[Critique] LES JARDINS DU ROI
Titre original : A Little Chaos
Rating:
Origine : Angleterre
Réalisateur : Alan Rickman
Distribution : Kate Winslet, Matthias Schoenaerts, Alan Rickman, Helen McCrory, Jennifer Ehle, Stanley Tucci, Steven Waddington, Adam James, Danny Webb…
Genre : Romance/Historique/Drame
Date de sortie : 6 mai 2015
Le Pitch :
À l’époque de Louis XIV, une femme paysagiste prénommée Sabine De Barra, se voit invitée à la cour afin de présenter son travail à André Le Nôtre, le jardinier officiel du Roi. D’abord surpris et bousculé par l’originalité et la franchise de Sabine, ce dernier, également intrigué et saisi, la choisi tout de même pour la création du Bosquet des Rocailles, œuvre maîtresse des jardins du château…
La Critique :
C’est sur les planches qu’Alan Rickman a commencé sa carrière de comédien, et au théâtre, on peut constater qu’il y est revenu régulièrement. Entre temps, le septième-art a également plutôt bien réussi à l’acteur anglais polymorphe et très talentueux, qui s’est illustré dans bien des rôles différents. Du rôle de « bad guy » dans Piège de cristal (Die Hard I) qui fut sa première interprétation sur grand écran, en passant par Love Actually ou encore Le Parfum, la carrière d’Alan Rickman est assez riche. L’acteur est également passé par deux réalisations de Tim Burton (Alice au pays des merveilles et Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street) mais c’est pour son rôle emblématique du Professeur Severus Rogue dans la saga à succès Harry Potter, qu’Alan Rickman est principalement reconnu. Il revient ici à la réalisation avec Les Jardins du Roi, deuxième long métrage qu’il dirige après L’Invitée de l’hiver pour lequel il avait obtenu quelques distinctions.
D’emblée, force est de constater que Les Jardins du Roi s’inscrit dans une démarche honnête et passionnée. On sent un réalisateur investi, qui souhaite également apporter une vision nouvelle et plus légère du Roi Soleil et de son époque. Un Louis XIV qu’Alan Rickman interprète d’ailleurs avec efficacité, malgré les mimiques et les attitudes d’un comédien de théâtre, dont il a du mal à se débarrasser. On pourrait voir dans cet aspect théâtral une légère connotation « surfaite » par moments, mais c’est sans compter sur le talent de ce grand acteur qui offre une interprétation empreinte de sincérité et de tendresse. Une tendresse qui se manifeste surtout lors des scènes avec Kate Winslet alias Sabine De Barra. En tout cas Alan Rickman semble s’amuser comme un fou à interpréter un Louis XIV auquel il apporte une perspective plus humaine.
Sabine De Barra est quant à elle une pure invention scénaristique. Le personnage principal du film n’a en réalité jamais existé, à la différence d’André Le Nôtre qui fut bel et bien jardinier de Louis XIV de 1645 à 1700. Le maître jardinier est incarné par le formidable Matthias Schoenaerts. L’invention du personnage de Madame De Barra semble exprimer le souhait du réalisateur à faire du neuf avec du vieux, si l’on ose dire. Plus concrètement il y a une réelle volonté d’insérer une touche de modernité à l’époque en question. Toujours dans le même souci de modernité, on soulignera que l’équipe artistique du film a choisi de créer des costumes assez « simples » et sans fioritures, afin de permettre un rapprochement à l’histoire plus facile, pour les spectateurs. Le personnage fictif de Sabine De Barra amène de nombreuses thématiques très intéressantes comme la place des femmes dans la société de l’époque, ou encore la distinction et les inégalités entre les classes sociales. D’abord moquée, puis prise au sérieux et finalement très respectée, le personnage n’aura de cesse de monter l’échelle sociale tout en évoluant au sein de mœurs rétrogrades. Sabine évolue au cœur de coutumes sociales qui placent la femme au rang d’objet ou de simple génitrice. Par son audace et son talent, elle finira par s’illustrer grâce à ses seules capacités et son travail. De part ce choix, on peut qualifier Les Jardins du Roi d’œuvre définitivement féministe. À cette vision s’ajoute des dialogues intelligents qui servent le propos. Les textes sont d’ailleurs une des grandes qualités du film.
Mais le long-métrage est avant tout une vraie romance incarnée par deux acteurs remarquables. Kate Winslet, bien que très talentueuse et exprimant toute la sobriété nécessaire à son personnage, est cependant quelque peu mal dirigée lors de moments précis. Ce détail n’entache cependant pas son interprétation générale. Matthias Schoenaerts est quant à lui fantastique de bout en bout, dans la peau du jardinier Le Nôtre, qu’il incarne à merveille. Épatant de justesse et d’authenticité, l’acteur qui ne cesse de se métamorphoser de rôle en rôle, insuffle vraiment quelque chose en plus au film. Et c’est aussi une des raisons pour lesquelles ça marche si bien. On a de la sympathie pour ces deux personnages abîmés par la vie qui décident de se reconstruire ensemble.
Le métrage se démarque clairement de certains grands drames d’époque à l’anglaise. Ici, pas de déchirement ou de lourdeur, mais le tissage d’un amour authentique, simple et léger. Cette douceur a quelque chose d’à la fois apaisant et revigorant, ce qui est fort appréciable pour le genre.
Les Jardins du Roi n’échappe pas à quelques clichés, à des personnages et situations qui frôlent les stéréotypes, l’histoire demeure prévisible, quelques choix paraissent peu judicieux, il faut bien reconnaître tout ça, mais au final rien qui ne ternisse vraiment le film. L’injustice sociale entre le peuple et la royauté n’est pas non plus abordée, mais après tout ce n’est pas la thématique de l’histoire.
En se focalisant sur les éléments positifs du long métrage : les interprètes, la romance touchante et les quelques belles idées portées, on peut passer un très bon moment et être réellement emporté dans cette jolie fresque d’époque. Sans être parfait, le second film d’Alan Rickman est un vent de légèreté qui fait du bien ! Le tout porté par une musique sublime, et un véritable amour du jardin.
@ Audrey Cartier
Crédits photos : Metropolitan FilmExport