[Critique] LES ÂMES VAGABONDES

CRITIQUES | 22 avril 2013 | Aucun commentaire

Titre original : The Host

Rating: ★★☆☆☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Andrew Niccol
Distribution : Saoirse Ronan, Diane Kruger, Max Irons, Jake Abel, William Hurt, Chandler Canterbury, Frances Fisher…
Genre : Science-Fiction/Romance/Adaptation
Date de sortie : 17 avril 2013

Le Pitch :
Le futur proche. La Terre a été envahie et conquise par une race d’extraterrestres s’appelant des « Âmes », qui prennent possession des corps humains et se mettent à « guérir » le monde. Il n’y a plus de guerre, plus de crime, tout le monde s’entend, et la paix règne sur la nouvelle société. Suite à une tentative de suicide pour échapper à ses poursuivants, la jeune Mélanie Stryder se fait capturer et infuser par une âme, mais refuse de capituler complètement, et deux consciences – celle de Mélanie et celle de l’Âme s’appelant Vagabonde – doivent se partager le même corps. Échappant aux envahisseurs, l’adolescente composite retrouve une dernière poche de résistance humaine en plein milieu du désert. Parmi les résistants, son oncle Jeb, son petit frère Jamie et son ancien petit-ami Jared. Alors que les autres Âmes s’empressent de découvrir leur cachette, Mélanie et Vagabonde parviennent à trouver un terrain d’entente entre elles au sein de la communauté, et toutes les deux commencent à ressentir les premières étincelles de l’amour…

La Critique :
D’un point de vue purement culturel, Stephenie Meyer ne sait pas écrire. Ses ouvrages Twilight sont une fusion stupéfiante d’ineptie littéraire avec des personnages et des intrigues qui sont presque la définition du ridicule, dans le sens négatif du terme. Et ceci sans mentionner la question de la politique régressive des sexes et des relations qui infusent tout le récit. Clairement, son retournement de la mythologie des vampires et des loups-garous ne tient pas du tout, sûrement à cause d’un manque de talent ou de familiarité avec le genre, mais on ne peut tout de même pas nier que l’ensemble a quelque chose de créatif, voire d’original.

Et c’est justement ce qui fait des Âmes Vagabondes, un film de science-fiction inspiré du bouquin non-Twilight de Meyer et le nouveau prétendant pour succéder à la franchise pour adolescentes du moment. Voici un énième exemple d’un remaniement impressionnant et inventif du modèle des invasions extraterrestres, filtré à travers les fixations désormais habituelles de l’écrivaine (il y a un triangle amoureux, et des questions de retenue physique et psychologique occupent une place prépondérante, tout comme des thèmes de martyrisme et de masochisme) et rendu involontairement hilarant par son sens je-m’en-foutiste et maladroit de la narration. C’est L’Invasion des Profanateurs de Sépulture, 2ème Partie : le monde a été envahi par des aliens parasites qui s’emparent des corps humains et construisent une société parfaite où tout le monde est poli, tout le monde partage, et (si les acteurs sont une indication) où tout le monde passent beaucoup de temps à faire de la gym pour rester éternellement beau. Vous serez sans doute surpris d’apprendre que ce monde « parfait » possède une tendance vaguement totalitaire et que les survivants humains se réfugient dans des bases souterraines de résistance.

La discordance totale de talent qui réside à travers la production pourrait choquer. Après tout, l’idée de voir Andrew Niccol, qui touche presque toujours au but quand la science-fiction est de la partie (voir Bienvenue à Gattaca et Time Out), réaliser une adaptation d’un livre écrit par Stephenie Meyer s’apparente à voir David Lynch laisser Dune de côté pour filmer la série Gor à la place. Mais initialement, Les Âmes Vagabondes promet un divertissement moyennement amusant avec une tendance facile à ennuyer, qui devient rapidement insupportable après les premières minutes, suite à l’introduction de Mélanie, notre protagoniste.

Saoirse Ronan est devenue une actrice remarquable et de tout le casting, c’est elle qui brille le plus. Malheureusement, il faut prendre en compte le fait qu’une des « âmes » ait été implantée dans son corps et que la conscience humaine de la jeune fille refuse d’abdiquer, laissant deux personnalités prisonnières dans le même hôte, que le scénario communique à travers un double-dialogue. En gros, non seulement Mélanie se parle à elle-même, mais l’âme (appelée « Vagabonde », et plus tard « Gabby ») lui gueule dessus en voix-off. Ce serait une chose si Mélanie était la seule à entendre ces paroles indignées ; mais nous, spectateur, nous sommes aussi condamné à l’entendre aussi.

