[Critique] LES STAGIAIRES
Titre original : The Internship
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Shawn Levy
Distribution : Vince Vaughn, Owen Wilson, Rose Byrne, Max Minghella, Aasif Mandvi, Josh Brener, Dylan O’Brien, Tiya Sircar, Tobit Raphael, Josh Gad, Jessica Szohr, Rob Riggle, John Goodman…
Genre : Comédie
Date de sortie : 26 juin 2013
Le Pitch :
Nick et Billy, deux commerciaux plein de gouaille, découvrent avec stupeur que leur entreprise a mis la clé sous la porte. Quadragénaires sans perspective d’avenir, Ils décident de tenter leur chance chez Google, en postulant pour un stage. Totalement incompétents en informatique et beaucoup plus vieux que les autres stagiaires, Nick et Billy devront batailler sévère pour s’imposer et ainsi espérer se payer une reconversion réussie …
La Critique :
Si on se fie à ce qui se raconte, Google a changé le monde. D’une certaine façon certainement, mais il serait plus juste d’affirmer que Google a changé internet. Et puis peu importe, car le changement est non seulement variable suivant les personnes, mais aussi tout à fait subjectif. Pour un type qui n’a pas internet par exemple, Google a changé que dalle.
Ceci dit, Google s’est imposé au fil des années comme LE moteur de recherche. On peut lui demander n’importe quoi et d’ailleurs bien souvent c’est ce qui arrive. Google trouve des trucs, donne à des sites, dont On Rembobine, une bonne visibilité (bon, pas aussi bonne que nous le souhaiterions mais bon…), propose aussi un service de cartographie, une boite mail, un réseau social et même un service de gestion de portefeuille. Bref, Google ne connait pas la crise et fait tout pour gagner encore plus de terrain. En cela, Les Stagiaires permet au moteur de recherche de franchir une nouvelle étape, en le téléportant dans les cinémas.
Merci Vince Vaughn a qui l’on doit l’idée de base d’un scénario qu’il a également co-signé. Une idée née alors que Vaughn regardait un reportage sur les conditions de travail au sein du « meilleur employeur des États-Unis », débouchant sur un film en forme de totale immersion.
En acceptant d’ouvrir ses portes à l’équipe du film, Google a tenu à ne pas faire les choses à moitié. À ce stade, on peut carrément parler de co-production tant tout est fait pour que l’on n’oublie jamais de quoi (et de qui) il est question. Sur le campus Google, tout est aux couleurs de Google et tout le monde est cool. Une coolitude que le film surligne en fluo, tout en rajoutant tout autour de gros néons bien flashy histoire qu’on ne se méprenne pas. Un titre de « meilleur employeur des États-Unis », ça se mérite et ça s’entretient ! Et qui mieux que le duo de Serial Noceurs, à savoir Owen Wilson et Vince Vaughn, pouvait personnifier l’image cool de l’entreprise ? Qui pouvait offrir un tel mélange de subversion gentillette et vaguement trash et de bons sentiments authentiques à l’image publique de la boite au G ? Pas grand monde.
Owen et Vaughn reprennent peu ou proue leurs rôles de Serial Noceurs et dynamitent cette fourmilière geek à grands coups de « putain », d’allusions sexuelles et de bitures. Bonne nouvelle à double tranchant, qui prouve que le duo n’a pas laissé sa légendaire verve comique au vestiaire de la multinationale, mais qui confirme aussi encore un peu plus un plan marketing insidieux de la part du géant du web. Malheureusement, c’est bien connu, on a beau crier haut et fort que l’on est super cool, ce n’est pas forcement le cas et Google, a force de le dire, finit par gonfler un poil. Seul au Monde, qui faisait clairement de la pub pour le transporteur de l’impossible FedEx, apparaissant à côté comme un petit joueur farci de scrupules.
