[Critique] LA LÉGENDE DE MANOLO

CRITIQUES | 30 octobre 2014 | Aucun commentaire
La-Légende-de-Manolo-affiche-France

Titre original : The Book of Life

Rating: ★★★☆☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jorge R. Gutierrez
Distribution voix : en V.O : Diego Luna, Zoe Saldana, Channing Tatum, Christina Applegate, Hector Elizondo, Danny Trejo, Plácido Domingo, Ana de la Reguera, Ron Perlman … / En V.F : Benjamin Pascal, Mélody Dubos, Emmanuelle Rivière…
Genre : Animation/Aventure/Comédie
Date de sortie : 22 octobre 2014

Le Pitch :
Pendant la période de la fête des morts au Mexique, les esprits sont de sortie et deux d’entre eux font un pari sur la trajectoire du jeune Manolo. Ce dernier va-t-il suivre la voie de la tradition familiale ou celle de son cœur ? Commence alors une aventure épique…

La Critique :
La Légende de Manolo a mis 14 ans à voir le jour, et c’est finalement Guillermo del Toro qui décida de le produire. Le long métrage du mexicain Jorge R. Gutierrez est une œuvre très personnelle dotée d’une forte originalité, et cela sur de nombreux points. Tout d’abord, la narration se décline au travers de plusieurs histoires superposées, plusieurs époques et atmosphères différentes viennent s’entremêler, tout le long. Les différents niveaux de lecture et portes ouvertes peuvent susciter un léger égarement, mais la globalité reste très intéressante.

Le film se veut porteur de messages et de valeurs. En effet, par certains thèmes abordés le réalisateur rend tout d’abord hommage à sa famille, puis interroge le public sur certaines questions intrinsèquement liées à l’existence. L’importance des liens familiaux et des racines sont ainsi abordés de manière à susciter une certaine émotion non négligeable, mais au-delà de ces valeurs familiales, il y a le sujet du libre arbitre, très présent dans le film. Ainsi, malgré le poids de ses obligations, Manolo tente de vivre sa propre vie et d’exercer sa liberté de choix, afin d’écrire sa propre histoire. Écrire sa propre histoire semble être le thème fondamental de ce film particulièrement haut en couleurs. Toutes ses thématiques abordées sont assez appréciables pour être soulignées, tant elles se font rares dans les films d’animation. Une telle profondeur adressée principalement aux enfants est à prendre en compte, même si exprimée maladroitement. Maladroitement, tout est relatif, car cela tient principalement à cet aspect un peu trop bruyant qui se dégage du tout.

Au milieu de tous ces messages importants, comment ne pas aborder celui du positionnement clairement anti-corrida venant du réalisateur ? Assez rare de retrouver un tel sujet dans un film destinés aux plus jeunes, ce n’est en effet vraiment pas anodin. La corrida étant tout de même une pratique qui suscite chaque année des problèmes d’ordre public dans le sud de la France (entre autres), et qui rappelons-le est interdite par la loi à juste titre pour sévices sur animaux (sauf sous de rares dérogations). Elle se pratique également au Mexique (cependant interdite dans deux états) et Jorge R. Gutierrez choisit d’en parler mais certainement pas dans le but de la défendre. Il s’en sert plutôt, et surtout pour parler des tensions et des oppositions qui peuvent exister au sein des familles sur les choix de vie des enfants, leur choix de carrière, les oppositions sur les valeurs etc…

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Le message anti-corrida aurait pu être abordé rapidement et brièvement mais il est en réalité bien plus approfondi qu’il n’y paraît. La scène finale, franchement remarquable, finit d’ailleurs d’asseoir un propos évolutionniste très fort sur les pratiques taurines. Et si le taureau est perçu comme un véritable monstre effrayant dans ce long-métrage d’animation, c’est surtout pour contribuer au côté fantastique de cette histoire, qui s’apparente davantage à un conte folklorique.
Visuellement, c’est pari gagné ! Le film est agréable et surprenant. On assiste à un vrai défilé de couleurs à foison. La 3D n’est quant à elle pas très utile, mais pas insupportable pour autant. L’esthétisme y est extrêmement soigné.

Il y a obligatoirement un rapprochement à faire avec Les Noces Funèbres de Tim Burton de part le sujet évoqué, à savoir celui du monde des défunts et de l’au-delà. Et tout comme dans le film en stop motion de Mr Burton, l’au-delà paraît également beaucoup plus sympathique que le monde des vivants, dans La Légende de Manolo. Les deux films d’animation baignent aussi dans un univers magique. Cependant, la comparaison s’arrête là et ne tient qu’à ces points précis, nous car avons à faire à deux films très différents. Déjà Les Noces Funèbres se passe en Europe de l’Est à l’époque victorienne, alors que La Légende de Manolo se déroule au Mexique dans l’univers très coloré de la tradition de la fête des morts, dans une époque plus proche. L’œuvre de Tim Burton a un aspect beaucoup plus sombre qui s’ancre dans une inquiétante fantasmagorie, et est en cela beaucoup moins accessible que le film de Jorge R. Gutierrez qui a voulu toucher un public plus vaste.

La Légende de Manolo dispose donc de qualités indéniables mais n’exclut pas pour autant des bémols malheureusement trop importants, et qui l’empêchent d’être complètement réussi. Le film est loin d’être parfait. Il y a tout d’abord énormément de passages musicaux, peut-être un peu trop, ceux-là même qui sont parfois trop bruyants. Certaines scènes d’action (et personnages) sont quant à elles trop assourdissantes et agaçantes par moments, ce qui donne l’impression d’assister à un gros mélange qui part dans tous les sens. En cela, l’ensemble manque de mesure et de coordination. Par ailleurs, le film est peut-être un petit peu trop long et peut susciter l’ennui, heureusement dissipé par quelques moments clés primordiaux.

La Légende de Manolo est donc loin d’être parfait ou entièrement remarquable dans son ensemble, mais il n’en demeure pas moins un excellent divertissement qui sort du lot d’une certaine manière et qui porte des valeurs intéressantes pour la jeunesse. La vie, la beauté y sont célébrées, mais aussi l’importance de la fête et de la solidarité. La Légende de Manolo tente d’exprimer un propos plus noble, avec un brin d’humour, tout en rendant hommage au Mexique. On appréciera le message abolitionniste sur la corrida, l’idée du libre arbitre et de la volonté véhiculés aux plus jeunes mais aussi parfois aux moins jeunes…

@ Audrey Cartier

La-Légende-de-Manolo-1Crédits photos : 20th Century Fox France

 

Par Audrey Cartier le 30 octobre 2014

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