[CRITIQUE] IRON CLAW

CRITIQUES | 25 janvier 2024 | Aucun commentaire
Iron Claw poster

Titre original : The Iron Claw

Rating: ★★★★★

Origne : États-Unis/Royaume-Uni

Réalisateur : Sean Durkin

Distribution : Zac Efron, Jeremy Allen White, Harris Dickinson, Holt McCallany, Lily James, Maura Tierney, Stanley Simons…

Genre : Drame/Biopic

Durée : 2h12

Date de sortie : 24 janvier 2024

Le Pitch :

Dans les années 1960 aux États-Unis, Fritz Von Erich tente par tous les moyens de décrocher le titre de champion du monde des poids lourds de catch, sans succès. Alors que son âge le force à se retirer, il fonde tous ses espoirs sur ses fils, qu’il va propulser sur les rings pour finalement faire de sa famille l’une des plus importantes dans l’histoire du catch. Une famille qui va devoir affronter de multiples tragédies. Histoire vraie…

La Critique de Iron Claw :

Le titre du nouveau film de Sean Durkin (Martha Marcy May Marlene) fait référence à la prise signature du catcheur Fritz Von Erich, qui consiste à serrer la tête de l’adversaire d’une seule main afin de le soumettre et d’éventuellement l’amener à abandonner le combat. Un mouvement que Fritz, un champion contrarié de n’avoir jamais pu ramener chez lui le titre suprême de champion du monde, transmet à ses quatre fils, eux-mêmes propulsés presque malgré eux sur le ring.

L’histoire des Von Erich fait partie des plus tragiques de l’histoire du catch. Plutôt méconnus en France, les champions sont en revanche parvenus à imposer leur nom aux États-Unis, où ils sont régulièrement cités par les cadors d’aujourd’hui, telles des références. Une histoire marquée par ce que certains ne se sont pas privés de qualifier de malédiction, que Sean Durkin raconte aujourd’hui dans un film absolument prodigieux.

Une famille sur le ring

Véritable dynastie du catch, les Von Erich ont fait trembler les rings pendant de nombreuses années, alors que dans leurs existences s’accumulaient les coups du sort et les tragédies. Iron Claw fait partie de ces films devant lesquels il est légitime de se dire « si ce n’était pas vrai, ce serait trop ».

Emmenés par un père despotique, qui n’hésite pas à les classer par ordre de préférence afin de les pousser à se surpasser, Kerry, Kevin, David et Mike Von Erich n’ont jamais eu d’autre choix que de lui obéir. Kevin, l’aîné, campé par un Zac Efron impressionnant de justesse, qui s’oublie (positivement) complètement dans son rôle (celui d’une vie), est le plus docile.

Montagne de muscles atrophiés, semblant souffrir dès le réveil, perclus de douleurs dues à des entraînements trop intensifs et à des matchs durant lesquels il ne s’épargne pas, semblant se punir lui-même pour manquer de ce désir de s’affranchir de son père, Kevin est lancé dans une course au titre pour tenter de conjurer la supposée malédiction qui touche son clan depuis que son père a mis le pied sur un ring. Plus à l’aise mais finalement tout aussi soumis, David (formidable Harris Dickinson) se jette lui aussi à corps perdu dans la bataille, alors que Kerry (incroyable Jeremy Allen White de la série The Bear) rejoint l’équipe après avoir échoué à représenter son pays lors des Jeux Olympiques de Moscou (ceux auxquels les États-Unis refusèrent de participer) pour finalement permettre au paternel de multiplier ses chances d’enfin imposer son nom dans la légende du catch.

Lily-James-Iron-Claw
Lily James, le rayon de soleil d’Iron Claw. Tous droits réservés : A24/BBC Films/Metropolitan Filmexport

Drame guerrier

À l’instar de The Wrestler ou même de Warrior, Iron Claw se sert du sport, du catch en l’occurrence, pour orchestrer la déliquescence d’une famille. Car c’est bien de cela dont il s’agit. D’une famille qui fait face aux épreuves trop dures d’une vie qui frappe sans cesse plus fort que n’importe quel adversaire sur le ring. Contraints d’eux-mêmes s’affronter en dehors de l’arène pour avoir le privilège de faire l’objet d’une fierté paternelle finalement impossible car profondément biaisée, les frères parviennent contre toute attente à rester soudés. Ils s’entraident, conscients qu’ils sont seuls au monde, isolés dans le ranch familial où règne une autorité dont il est difficile de s’extraire, s’entraident et s’offrent de rares moments d’insouciance, avant d’être vite rattrapés par les tragédies qui inlassablement s’abattent sur eux.

