[Critique] MAPS TO THE STARS

CRITIQUES | 22 mai 2014 | 1 commentaire
Maps-to-the-stars-affiche-france

Titre original : Maps to the Stars

Rating: ★★★½☆
Origine : Canada/États-Unis/France/Allemagne
Réalisateur : David Cronenberg
Distribution : Julianne Moore, Mia Wasikowska, Olivia Williams, Robert Pattinson, Sarah Gadon, John Cusack, Carrie Fisher, Evan Bird…
Genre : Drame
Date de sortie : 21 mai 2014

Le Pitch :
Agatha débarque à Hollywood. Sur-place, elle fait rapidement la connaissance d’un chauffeur de limousine et trouve tout aussi vite, grâce à une relation bien placée, un emploi d’assistante pour une star vieillissante, en pleine névrose. De son côté, Benjie, un enfant star imbuvable, tourne la suite de son grand succès, tandis que son père, un célèbre thérapeute, et sa mère, gèrent sa carrière et son existence déjà borderline. Tout ce beau monde se débat dans une jungle sans pitié…

La Critique :
Comme c’est étrange… Bruce Wagner, le scénariste de Maps to the Stars a aussi écrit Freddy 3 : les griffes du cauchemar. À vrai dire, là est son seul fait de gloire pour le cinéma, si on fait exception de ses performances d’acteur discrètes dans Shocker, de Wes Craven et un petit paquet de longs-métrages relativement obscurs. Pour Wagner, écrire Maps to the Stars fut une sorte d’exutoire. Une catharsis. Peut-être une façon d’exorciser toutes ses années passées à l’ombre des lettres du panneau Hollywood, à essayer de vendre ses scripts. À 60 ans, Wagner a du voir un paquet de trucs louches et sa vision de la Mecque du cinéma américain, si on se réfère au film, n’a rien d’idyllique.
On peut aussi imaginer que Wagner a beaucoup lu Bret Easton Ellis, tant son scénario évoque les personnages tordus peuplant les livres de l’auteur d’American Psycho. Un auteur lui-même observateur de la faune hollywoodienne, dont certains écrits traduisent directement les affres des acteurs, producteurs et réalisateurs, comme par exemple Glamorama ou le scénario du récent The Canyons, que Paul Schrader a porté à l’écran.
En toute logique, Maps to the Stars rappelle justement The Canyons. Si on va un petit peu plus loin, on peut même faire un rapprochement entre le personnage incarné par Julianne Moore dans le Cronenberg, et celui campé par Lindsay Lohan dans le Schrader. Deux âmes bousillées par la machine, manipulées à souhait, et condamnées à errer dans les limbes d’un système qui ne fait que les rejeter sur le rivage des rêves brisés. Cela dit, Maps to the Stars est quand même beaucoup plus intéressant, stimulant et maîtrisé que le libidineux et creux The Canyons.

Cosmopolis, le précédent film de David Cronenberg, réalisateur acclamé pour ses nombreux chocs cinématographiques comme La Mouche, Crash, Videodrome ou History of Violence, n’a pas vraiment fait l’unanimité. Si vous lisez la critique que nous avions publié à l’époque de sa sortie (ICI), vous pourrez voir à quel point le visionnage s’était résumé à une longue lutte contre un endormissement pugnace. Cinéaste allergique aux concessions, David Cronenberg fait ce qu’il veut et parfois, c’est fatal, on peut ne pas accrocher. Sans pour autant condamner le maître, car au fond, l’intégrité et le jusqu’au-boutisme empêchent la volée de bois vert.
Avec Maps to the Stars, œuvre longuement réfléchie, Cronenberg creuse le même sillon qu’avec Cosmopolis, mais pourtant, au final, arrive à accoucher d’un film plus rythmé, moins opaque et aussi beaucoup plus abordable. Toujours cynique, le canadien a changé deux ou trois détails dans le scénario de Bruce Wagner pour modeler le récit à sa sauce, histoire notamment d’y injecter quelques-unes de ses obsessions. Savant fou d’un cinéma viscéral, Cronenberg a depuis quelques années, laissé de côté le gore, pour s’intéresser quasi-exclusivement à la psyché de ses personnages. Pour faire simple, maintenant, il y a moins de sang et de tripes. Moins de déformations. À la place, c’est l’esprit qui morfle en subissant les assauts d’un réalisateur plus introspectif.
Maps to the Stars parle d’Hollywood à travers les trajectoires mêlées d’acteurs dysfonctionnels, mais pas forcement de la façon la plus évidente. Cronenberg associe par exemple la notion d’inceste qui selon lui, cristallise les relations coupées du monde, de ce microcosme pas toujours très sain, dans lequel il a évolué, sans s’y laisser piéger sur le long terme. Tout le monde couche avec tout le monde, la drogue est partout, la violence aussi, et les relations, qu’elle soient amicales ou amoureuses, sont toujours intéressées et jamais sincères.

