[Critique] MR. HOLMES

CRITIQUES | 4 mai 2016 | Aucun commentaire
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Titre original : Mr. Holmes

Rating: ★★★★☆
Origines : Grande-Bretagne/États-Unis
Réalisateur : Bill Condon
Distribution : Ian McKellen, Laura Linney, Milo Parker, Hiroyuki Sanada, Hattie Morahan, Patrick Kennedy…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 4 mai 2016

Le Pitch :
Sherlock Holmes, le grand détective connu de tous, devenu héros de fiction, a mis un terme à ses activités depuis bien longtemps. Retiré dans sa ferme du Sussex, il passe ses journées à s’occuper de ses ruches, aidé par sa gouvernante et son jeune fils, un garçon à l’intelligence remarquable. Sherlock Holmes, qui nourrit néanmoins un dernier objectif, dans l’ombre de son bureau, à savoir parvenir à se souvenir du dénouement de sa dernière affaire pour en écrire le déroulement. Celle qui le hante depuis de trop nombreuses années. Devant pour cela se battre au quotidien avec un esprit de plus en plus embrumé par la vieillesse, sans Watson à ses côtés, Holmes est pourtant bien décidé à réussir…

La Critique :
À bien des égards, Mr. Holmes pourrait s’envisager comme une sorte de suite de la série avec Benedict Cumberbatch et Martin Freeman. Une série par ailleurs également produite par la BBC, à l’instar de ce film. Le tout est de passer outre le fait que ce dernier se déroule à la fin des années 40, alors que la série prend pied à notre époque. Un constat néanmoins utile car quoi qu’il en soit très révélateur de la qualité du long-métrage de Bill Condon.
Un film qui s’efforce de s’intégrer dans la mythologie du célèbre détective imaginé par Arthur Conan Doyle. L’une des preuves les plus flagrantes de cette bonne volonté est la présence au générique de Nicholas Rowe, à un moment où le Sherlock de Ian McKellen regarde au cinéma une adaptation de l’une de ses enquêtes. Rowe qui interpréta lui-même l’enquêteur dans Le Secret de la Pyramide, une déclinaison très réussie des écrits de Conan Doyle (où Sherlock est adolescent) réalisée en 1986 par Barry Levinson.

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Ainsi, il est aussi simple qu’agréable de plonger dans cette histoire, où un Sherlock à l’hiver de son existence, tente de résoudre une ultime énigme. Un récit imaginé par l’écrivain Mitch Cullin (Les Abeilles de Monsieur Holmes), inspiré lui-même de Conan Doyle, où le héros n’est plus ce fringant dandy, mais un vieux monsieur touché par une forme de sénilité, qui tous les jours, oublie des morceaux de son passé. Un postulat de départ des plus malins et accrocheur, mais néanmoins triste, cela va de soi. En effet, Mr. Holmes, si il ne verse pas dans le pur drame, reste une œuvre marquée par une affliction parfois soulignée. Voir cet homme connu pour l’acuité remarquable de son esprit, pour son intelligence sans bornes et pour sa fierté légendaire faire face à la sénilité et ainsi, à la décrépitude d’un mental qui néanmoins n’a pas laissé tomber la lutte, est infiniment tragique. C’est seulement grâce aux flash-backs, qui permettent de remettre le personnage dans son contexte, à l’époque de sa gloire, mais aussi grâce à l’interprétation souvent lumineuse de Ian McKellen, que le long-métrage parvient à s’extraire d’un marasme qui aurait pu lui interdire une certaine éloquence. La mise en scène de Bill Condon, un réalisateur libéré de ses obligations vis à vis de la saga Twilight, aide aussi beaucoup le scénario à respirer et à exprimer avec une plénitude agréable l’ensemble de ses thématiques. Ce dernier ne cherche pas le sensationnel mais se concentre plutôt sur ses personnages qu’il magnifie au-delà de leurs forces et de leurs faiblesses. Concernant Sherlock, Bill Condon l’auréole d’une aura bien particulière et accompagne sa lente déliquescence, avant de nous rappeler que le détective n’a pas encore dévoilé toutes ses cartes, instaurant au fur et à mesure, de concert avec le script, un véritable suspens, à la fois surprenant et bien sûr très agréable. En s’appuyant sur des mécanismes simples, Bill Condon fait montre d’ une démarche sincère et intimiste. Un choix non seulement louable, mais aussi parfaitement adapté à l’identité du film.

Pour autant, il est assez étrange de constater que l’enquête au cœur du scénario, à savoir celle qui hante Sherlock, est beaucoup moins intéressante que tout ce qui se joue à côté. Une enquête par ailleurs voulue ainsi, alors qu’au début, le spectateur serait tout à fait en droit de s’attendre à une espèce de version « Dark Knight Returns » de Sherlock Holmes, où le personnage vieillissant reviendrait aux affaires plusieurs années après son départ à la retraite. Ici, le mystère est beaucoup moins crucial que ses effets secondaires. Il est dans un premier temps l’élément déclencheur, et devient par la suite le moteur du récit. Cependant, il n’est jamais la raison d’être de ce dernier, car celle-ci se trouve ailleurs. Dans la détresse d’Holmes face à la vieillesse, dans la tendresse qui se dégage de ses évocations d’un passé prestigieux, avec le Dr. Watson, que l’on ne voit d’ailleurs jamais, dans les relations tendues avec la gouvernante, merveilleusement campée par Laura Linney et bien sûr dans la belle relation d’amitié qui se noue avec ce petit garçon, qui voit en Sherlock une sorte de grand-père de substitution garant d’un savoir auquel il aspire.

Mr. Holmes dévoile ses meilleurs atouts en filigrane. C’est en lisant entre les lignes qu’on s’aperçoit de la valeur de cette brillante extrapolation d’un mythe réinventé pour le meilleur. Empreint d’un respect tangible, mais aussi d’une volonté de ne pas se reposer entièrement sur ce qui a pu être fait avant, le long-métrage s’apparente à une mise en abîme aussi attachante qu’immersive. Une mise en abîme qui bénéficie du talent d’un acteur en état de grâce. Car bien sûr, Ian McKellen constitue l’une des meilleures raisons de voir Mr. Holmes. De tous les plans ou presque, il est impressionnant de justesse. Jamais dans l’excès, il capture l’essence d’un personnage qu’il s’approprie, sans pour autant renier tout ce qu’ont fait ses prédécesseurs, contribuant ainsi, comme souligné plus haut, à mettre en exergue la faculté du film à venir s’immiscer avec naturel dans une mythologie qu’il a parfaitement comprise et dont il s’amuse, sans en dénaturer la moelle substantielle, notamment via de petits clins d’œil savoureux.

Soigné, très émouvant, mais aussi parfois plus léger, Mr. Holmes est à la fois un vibrant hommage à l’ensemble de l’œuvre d’Arthur Conan Doyle, mais aussi une histoire à part entière, qui n’exclue jamais les néophytes ou les plus jeunes. Si les fans de la première heure y trouveront probablement leur compte, ceux qui ne sont pas familiers avec l’univers du détective de Baker Street pourraient bien se prendre également au jeu et pourquoi pas, par la suite, se plonger dans les enquêtes de Sherlock Holmes et du Dr. Watson. Avec honnêteté, application et sans chercher à brusquer, Mr. Holmes n’est peut-être pas spectaculairement aussi audacieux qu’il aurait pu l’être, mais ce qu’il parvient à accomplir force à plusieurs reprises l’admiration.

@ Gilles Rolland

Mr-Holmes-Ian-Mc-kellen2  Crédits photos : ARP Sélection

Par Gilles Rolland le 4 mai 2016

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