[CRITIQUE] MATRIX RESURRECTIONS

Titre original : The Matrix Resurrections
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Lana Wachowski
Distribution : Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Yahya Abdul-Mateen II, Jada Pinkett Smith, Jessica Henwick, Neil Patrick Harris, Jonathan Groff, Priyanka Chopra, Lambert Wilson, Christina Ricci…
Genre : Science-Fiction/Action/Fantastique/Suite/Saga
Durée : 2h28
Date de sortie : 22 décembre 2021
Le Pitch :
Thomas A. Anderson, un célèbre programmateur de jeux vidéos, est assailli d’étranges visions qu’il prend pour des manifestations d’un trouble psychologique. Alors que son psychiatre le bombarde de petites pilules bleues censées l’aider à réprimer ses visions, il ne tarde pas à se rendre compte que ses rêves ne sont peut-être pas des constructions mentales mais bel et bien des souvenirs d’un passé qu’une force puissante le contraint à sans cesse oublier…
La Critique de Matrix Resurrections :
21 années se sont écoulées depuis la sortie du premier volet de la saga Matrix. Un film qui en son temps a imposé de nouvelles normes en matière de grand spectacle tout en incitant à une réflexion qui a poussé beaucoup de spectateurs à se livrer à d’intensives séances de brainstorming afin d’élaborer des théories quant aux aventures de Néo, cet élu censé détruire la Matrice pour libérer l’humanité. Puis vinrent les deuxième et troisième volets qui sont complètement partis en vrille, en poussant le concept toujours plus loin au risque de perdre une partie des spectateurs qui avaient adoré le premier épisode. Finalement, la trilogie s’est achevée sur un échec (relatif) et tout le monde est passé à autre chose.
Aujourd’hui en solo, Lana Wachowski a décidé de revenir dans la Matrice pour réactiver Néo et Trinity et les propulser dans une nouvelle histoire en forme de prise de tête totalement méta, et il faut bien le dire, assez surprenante. Alors, Matrix 4, qu’est-ce que ça donne ?
De retour dans le terrier du White Rabbit
Il était légitime de se demander comment Lana Wachowski allait orchestrer le retour de Néo si longtemps après sa conclusion de la trilogie Matrix. Force est de reconnaître que le postulat de ce quatrième opus surprend dans le bon sens. Dès le début, la réalisatrice semble nous rejouer Matrix. Le film joue à fond la carte du « déjà vu » en débutant par une scène déjà présente dans le premier film. Tout est pareil mais pourtant, pas complètement. Les visages ont changé, ainsi que le point de vue. En admettant que les spectateurs ont potassé les épisodes précédents avant de se pointer dans la salle, mais suffisamment généreuse pour nous proposer plusieurs flash-backs censés fluidifier le tout, Lana Wachowki tend un miroir déformant à sa propre création et sème les indices quant à la véritable nature de l’intrigue de cette quatrième aventure dans la Matrice.
Bleu vs. Rouge
Tous les codes sont là mais certains sont parfois détournés. La pilule bleue et la pilule rouge, les ralentis, les bastons et autres fusillades, la distorsion du temps et de l’espace… La cinéaste fait mine de déconstruire son propre univers tout en se moquant ouvertement du concept même de suite, pour asséner un bon gros doigt d’honneur aux studios hollywoodiens qui aujourd’hui, misent avant tout sur la sécurité via des suites, reboots et autres remakes. Enfin, disons que c’est ce qu’elle a l’air de faire car la réalité est beaucoup plus terre-à-terre.
Comme souvent chez les Wachowski, Matrix Resurrections est un film qui a une haute conscience de lui-même. Une œuvre plutôt prétentieuse qui se considère au-dessus du tout-venant hollywoodien. Au-dessus des Marvel et autres délires pop DC Comics. Au-dessus des Fast & Furious et de toutes les franchises à succès actuelles.
Mais au fond, Matrix 4, malgré tout, ne révolutionne rien. Lana Wachowski a beau régulièrement se moquer d’Hollywood, elle évolue sous la coupe d’un géant (la Warner), qui a gentiment accepté qu’on écorne un peu son image pour lui permettre de ressortir grandi de l’aventure. Si encore une fois, Matrix tente de retourner l’esprit du public, il essaye dans un même élan de lui faire croire à son statut de faux blockbuster aux intentions nobles alors qu’il suffit d’un peu gratter à la surface pour s’apercevoir qu’en sa qualité de suite, ce film souffre des mêmes travers que la majorité des suites qu’on nous sert par paquets de douze tous les ans.