On regrette vite que Les Stagiaires n’ait pas plutôt opté pour une entreprise fictive, quitte à faire de multiples références à Google ou à une autre boite. Un choix qui aurait certainement évité la volée de bois vert que le film se prend dans la tronche, alors qu’il reste une comédie comme on aimerait en voir plus souvent.
La nouvelle réalisation de Shawn Levy, revenu à la comédie pure après le surprenant Real Steel, peut ainsi rebuter. Principalement pour le côté « Google Film », beaucoup trop corporate, qui fait de l’ombre à la comédie cachée derrière. Ceci dit, il n’est pas non plus impossible de faire l’impasse (pas impossible mais difficile tout de même) sur l’aspect commercial de la chose pour profiter du spectacle. Car Les Stagiaires fait partie de ces comédies dont les défauts, aussi nombreux soient-ils, ne suffisent pas à entacher le plaisir procuré tout au long du visionnage. À condition d’apprécier ce genre d’humour et surtout de reconnaître en Vaughn et Wilson deux des génies comiques les plus inspirés de ces dernières années. Deux types en roue libre, qui ne se forcent pas pour retrouver l’alchimie qui faisait de Serial Noceur un petit bijou du genre. On l’a dit, ici, ils nous ressortent le même numéro et c’est bien. Le scénario suit la même ligne directrice, c’est flagrant. Les Stagiaires n’est pas une grande comédie comme son aîné, mais on trouve matière à se fendre la poire, et les références à la pop culture, nombreuses, raviront une certaine partie du public. Déjà pas mal.
En visant les geeks, et ceux qui jubilent devant The Big Bang Theory, le concept de Vince Vaughn souhaite aussi aborder la crise de l’emploi en confrontant l’entreprise qui semble à l’abri du chaos économique ambiant à deux mecs en pleine tourmente professionnelle. Les Stagiaires redessine le rêve américain qu’il livre dans un version 2.0 assez enthousiasmante pour pardonner le rôle de « sauveur providentiel » donné à Google. Google et ses portes grandes ouvertes, y-compris pour des gars qui savent à peine comment allumer un ordinateur… Le message n’est pas très fin mais là n’est pas l’important. Si on choisit de se focaliser sur les vannes, les références et le jeu des acteurs, on se laisse porter et le temps file. Vaughn et Wilson font plaisir à voir, en dinosaures perdus au milieu de la jeune génération sur-connectée qui donne lieu à une bataille de références (Flashdance vs Harry Potter) . Le long-métrage surfe allègrement sur le fossé qui sépare les générations avec tout ce que cela sous-entend. À fond les bananes sur le comique de situation, Les Stagiaires ne se prend pas la tête. Même pas pour paraître original. Encore une fois, là n’est pas l’enjeu. Avant tout dévoués à leurs fans (et à Google arg), Vince Vaughn et Owen Wilson sont conscients de leur potentiel et ils font ce qu’ils savent faire de mieux. Shawn Levy, plus habitué aux comédies plus infantiles, suit un peu péniblement mais il fait de son mieux et au final la machine tourne.
Rien de révolutionnaire. Toujours la même histoire. Toujours ce rêve américain, toujours cette love story qui s’immisce à mi-parcours et toujours ce désir de déjouer les pronostics. Les Stagiaires ne va pas se faire que des amis et pour beaucoup, son partenariat encombrant le met déjà dans le fossé. On a peut-être pas envie de voir Google au cinéma et de savoir que la vie y est si belle quand on est à plusieurs milliers de bornes de là. La dynamique est foncièrement américaine. L’humour lui, est plus universel. Il est alors vivement conseillé de faire la part des choses si on veut tenter le coup. À la clé, un bon moment, du rire, des acteurs qui s’adonnent à leur numéro favori dans un joli conte de fée adulte plus pertinent qu’il n’y parait, et pourquoi pas l’envie d’envoyer à son tour un c.v chez Google. Juste au cas où…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : 20th Century Fox France