Nombreuses sont les œuvres à avoir tenté de dépeindre l’envers du décors hollywoodien. Souvent, le résultat n’est pas à la hauteur des ambitions. On se souvient de Get Shorty et de Be Cool, ou de l’anecdotique Panique à Hollywood avec Robert De Niro. À vrai dire, il est plus facile d’énumérer ceux qui ont mis dans le mille. L’un des cas les plus flamboyants étant la série Entourage, produite par Mark Wahlberg, et librement inspirés de son propre parcours. Un show parfait car complètement pertinent, stimulant, pas du tout plombant car souvent drôle, mais aussi versé dans un réalisme facilitant une certaine identification ainsi qu’une forte empathie.
Pour faire court, le but du jeu dans ce genre d’exercice est d’arriver à faire de ses acteurs de bons personnages de cinéma. Pas simplement de pauvres victimes pleines de fric, broyées par un système vorace. Malheureusement, pour ce qui est de Maps to the Stars, la mission n’est pas entièrement remplie. On tombe ici dans le piège qui se résume à une belle enfilade de clichés prévisibles. Il y a le jeune mec qui fait le chauffeur mais qui nourrit l’ambition de percer dans le cinéma grâce à sa belle gueule et à ses talents autoproclamés de scénariste, cette comédienne barjot, ce gamin imbuvable genre Macaulay Culkin, etc…
Heureusement que Maps to the Stars ne se résume pas qu’à cela. Cronenberg n’est pas né de la dernière pluie, et c’est en introduisant une variante pour le moins surprenante qu’il sauve son film du marasme dans lequel il aurait pu s’enfoncer inexorablement.
Sans déflorer l’intrigue, il convient de saluer cette espèce de twist bienvenu, dont le principal bienfait est de souligner en lettres de sang les thématiques les plus puissantes de l’œuvre, tout en sortant du cadre purement Hollywoodien. Il y a aussi ce recours à un fantastique discret, mais bien présent, dont l’objectif est de matérialiser de manière glaçante les névroses des protagonistes littéralement hantés par une maladie mentale insidieuse et polymorphe.

Les acteurs aident également Maps to the Stars à garder une prestance certaine. Tout spécialement Julianne Moore, encore et toujours irréprochable, avec cette capacité, ici poussée au max, à se sortir les tripes sans retenue et- surtout- sans avoir l’air de cabotiner. Julianne Moore va très loin, et contamine de son talent l’ensemble d’une distribution pertinente, qui voit notamment John Cusack retrouver une prestance qu’il avait mis de côté depuis quelques années. Robert Pattinson ne brille par contre pas particulièrement. Assez végétatif, il joue sur la même partition que dans Cosmopolis, sauf qu’on le voit moins. Ici aussi il conduit une bagnole, sans conviction. Tout l’inverse de Mia Wasikowska, inquiétante à souhait, et donc grandement responsable de l’aura venimeuse du long-métrage.

Parfois vain, Maps to the Stars contient néanmoins assez de choses intéressantes pour maintenir un intérêt croissant. Traversé de scènes carrément ratées, il s’avère globalement assez bancal, mais au final, ce côté foutraque fait aussi partie de son identité. Comme si le film se mettait au diapason de ses personnages en manque de repères.
Cronenberg tend une nouvelle fois la perche à ses détracteurs. Avec lui, c’est souvent comme ça. C’est d’ailleurs l’une de ses grandes qualités. Son Maps to the Stars illustre cette volonté juvénile d’aller de l’avant en permanence. De ne pas se reposer sur de quelconques lauriers, depuis longtemps acquis. En soi, une sorte de punk attitude tout à fait respectable. Et tant pis pour le glamour.

@ Gilles Rolland

Maps-to-the-stars-Moore-WasikowskaCrédits photos : Le Pacte

 

Par Gilles Rolland le 22 mai 2014

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Karl Libus
Karl Libus
9 années il y a

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