[Critique] JEUNE & JOLIE
Rating:
Origine : France
Réalisateur : François Ozon
Distribution : Marina Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot, Fantin Ravat, Johan Leysen, Charlotte Rampling, Nathalie Richard, Djédjé Apali…
Genre : Drame
Date de sortie : 21 août 2013
Le Pitch :
Isabelle, une jeune fille de bonne famille de 17 ans, se prostitue. Au fil des saisons, elle passe des salles de classes aux chambres d’hôtel et mène une double vie, alors que sa famille ne se doute de rien…
La Critique :
À ce stade de sa carrière, François Ozon donne l’impression de tout pouvoir se permettre. Réalisateur adulé (à juste titre), depuis les succès publics et critiques de films comme 8 Femmes, Swimming Pool ou du récent Dans la Maison, Ozon est sur un petit nuage et de très haut, il toise la concurrence. Présent au dernier Festival de Cannes, avec son dernier né, le bien nommé Jeune & Jolie, François Ozon a une nouvelle fois remporté tous les suffrages de la presse qui a salué là une audace folle, doublée d’une pertinence à toute épreuve, pour un film à la mélancolie poétique et pénétrante. Autant le dire de suite : ce n’est pas ici que vous trouverez un écho à ces retours dithyrambiques…
Avec son pitch énigmatique et clairement porté par une volonté à peine déguisée de toucher à un sujet bien sensible, à savoir la prostitution, Jeune & Jolie en fait d’abord des caisses.
Premier point : Isabelle se prostitue sans trop savoir pourquoi, quelques semaines après avoir perdu sa virginité dans les bras d’un amant germanique aux boucles d’or. Elle n’a pas besoin de fric, et n’aime pas spécialement faire l’amour avec des inconnus. À l’entendre, c’est ce point qu’a voulu souligner Ozon dans sa démarche. Pourquoi une jeune fille de bonne famille se fait payer pour coucher avec des hommes ? Question à laquelle il ne répond jamais, se contentant de poser son objectif entre les chambres d’hôtel et l’appartement familial pour suivre les déambulations de son héroïne. Sur 1h30, le film ne répond à rien. Il bafouille un ou deux trucs qui doivent être censés nous mettre sur la piste mais au fond, l’ensemble sonne creux et tourne à vide.
Deuxième point : Isabelle se prostitue et a 17 ans. Le fait que la jeune fille soit mineure enfonce le clou et table clairement sur une provocation un peu facile. Surtout si on tient compte du fait que Marina Vacth, dans le rôle principal, montre ses seins au bout de 2 minutes et passe le plus clair de son temps à poil, en compagnie de vieux types libidineux. On pourrait argumenter des heures sur l’utilité de telle ou de telle scène et que bien sûr, ces épisodes sexuels ont leur légitimité, car elles servent le propos, mais au fond, plusieurs d’entre-elles ne semblent présentes au montage que dans le but d’élaborer un sulfureux pamphlet, qui est au final trop vain et surfait pour toucher au vif comme prévu (et voulu). Dès le début, tout tourne autour du cul. Isabelle se prostitue, aguiche son beau-père, tombe sur des mecs bien tordus, son petit-frère est au courant de tout, alors que lui-même s’éveille à la chose, on trouve des sex toys dans les placards, etc… C’est peut-être le sujet du film, mais au bout d’un moment, ce trop plein de pénétrations illégales, et de discussions sous Lexomil où intervient sans arrêt le mot « pute », propulse le long-métrage dans un vivier de clichés qui le font ressembler à une version vaguement érotique d’un soap du genre de Plus Belle la Vie. La provocation est en carton et l’aspect mélancolique de cette pauvre petite fille riche, ainsi que sa propension à se contrefoutre d’absolument tout (ou du moins d’en donner l’impression), la rend inintéressante et surtout souvent irritante.
Saluée un peu partout, Marina Vacth est certes belle et pour le coup complètement dans le ton général, mais son incapacité à se sortir d’une galerie de mimiques qui vont de la moue boudeuse au sourire mutin, ne lui permettent pas de véritablement briller. Croisement sous antianxiolitiques de Lætitia Casta et de Maïwenn, la jeune comédienne est jeune et jolie et c’est guère tout.
Niveau réalisation, Ozon reste Ozon. Le film est une réussite esthétique indéniable, et la direction d’acteur, compte tenu du scénario, forcé et galvaudé, est correcte. Tel un équilibriste pas vraiment conscient de ses limites, François Ozon se lance dans un numéro peut-être un peu trop ambitieux et en fait des caisses pour pas grand-chose, tout en passant à côté du plus intéressant, à savoir le difficile passage à l’âge adulte. Le débat n’avance pas et au fond ce n’était peut-être pas le but non plus.
Jeune & Jolie parle d’une fille qui se prostitue. Jeune & Jolie se place dans la stricte lignée de ces films français qui se regardent le nombril en ayant probablement l’impression de faire des étincelles. Cette radiographie de la bourgeoisie parisienne, centrée sur une adolescente sulfureuse qui s’encanaille naïvement et dangereusement, ne déclenche pas grand-chose et sombre parfois dans le ridicule, notamment quand interviennent ces fameuses chansons, associées chacune à une saison et via quelques métaphores bien moisies de derrière les fagots. Trop élitiste pour choquer, trop distancié pour parler véritablement de quelque-chose, Ozon multiplie les coups d’épée dans l’eau, avec l’assurance du mec qui se dit que ce qu’il fait est crucial. Il utilise un thème fort, plein de gravité et en fait une fable préfabriquée, offrant un point de vue déplacé. Heureusement, le cinéma ne l’a pas attendu pour aborder le sujet, et bien sûr, dans le lot, il n’est pas difficile de trouver mieux.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Mars Distribution