Blockbuster (pas si) malin
Alors bien sûr, Matrix Resurrections va pousser les anti-Marvel et cie à le défendre pour la simple et bonne raison que le film s’adresse avant tout à ceux qui ne se reconnaissent pas dans le cinéma actuel. Pourtant, comme beaucoup de ces productions un peu feignantes, Matrix 4, sous couvert d’une audace de façade, joue aussi la carte de la nostalgie. Spectaculaire mais loin des exploits du premier film, il nous pousse à penser que tout ceci est volontaire car cette fois-ci, le but n’est pas d’imposer une révolution mais d’offrir quelque chose de plus profond. L’ensemble est finalement assez anecdotique, même si le spectacle vaut tout de même le détour.
La première partie notamment, est très réussie. L’idée de départ est plutôt bien trouvée et les choses s’imbriquent bien les unes aux autres. Par la suite malheureusement, comme Matrix Reloaded et Matrix Revolutions il y a presque 20 ans, ce quatrième volet tombe dans les excès évitant souvent de peu la sortie de route, quand il se perd en explications pas toujours convaincantes pour presque miraculeusement retomber sur ses pattes avant de conclure de façon un peu bancale mais néanmoins convaincante (ouf).
En fait, tout ce que fait Matrix 4, c’est de s’amuser avec sa propre mythologie tout en prétendant réinventer l’eau tiède. Un pur produit programmé pour caresser les cyniques, les anti-Hollywood et les critiques élitistes qui vont pouvoir écrire que finalement, si vous n’avez pas aimé, c’est que Matrix est trop complexe/rebelle/non-formaté (rayer la mention inutile) pour vous. Un film divertissant mais en rien aussi incroyable ou intelligent qu’on veut bien nous le laisser croire.
Merci Keanu et Carrie-Anne
En revanche, là où Matrix 4 gagne ses gallons, c’est quand il n’essaie plus de nous en mettre plein les neurones mais s’intéresse vraiment à ses personnages. Rempli de protagonistes sympathiques (Jessica Henwick est excellente) mais assez anecdotiques (coucou Morpheus version 2.0), le film brille véritablement quand il se concentre sur Néo et Trinity. Lana Wachowski ne se montre jamais plus convaincante que quand elle filme le regard perdu de ses deux héros qui s’ignorent, égarés au cœur d’une univers dont ils se sentent exclus mais à l’intérieur duquel ils sont pourtant prisonniers. Parfaits de bout en bout, Keanu Reeves et Carrie-Anne Moos relèvent considérablement le niveau. Ils sont l’âme de Matrix Resurrections. Pas dans l’action, qui sent le réchauffé et qui n’a qu’une seuls nouvelle idée à proposer, mais bel et bien quand les émotions sont mises à nu.
Lana Wachowski a déclaré dans le magazine Première que le sujet de Matrix Resurrections était le pouvoir fou de l’amour. C’est vrai. Enlevez tout le reste, les concepts obscurs, les petits robots amusants dont on se fout, les scènes moches, les costumes à la ramasse et les scènes de baston confuses et il vous restera une belle histoire d’amour. Un très belle histoire d’amour.
Pour le reste… Matrix 4 se termine par une reprise pop un peu aux fraises du Wake Up de Rage Against The Machine, qui concluait le premier film. Un choix qui en dit long. À l’instar de cette cover, sans les grosses guitares, sans le mordant et la fureur de RATM, Matrix 4, sous ses apparats encombrants, est surtout une proposition de cinéma douceâtre, assez inoffensive, qui compte sur l’amour des fans pour le premier épisode pour s’imposer. Pas sûr que ça suffise.
En Bref…
Maladroit et souvent bancal quand il retombe dans les travers de Matrix Reloaded et Matrix Revolutions, faussement subversif mais plutôt bien amené, parfois étonnamment brouillon et marqué par des choix esthétiques très discutables, Matrix Resurrections gagne en revanche ses gallons quand il se concentre sur l’essentiel à savoir l’histoire d’amour entre Néo et Trinity. Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss portant le film sur leurs épaules tout du long. Leurs performances, impressionnantes, suffisent à donner une âme à cet objet curieux, poussif mais divertissant. En l’état, Matrix 4 est probablement ce que pouvait faire de mieux Lana Wachowski compte tenu de tout ce qui a précédé. En cela, il s’agit du meilleur épisode de la saga après le premier.
@ Gilles Rolland
