[CRITIQUE] LE MONDE APRÈS NOUS
Titre original : Leave the World Behind
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Sam Esmail
Distribution : Julia Roberts, Ethan Hawke, Mahershala Ali, Myha’la Herrold, Farrah Mackenzie, Charlie Evans, Kevin Bacon.
Genre : Drame/Thriller
Durée : 2h21
Date de sortie : 8 décembre 2023 (Netflix)
Le Pitch :
Les Sandford louent une maison sur la côte afin de passer quelques jours loin du vacarme new-yorkais. À peine arrivée, alors que plusieurs événements plutôt étranges se produisent, la famille voit débarquer le propriétaire de la maison accompagné de sa fille. Ces derniers informent les Sandford que la situation en ville est plutôt inquiétante. Alors que celle-ci ne cesse d’empirer, au fil d’événements qui indiquent que quelque chose de grave est en train de se produire, le groupe cherche une issue…
La Critique de Le Monde après nous :
Créateur des séries Mr. Robot et Homecoming, Sam Esmail signe avec Le Monde après nous son deuxième long-métrage. Un film adapté d’un roman de Rumaan Alam, qui a bénéficié de l’expertise de l’ancien président Barack Obama et de son épouse Michelle, ici également crédités en tant que producteurs délégués (l’ancien couple présidentiel a signé un juteux contrat avec Netflix). Une façon de baser le déroulé des événements de son film sur des situations réalistes pour non seulement tirer la sonnette d’alarme mais aussi pour instaurer un suspense à couper au couteau…
Vous avez un Esmail
Netflix aime bien, depuis 2021, nous livrer à chaque fin d’année un film qui traite de la fin du monde. Ou de la fin d’un monde, c’est selon. En 2021 arrivait ainsi sur la plate-forme l’excellent Don’t Look Up alors qu’en 2022, c’était le cryptique White Noise qui nous avertissait que la fin était potentiellement proche pour l’humanité.
Pour autant, Sam Esmail lui, adopte une approche différente et réduit finalement la dynamique à un petit groupe de personnages contraints de cohabiter dans un contexte aussi mystérieux que flippant.
Rappelant un peu, ne serait-ce que pour la localisation de son intrigue, le récent Knock At The Cabin de M. Night Shyamalan, si ce n’est qu’ici, a priori, rien de fantastique, Le Monde après nous fait montre d’une vraie bravoure quand il s’agit de raconter une histoire déjà racontée au cinéma tout en conservant une vraie et appréciable singularité qui fait toute la différence.
Déconnexion
Isolés, les personnages du film doivent rapidement faire face à une rupture totale des communications. Alors que la jeune fille du couple formé par Julia Roberts et Ethan Hawke se désole de ne plus pouvoir regarder Friends sur Netflix, le fils se demande comment rejoindre sa petite-amie.
Les parents eux, s’inquiètent de ne plus pouvoir joindre personne, alors que la télévision et la radio restent muettes. Quand le propriétaire de la maison qu’ils ont louée, accompagné de sa fille, déboule, les bribes d’informations que ces derniers leur livrent ne font que les conforter dans leur opinion : il se passe quelques chose de grave.
À partir de ce postulat, Sam Esmail dessine une réflexion bien sentie sur notre dépendance aux nouvelles technologies connectées mais se paye aussi le luxe d’imaginer une issue apocalyptique à notre histoire commune, dont les ramifications l’amènent à parler (de loin) de politique et de questions sociétales (de près cette fois-ci).
Vivre ensemble ou mourir seul
Julia Roberts, dont c’est le premier rôle vraiment solide au cinéma depuis longtemps, incarne une femme méfiante et bornée, face à un excellent Mahershala Ali et à un Ethan Hawke parfait en père de famille démuni. L’actrice personnifiant à elle seule une certaine bourgeoisie américaine qui, bien que cachée derrière une authentique désinvolture, entretient des rapports pleins de préjugés avec ceux qu’elle estime susceptibles de lui faire du tord. Une façon particulièrement maline d’aborder la question du racisme dans la société américaine (mais pas seulement) tout en synthétisant des craintes et autres méfiances propres à notre époque.
En restant proche de ses personnages, mais en dévoilant assez de ce qui se passe à l’extérieur de leur bulle, assez en tout cas pour nous faire peur, Sam Esmail parvient à raconter une histoire passionnante de bout en bout, habitée d’un solide suspense. En faisant montre d’un talent de conteur déjà évident dans Mr. Robot, le réalisateur/scénariste surprend aussi grâce à sa mise en scène inspirée et référencielle, qui multiplie les clins d’œil sans pour autant se laisser happer par ces derniers.
Même les clichés du film de fin du monde, comme par exemple ce survivaliste incarné par le génial Kevin Bacon, ne sonnent pas comme des clichés. La « faute » à une narration fluide et à une mise en image certes parfois un peu maniérée mais suffisamment maîtrisée pour sublimer le propos global. De quoi faire de cet authentique film d’horreur sans monstre ni véritable violence, l’un des plus glaçants et immersifs vus sur un écran cet année.
En Bref…
Brillant au niveau du fond et de la forme, inspiré, pertinent, glaçant et prenant, Le Monde après nous livre une version de la fin du monde absolument terrifiante car plausible. Un film apocalyptique intimiste mais impressionnant, qui a par ailleurs le mérite de se reposer sur ses personnages, tous superbement campés.
@ Gilles Rolland