Il s’agit d’un instrument narratif désastreux, pour sûr. La voix de Vagabonde papote incessamment, décrivant et expliquant non seulement l’intrigue, mais la situation, les personnages, les objectifs de l’histoire et ses propres sentiments. Quand un moment intéressant entre les personnages menace de survenir, ou que l’ambiance parfois prenante du film commence enfin à se poser, Vagabonde se permet d’interrompre avec une de ses observations inutiles sur ce qui vient de se passer et si c’est bien ou pas. N’importe qui pourrait devenir fou en entendant le son affligeant de deux voix quasi-simultanées se chamaillant pendant presque deux heures, mais ce sont les mots qui épuisent la patience : ces mêmes âneries d’ados qui parlent de leurs sentiments en se tenant la main, qui ont rempli les pages de Meyer jusqu’ici, démangent le cerveau à nouveau alors que le film rampe lentement vers la promesse ridicule d’une suite. C’est comme entendre le commentaire de la fille du réal’, critiquant et insérant ses propres remarques comme si c’était une vidéo sur Internet.

Et Mélanie et Vagabonde ne sont pas les seules à dialoguer. Tout le monde bavarde dans ce film. Ronan et William Hurt (qui peut jouer le rôle du chef crouteux de la révolution les yeux fermés) établissent un rapport appréciable, mais si les scènes interminables de conversations, de causeries et de discussions, finissent par remplacer les concepts futuristes pourtant intrigants et les séquences d’action (autrement dit, des sujets qui sont plus convaincants à voir qu’à écouter), il y a un sérieux problème quelque-part. Après une ouverture prenante, toute l’énergie du film s’épuise pour laisser place à des scènes de parlote, qui sont là uniquement pour succéder à d’autres scènes de parlote.

Quelque-part dans ce désert prolixe, il y a une histoire d’amour. Si Mélanie et Vagabonde arrivent à se comprendre, l’arrivée de deux acteurs interchangeables complique un peu les choses. L’ancien petit-ami de Mélanie espère un jour retrouver celle qu’il a perdue, tandis qu’un autre résistant a le coup de foudre pour Vagabonde. Et tous deus se disputent les faveurs de la fille. Oui, c’est un rectangle amoureux, entre quatre personnes et trois corps. Comme cité plus haut, Meyer n’est peut-être pas douée dans le domaine de l’écriture, mais elle n’est pas encore à court d’idées. Et pendant ce temps, on attend. Qu’il y ait de l’action. Un rebondissement. N’importe quoi. Quelque chose pour nous tenir éveillé.

On imagine déjà les efforts de certains pour projeter leurs propres conjectures sur la vie et les croyances de Meyer sur ces fadaises, pour trouver le véritable sens derrière le travail de l’artiste brut et en tirer des conclusions secrètes qui ne seront visibles qu’à ceux qui cherchent à trouver. On accusera sans doute le martyrisme et la misogynie déjà sous-entendus par Twilight (presque tous les actes héroïques de Mélanie impliquent une forme d’automutilation, le prétendant de Vagabonde est un mec qui essaye à l’origine de l’étrangler, etc…), et c’est sûr que d’autres peineront à trouver des comparaisons significatives entre la religion mormone et le concept de l’âme possédant un corps.

Et ce n’est pas comme si prendre les points de vue et l’histoire personnelle d’un artiste n’était pas une partie valide de l’interprétation critique : tout est là, pour ainsi dire. Mais il existe un danger que toutes ces assomptions prennent un aspect condescendant, auto-flatteur, ou carrément désagréable, auquel même l’auteur de ces lignes n’aura sans doute pas échappé. Il y a beaucoup à détester chez Twilight, et on rit beacoup devant Les Âmes Vagabondes. Un bel exemple en soi d’un superbe concept mal exécuté (bien que Niccol fait de son mieux pour surmonter les écrits catastrophiques de Meyer). Et il y a matière à haïr dans les navets de la culture littéraire et cinématographique en général, sans traiter ceux qui en sont responsables comme des curiosités scientifiques bonnes à être décryptées. En ce qui concerne Les Âmes Vagabondes, il s’agit d’un film rempli à bloc de conversations sonores et apparemment profondes, et toutes ressemblent à des adieux. Difficile de garder une tension dramatique quand les adieux n’en finissent jamais.

@ Daniel Rawnsley

les-ames-vagabondes-the-host-photoCrédits photos : Metropolitan FilmExport

Par Daniel Rawnsley le 22 avril 2013

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