié. Durant toute la première partie, HHhH démontre très bien et sans distance l’ascension de Heydrich avec en filigrane le contexte général ainsi que plusieurs exactions comme par exemple la Nuit des Longs Couteaux qui a vu la purge des SA par les SS. On voit aussi l’homme sur le plan privé, sa soif inextinguible de pouvoir et de contrôle, son perfectionnisme et son côté patriarcal une fois qu’il a obtenu des postes à responsabilités. Durant toute cette partie, le film aurait pu être plombant ou ennuyeux mais il s’avère au contraire instructif et très intéressant. Ce qu’on doit notamment à la partition effrayante de Jason Clarke (Terminator : Genisys, Everest), monstrueux de charisme, investi dans son rôle, à la hauteur de l’enjeu, n’en déplaise aux esprits chagrins qui hurlent à l’hérésie qu’un Allemand soit joué en langue de Shakespeare par un Australien. Face à un personnage qui prend autant de place, difficile pour les autres acteurs d’exister. Pourtant, la deuxième partie permet de rétablir l’équilibre.

Medal of Honor : Resistance

Cédric Jimenez a eu l’intelligence de faire plusieurs films en un seul, et la bipolarité de HHhH en fait toute son originalité. Prenant place après l’attentat contre Heydrich, cette deuxième partie permet de faire connaissance avec les jeunes soldats Jan Kubiš et Jozef Gabčík. Le film historique se mue alors mélange de thriller et d’action, multipliant les gunfights et distillant un suspense à couper au couteau. Une deuxième partie plus bourrine qui intervient un peu tard, ce qui a pour effet d’amorcer et de laisser en surface des intrigues secondaires, et aussi de ne pas assez développer des personnages pourtant incarnés par des acteurs à haut potentiel. Si le fait que le rôle tenu par l’excellente Rosamund Pike manque de substance, ce n’est que pour refléter la mentalité patriarcale de l’époque. En revanche, pour des acteurs comme Jack O’ Connell (Les Poings Contre les Murs) et Jack Reynor (Sing Street), c’est plutôt dommage. Pour ça, HHhH aurait gagné à avoir moins de longueurs dans la première partie. Ce défaut, Jimenez le compense par le rythme. La partie thriller ne connaît pas de baisse de régime, la tension ne se repose jamais et le final fait parler la poudre avec efficacité.
Cette bonne gestion du rythme, on la doit au montage de Chris Dickens (qu’on a vu à l’œuvre dans Shaun of the Dead, Hot Fuzz ou encore Slumdog Millionnaire), que ce soit ses transitions millimétrées ou ses enchaînements audacieux. De son côté, la réalisation de Cédric Jimenez (couplé à une photo magnifique) est impeccable. Responsable du scénario (apparemment, il y en a un) de l’horrible Scorpion (il n’est pas le seul coupable, on peut mettre le réalisateur et l’acteur principal sur le banc des accusés) et réalisateur du peu notable La French, Jimenez n’était pas le nom le plus rassurant pour une telle entreprise. Au final, il fait taire ses détracteurs. Sa réalisation est léchée, il sait très bien manier sa caméra, multiplie les effets mais ne tombe pas dans le piège de la forme qui l’emporte sur le fond, du trop esthétique ou du prétentieux. Il fait aussi ressortir le meilleur de ses acteurs pour coller au mieux à leur rôle. Au final, on se retrouve avec une authentique réussite sur plusieurs tableaux.

En Bref…
HHhH est un film imparfait mais réjouissant. Bipolaire, il pêche dans l’équilibre de ses parties et l’exploitation de ses rôles principaux. Mais ces défauts, qui empêchent un très bon film d’être un grand film, ne sont pas rédhibitoires eu égard à la qualité générale du tout. Les acteurs sont tous excellents, que ce soit le magistral Jason Clarke ou les petits rôles comme Stephen Graham, et les français Gilles Lellouche et Céline Sallette. Sombre, violent, dur parfois et très rythmé dans sa deuxième partie, HHhH est un film viscéral comme on n’en fait plus en France. Quand le cinéma français ne tombe pas dans le piège du prétentieux, de l’ennuyeux, du démago, du revival Nouvelle Vague ou du beauf, il peut accoucher de telles œuvres. Jimenez rattrape ses erreurs passées et livre un des films hexagonaux les plus réussis de ces quinze dernières années.

@ Nicolas Cambon

HHhH-Jason-Clarke-Rosamund-Pike  Crédits photos : Mars Films

Par Nicolas Cambon le 13 juin 2017

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