[Critique] LE NOUVEAU STAGIAIRE
Titre original : The Intern
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Nancy Meyers
Distribution : Robert De Niro, Anne Hathaway, Rene Russo, Adam Devine, Zack Pearlman, Andrew Rannells…
Genre : Comédie
Date de sortie : 7 octobre 2015
Le Pitch :
Ben Whittaker, veuf de 70 ans, s’est rendu compte que la retraite n’est plus vraiment ce que c’était. Saisissant une opportunité de se remettre en piste, il postule pour un programme de « stagiaires seniors » dans une boîte spécialisée dans la vente de vêtements de mode sur internet. Sur place, Jules Ostin, la jeune PDG de l’entreprise, est motivée, stressée et lessivée par le succès de son boulot. Elle aurait peut-être besoin d’aide, ou même d’un ami…
La Critique :
C’est une sorte de picotement. Une impression peut-être inconnue pour certains et que d’autres auront sans doute oubliée, qu’on ressent lors du premier quart d’heure du film Le Nouveau Stagiaire. Ça ne concerne pas forcément tout le monde, mais c’est en rapport avec le fait que Robert De Niro est à nouveau en train de jouer. Et il est très, très bon.
C’est vrai, ça fait un moment. On aura passé beaucoup de temps (peut-être trop) à se lamenter de la dernière quinzaine d’années pendant lesquelles cette icône du cinéma a un peu fait le flemmard, campant tranquillement des prestations à moitié endormies et des rôles paresseux dans un nombre incalculable de navets, dont le timing de beaucoup correspond plus ou moins à la fin de chaque année fiscale – probablement pour subvenir à une entreprise dans l’immobilier ou un truc du genre (pourquoi sinon, verrai-t-on la star de Raging Bull jouer les seconds couteaux avec 50 Cent dans des pourritures DTV comme Unités d’Elite ?). Peut-être le business a bien tourné ou alors il s’est enfin décidé à passer la deuxième, mais pour la première fois depuis un bon moment, De Niro est merveilleux dans Le Nouveau Stagiaire.
Écrit et réalisé par Nancy Meyers, le film est un petit fantasme douillet mais s’avère beaucoup plus réfléchi et sophistiqué que son synopsis – qui, admettons-le, ne promet pas grand-chose. De Niro incarne Ben Whittaker, un veuf solitaire en train de passer un moment difficile avec sa retraite. Pour lui, les voyages en touriste c’est terminé et il en a ras le bol de jouer au golf, donc Ben finit par s’inscrire assez impulsivement en tant que « stagiaire senior » à une entreprise start-up en plein essor dans son quartier (tout à coup très chic) de Red Hook à Brooklyn.
On l’assigne à assister Jules Ostin (Anne Hathaway), la patronne overbookée d’un commerce de vêtements sur internet dont le succès a soudainement explosé. Au début, elle avait commencé tout ceci comme une rigolade, mais elle a désormais énormément de mal avec la transition qui l’amène à gérer plus de 200 employés – surtout que Jules aime tellement son business qu’elle aide encore au service client et fait parfois partie de la chaîne à l’usine de conditionnement. C’est une micro-gérante dotée des meilleure intentions.
D’ailleurs, tout le monde ici a la meilleure des intentions, ce qui fait la grande différence entre Le Nouveau Stagiaire et pas mal de comédies vulgaires qu’on a l’habitude de voir. C’est un film qui est doux d’esprit et peuplé par des gens biens, tout simplement. Il n’y pas vraiment de conflit, mais on s’attache aux personnages juste parce qu’on aime passer du temps avec eux.
De Niro ne prête pas attention au code vestimentaire décontract’ du bureau, s’habillant en costard-cravate tous les jours parce qu’il se sent « confortable ». Entouré de mecs high-tech qui ont tous la vingtaine, il avoue se raser même pendant les week-ends et porte une valise qui date des années 60. Son Ben Whittaker a passé quarante ans à bosser dans un business qui imprimait des annuaires – une note d’obsolescence qui n’a pas été écrite pour faire rire, ici. C’est un mec intelligent qui a encore quelque chose à offrir.
On n’a peut être jamais vu De Niro comme ça, jouant un homme aussi simple et adorable. Le plaisir considérable du film est de voir la PDG stressée d’Hathaway apprécier peu à peu la chaleur de sa compagnie (mais non, pas comme ça…), et Meyers calme le jeu, nous laissant nous mettre à notre aise pour de longues scènes charmantes où on est simplement amené à les regarder devenir potes.
Hathaway est géniale, au fait. Apparemment la règle sur internet, c’est qu’on est tous censés la trouver insupportable, mais rien à faire ici (Hathaway semble attirer les colères en jouant comme si elle voulait un Oscar, mais au moins c’est un Oscar qu’elle mériterait, non ?). Les deux partagent à la fois une amitié et un choc des cultures, dans un long-métrage où le rythme est tellement bon, qu’on peut juste se détendre et les voir prendre quelques bières ensemble après le boulot, tandis qu’elle l’aide à installer sa page Facebook. C’est incroyablement attachant.
Comme cité plus haut, on ne trouvera pas beaucoup de conflits dans Le Nouveau Stagiaire. Des investisseurs en capital risque veulent qu’Hathaway remette l’entreprise à un chef qui aurait plus d’expérience, et si elle le fait elle aura peut-être plus de temps à la maison pour s’occuper de sa fille et guérir le regard infidèle de son mari. C’est à peu près tout. Mais De Niro, lui, la connaît mieux que ça. Pour lui, c’est une idole. Et il ne va pas la laisser se sous-estimer.
La plupart des films de Nancy Meyers sont des films agréables, et il faut l’admettre, Tout Peut Arriver et Pas Si Simple sont devenus très sympathique avec le temps. Meyers a une mauvaise réputation (qui lui a été attitré injustement par une grande majorité de critiques masculins) pour son style luxuriant quasi-pornographique et sa déco intérieure de rêve – comme si ça nous posait un problème chaque fois que Michael Mann fait la même chose pour les mecs (messieurs, la belle cuisine de Meryl Streep = la belle bagnole de Sonny Crockett. Sujet de dissert’).
Le Nouveau Stagiaire se vautre un peu avec deux ou trois séquences bouffonnes, la plus flagrante étant celle où De Niro et compagnie infiltrent la maison appartenant à la mère d’Hathaway pour des raisons qui sont trop débiles et embarrassantes à décrire ici. Disons juste que ça n’a aucun rapport avec le reste.
Mais vous savez, ces personnages sont vraiment aimables. C’est chouette que De Niro, même en tant que vieux patriarche old school, ne soit pas là pour corriger le personnage d’Hathaway, ni pour sauver la mise à la dernière minute ou rappeler au monde entier que la génération du troisième âge est encore la meilleure. Il l’admire beaucoup, c’est tout, et il veut être de son côté. C’est chouette aussi qu’il n’y ait pas vraiment de méchants dans l’histoire, que tout le monde ait des défauts malgré le fait qu’ils sont sûrement destinés à vivre heureux pour toujours dans leurs beaux appartements hors de prix. Et c’est chouette de voir que Robert De Niro est encore un vrai acteur. Ici, le bonhomme est juste magique.
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : Warner Bros. France