[Critique] MÈRE ET FILS

CRITIQUES | 22 février 2014 | Aucun commentaire

Titre original : Pozitia Copilului

Rating: ★★★★☆
Origine : Roumanie
Réalisateur : Calin Peter Netzer
Distribution : Luminita Gheorghiu, Bogdan Dumitrache, Ilinca Goia, Natasa Raab, Florin Zamfirescu, Vlad Ivanov…
Genre : Drame
Date de sortie : 15 janvier 2014

Le Pitch :
Un soir, au volant de sa voiture, Barbu renverse et tue accidentellement un enfant. Risquant une longue peine de prison, sa mère Cornelia faisant partie de la haute société, intervient dans l’affaire et fait jouer ses relations afin de lui éviter sa condamnation…

La Critique :
Mère et fils est un film absolument prenant et saisissant. Tout en retenu et porté par un rythme soutenu, il captive et fascine de bout en bout sans jamais ennuyer. C’est d’ailleurs en cela qu’il est profondément brillant. Le réalisateur Calin Peter Netzer nous raconte une histoire simple mais difficile, sans fard ni détour. Une histoire qui raconte une tragédie qui pourrait arriver à n’importe qui. La puissance des émotions n’aurait pas été la même sans des acteurs plus qu’à la hauteur. Ici tous sont adéquats et à leur place, mais c’est bien Luminita Gheorghiu qui porte le film sur ses épaules. Reconnue comme l’une des plus grandes actrices d’Europe de l’Est, elle campe ici une mère possessive et intrusive, mise au premier plan et omniprésente.

La mise en scène est minimaliste et les espaces sont très restreints. La caméra se concentre principalement sur les acteurs, plus précisément sur leurs visages ainsi que sur leurs gestuelles, afin de saisir toute la dimension humaine de l’histoire. Ceci amène une focalisation et maintient l’intérêt du spectateur éveillé. Dans la première partie on est complètement par dans le récit, et on retient son souffle. Mais à cette fascination vient s’ajouter un sentiment d’écœurement profond qui donne le vertige, car le film bouscule le spectateur en le plaçant face à une situation immorale. Et c’est cette confrontation face à l’immoralité qui constitue toute la substance du film. Là réside son propos et son grand intérêt.

Le long-métrage de Calin Peter Netzer , qui a d’ailleurs été critiqué dans son propre pays, est une diatribe acerbe de la corruption qui sévit en Roumanie. Une corruption qui touche les systèmes judiciaires. C’est un portrait peu glorieux du fonctionnement de la justice roumaine qui est dressé ici. Une justice toute relative donc, car la police et les hommes de loi peuvent être corrompus par l’argent, et des coupables sortis d’affaire grâce à leurs relations. Les différences sociales qui atteignent des grands écarts sont aussi montrées du doigt.

Mais ce qu’il y a de plus fantastique dans ce film nominé à l’Oscar cette année, c’est l’humanité qui en émane. Cette dernière fait surface et s’installe progressivement lors de la seconde partie. La répulsion ressentie à la vue de l’injustice laisse alors la place à la compassion et la tolérance. Le déni puissant dans lequel sont bloqués les personnages va voler en éclat, et ces derniers vont être confrontés à leurs vives émotions. Au delà du déni, c’est toute la machine qui se brise, plus précisément la machine temporelle. Les procédures judiciaires prennent fin, Cornelia et Barbu reviennent brutalement à la réalité, et prennent pleinement conscience de la gravité de la situation. De cette prise de conscience découlera leur humanité retrouvée. Toute la retenue condensée dans la première partie du film finit par exploser offrant alors un dénouement très poignant, qui même s’il se fige dans la souffrance, en appelle surtout au pardon et à la rédemption. Le message est fort, l’image magnifique.

Minimaliste d’un point de vue esthétique et spatio-temporel, quasiment dépourvu de bande-son, le film ne bénéficie pas non plus d’un grand nombre de protagonistes. C’est de toute façon et avant toute chose un drame humain parfaitement orchestré de bout en bout, confrontant une mère possessive face à son fils trentenaire aux allures d’adolescent. L’histoire tragique sert principalement à traduire la relation très difficile entre Cornelia et Barbu qui n’arrivent plus à communiquer, et qui se détruisent mutuellement. Assurément Mère et Fils traite de l’humain, dans sa laideur comme dans sa noblesse. L’humain est scruté dans ses plus vils instincts, mais c’est l’espoir et la compassion qui l’emportent à la fin

@ Audrey Cartier

mère-et-fils-photoCrédits photos : Sophie Dulac Distribution

Par Audrey Cartier le 22 février 2014

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