[CRITIQUE] MISANTHROPE
Titre original : To Catch a Killer
Rating: 
Origine : États-Unis
Réalisateur : Damián Szifrón
Distribution : Shailene Woodley, Ben Mendelsohn, Jovan Adepo, Ralph Ineson…
Genre : Thriller
Durée : 1h59
Date de sortie : 26 avril 2023
Le Pitch :
Le soir du Nouvel an à Baltimore, 29 personnes sont abattues par un sniper, en plein centre-ville. Eleanor Falco, une policière, arrive rapidement sur les lieux et rencontre Geoffrey Lammark, un agent fédéral chargé de l’affaire. Séduit par les théories de la jeune femme, Lammark s’empresse de la recruter pour mener l’enquête. Bientôt le tueur repasse à l’action…
La Critique de Misanthrope :
Remarqué en 2014 avec Les Nouveaux Sauvages son enthousiasmant film à sketches, le réalisateur/scénariste Damián Szifrón a pris son temps pour peaufiner son nouveau projet, qui l’a amené à rallier les États-Unis. Misanthrope avec lequel le metteur en scène joue avec les codes du thriller américain avec un certain brio pour mieux se les approprier.
Dans la froideur de la nuit
Alors que la ville de Baltimore fête le Nouvel an, un tireur prend pour cible plusieurs personnes de manière arbitraire. Chargé de l’affaire, un agent fédéral (Ben Mendlesohn) remarque vite le potentiel d’une policière (Shailene Woodley) présente sur les lieux. Très vite Damián Szifrón forme le duo de son polar qui bientôt, avec l’arrivée d’un jeune policier (Jovan Adepo), devient un trio. Misanthrope impressionne dès sa séquence d’ouverture en déjouant quelque peu les attentes. Si les codes sont connus, l’approche est différente. Damián Szifrón évite de trop en faire ou de trop en montrer, préférant se concentrer sur ses personnages et tout particulièrement sur celui incarné par Shailene Woodley, dont il expose les fêlures pour mieux mettre en évidence sa résilience et sa force intérieure.
The Shield
Absolument prodigieuse, Shailene Woodley s’investit totalement dans son rôle (elle a également co-produit le film), au point de sublimer celui-ci, en dépit des quelques clichés qui le caractérisent. Plutôt taciturne, garante de lourds secrets, blessée dans tous les sens du terme et en apparence plutôt fragile (elle s’évanouit quand elle arrive sur la première scène de crime), Elanor Falco, c’est son nom, est finalement assez ambitieuse en cela qu’elle ressemble à d’autres héros ou héroïnes de polars vus dans d’autres films mais parvient néanmoins à imposer sa singularité.
On pourrait même dire qu’elle répond en quelque sorte au tueur, avec lequel elle partage plus de points communs qu’elle ne le soupçonne au premier abord. Ce personnage, très fort et donc remarquablement joué, permettant à Damián Szifrón de tisser un récit certes palpitant mais surtout remarquable dans sa propension à rester sur un plan intime sans singer les classiques du genre ou même tomber dans la surenchère.
À la poursuite du tueur
Lui aussi très méritant, surtout quand on en découvre plus au sujet de l’agent du FBI qu’il incarne avec beaucoup de subtilité, Ben Mendlesohn renoue avec l’excellence de ses meilleures performances, avec une sobriété qui lui sied à merveille. Le trio qu’il forme avec Shailene Woodley et Jovan Adepo, également très solide, prouvant sans cesse sa valeur au fil d’échanges qui là encore illustrent l’originalité discrète d’un thriller aussi jusqu’au-boutiste que finalement assez audacieux.
Reposant sur une écriture en béton, réaliste et viscéral, Misanthrope jouit aussi d’une photographie qui évoque parfois les belles heures du cinéma de Michael Mann. Sa mise en scène mettant en exergue les thématiques très subtilement abordées, auxquelles le titre français fait (pour une fois) habilement référence. Même si le titre original To Catch a Killer semble néanmoins un peu plus pertinent en cela qu’il se prive bien de toute interprétation pour ramener le genre auquel le film se rattache à son expression la plus pure.
Misanthrope qui néanmoins, et c’est bien son seul vrai défaut, se montre un peu frustrant vers le fin, quand intervient le dénouement. Un dénouement un peu bancal où la mélancolie sous-jacente et omniprésente du récit parvient malgré tout à exploser, évitant à Misanthrope de se terminer sur une note véritablement dissonante.
En Bref…
Sous ses airs de polar urbain classique, avec des flics à la poursuite d’un tueur, Misanthrope parvient à trouver sa singularité et s’avère ainsi aussi efficace que profond. Un film d’acteurs, écrit avec une sensibilité bienvenue, qui brille également par son premier degré totalement à-propos.
@ Gilles Rolland