Sean Durkin continue ici de raconter l’explosion de la cellule familiale, comme il l’a fait dans son remarquable premier film (Martha Marcy May Marlene). Avec précision, armé d’une caméra qu’il sait exploiter pour capter l’indicible, entre regards affligés et gestes d’amour, il choisit d’adopter le point de vue de Kevin, le personnage de Zac Efron, qu’il place au centre de tout. Kevin le bon fils. L’acteur et le spectateur d’une tragédie qui, en dehors du ring, le rend impuissant, malgré ses muscles, malgré ses victoires et malgré cette volonté de toujours contenter un père impossible à satisfaire.

Le père d’ailleurs, est ici incarné par le magnétique Holt McCallany (la série Mindhunter), avec une justesse étonnante, lui qui parvient à jouer sur les nuances pour à la fois traduire la soif de reconnaissance de son personnage, l’amour qu’il ressent néanmoins pour sa famille et la façon, perverse et paradoxale qu’il a d’exprimer celui-ci.

À ses côtés, Maura Tierney (la série Urgences), excelle dans le rôle de la mère Von Erich. Une femme dévote, garante de la foie qu’elle a toujours inculquée aux siens, mais distante quand il s’agit d’apporter du soutien à ses enfants, placés d’office sous l’autorité du père. Un personnage ambigu et très important dans la dynamique du film, au même titre que celui joué par l’incontournable Lily James, à savoir Pam, la fiancée de Kevin. L’un des rares rayons de soleil de sa vie et en même temps son échappatoire de la prison dans laquelle on l’a enfermé depuis sa naissance, quand son sort était déjà scellé dans l’esprit d’un paternel en quête de reconnaissance.

Soumission émotionnelle

Loin de se réfugier derrière les codes maintenant un peu usés du cinéma américain indépendant typique, Sean Durkin parvient sans cesse à trouver le ton juste. Également à l’écriture, il effectue une série de choix judicieux pour à la fois mettre en valeur ses personnages mais aussi leurs espérances et leurs nombreuses souffrances.

Filmant de près les visages puis prenant parfois plus de distance, il évolue sur la corde raide, se risquant même parfois à des audaces qui en auraient conduit d’autres à se fourvoyer mais qui ici s’avèrent systématiquement payantes. D’une grande cohérence, Iron Claw s’avère ainsi aussi déchirant que pénétrant. Un drame, un vrai, qui fait pleurer et réfléchir au sujet de thématiques fortes, qui nous touchent tous car relatives à la famille, à l’ambition et à la transmission. Produit et distribué par A24, le studio qui n’en finit plus de monter, Iron Claw a donc tout d’un chef-d’œuvre. Du cinéma, du vrai. Le genre qui secoue.

« Personne ne frappe aussi fort que la vie » affirmait Rocky à son fils dans le sixième volet de ses aventures. Une maxime qui trouve une puissante résonance dans l’histoire des Von Erich, et plus particulièrement dans celle de Kevin Von Erich, qui a du apprendre à la dure à renforcer sa résilience avec encore plus de force que les muscles qu’il s’est forgés au fil des années…

En Bref…

Iron Claw est un pur chef-d’œuvre qui prend à la gorge. Dans la lignée de The Wrestler ou Warrior, cette authentique et déchirante tragédie familiale secoue autant qu’elle passionne, portée par la mise en scène et l’écriture d’un Sean Durkin en pleine possession de son art et par un casting parfait, dominé par la prestation viscérale de Zac Efron.

@ Gilles Rolland

Iron-Claw
Iron Claw une famille sur le ring. Tous droits réservés : A24/BB Films/Metropolitan Filmexport
Par Gilles Rolland le 25 janvier 2024

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